Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

ivoire (suite)

Produisant de délicats objets d’usage domestique (boîtes à miroirs), les sculpteurs de l’ivoire sont aussi devenus, au début du xive s., d’authentiques statuaires, encore qu’ils traitent une matière de dimensions modestes. Il suffit d’évoquer la Vierge à l’Enfant de Villeneuve-lès-Avignon, l’un des sommets de l’art médiéval, pour mesurer cette libération. Dès cette époque, la France a pour rivale l’Italie, bientôt suivie par la Flandre. Ce sont d’ailleurs à des noms flamands que sont liées les œuvres maîtresses des xvie et xviie s. : François Duquesnoy*, dont le musée de Cluny conserve plusieurs ouvrages qui justifient sa renommée ; Francis Van Bossuit de Bruxelles (1635-1692), qui inspire de nombreux ivoiriers du xviiie s. par un recueil de planches (gravées en 1727) reproduisant ses œuvres. Christof Angermair († en 1632), lui, était allemand : l’empereur Maximilien commanda à cet habile ciseleur de l’ivoire un médaillier que conserve le cabinet des Médailles de Munich. Jusqu’à la décadence du xixe s., trois centres principaux, Paris, Dieppe et Saint-Claude, s’attachent en France à la production de divers objets usuels (tabatières, navettes, branches d’éventails...), de crucifix et de portraits en médaillons, dont la vogue fut grande.

L’ivoire en Chine et au Japon

Incisé, sculpté, ajouré ou incrusté de matières précieuses, l’ivoire peut être rehaussé de couleurs ou de laque. La patine chaude et brillante qu’il prend avec le temps, son poli doux au toucher en ont fait un matériau très apprécié des lettrés chinois.

Les ivoires les plus anciens remontent à environ 1300 av. J.-C. (dynastie Shang [Chang]) et sont de petites dimensions : épingles, plaques d’ornement ou fragments de vases de cérémonies. Les sources chinoises témoignent d’une production ininterrompue jusqu’au xive s. de notre ère, mais les exemples restent rares et souvent difficiles à dater (à l’exception des pièces Tang [T’ang] conservées au Japon). À partir des Yuan et surtout des Ming, grâce à la matière première importée d’Asie et d’Afrique, la fabrication se diversifie et devient extrêmement abondante. On peut citer les statuettes religieuses ou profanes, les objets de toilette, les accessoires du studio du lettré et les insignes de dignité des fonctionnaires. Offrant un des seuls exemples de nus féminins dans l’art chinois, les ivoires « médicaux » permettaient de désigner au médecin le siège de la douleur sans que la patiente ait à se montrer.

Dès le xviiie s., les ateliers de Canton se spécialisent dans les pièces d’exportation, qui rivalisent de virtuosité et de réalisme dans les détails, mais dont la qualité se révèle vite médiocre.

Au Japon, l’art de l’ivoire n’a pas connu une évolution aussi suivie qu’en Chine, car l’éléphant n’y a jamais été indigène. Au viiie s., la vogue de la culture Tang, qui se manifeste alors dans tous les domaines, influence la production. Les trésors du Horyuji et du Shōsōin, à Nara, conservent de nombreuses pièces dont il est parfois impossible de déterminer la provenance (importation ou fabrication locale). Petits objets, tables et instruments de musique à incrustations sont décorés le plus souvent de compositions de fleurs et d’oiseaux ou de paysages.

Les sculptures sur ivoire japonaises ne reparaissent ensuite qu’au xviie s., avec les netsuke. Ce sont des boutons d’arrêt pour une cordelière qui est passée sous la ceinture et à laquelle est attachée une boîte à sceaux ou à médicaments, une bourse ou une blague à tabac. D’un usage courant jusqu’au xixe s., ces pièces minuscules, aux sujets les plus divers, révèlent l’ingéniosité et l’humour des artisans qui les ont taillées.

F. D.

G. J.

➙ Byzantin (art) / Islām.

 E. Molinier, Catalogue des ivoires du musée du Louvre (Libr. impr. réunies, 1896). / A. Goldschmidt, Die Elfenbeinskulpturen aus der Zeit der karolingischen und sächsischen Kaiser (Berlin 1914-1923 ; 3 vol.). / R. Koechlin, les Ivoires gothiques français (A. et J. Picard, 1924 ; 2 vol.). / A. Goldschmidt et K. Weitzmann, Die byzantinischen Elfenbeinskulpturen des x. bis xiii. Jahrhunderts (Berlin, 1930-1934 ; 2 vol.). / H. Maspéro, R. Grousset et L. Lion, les Ivoires religieux et médicaux chinois d’après la collection Lucien Lion (Éd. d’art et d’histoire, 1939). / G. Van Bever, les Tailleurs d’ivoire, de la Renaissance au xixe siècle (Éd. du Cercle d’art, Bruxelles, 1946). / L. Grodecki, Ivoires français (Larousse, 1947). / S. E. Lucas, The Catalogue of Sassoon Collection of Chinese Ivories (Londres, 1951 ; 3 vol.). / W. F. Volbach, Die Elfenbeinarbeiten der Spätantike und des frühen Mittelalters (Mayence, 1952). / C. Descamps de Mertzenfeld, Inventaire commenté des ivoires phéniciens et apparentés découverts dans le Proche-Orient (E. de Boccard, 1954). / R. D. Barnett, A Catalogue of the Nimrud Ivories in the British Museum (Londres, 1957). / W. P. Fagg, l’Art nègre : les ivoires afro-portugais (Artia, Prague, 1959). / J. Meldgaard, Eskimo Sculpture (Copenhague, 1959). / R. Ueda, The Netsuke Handbook (trad. du japonais, Londres, 1961). / Tardy, les Ivoires, évolution décorative du ier siècle à nos jours (l’Auteur, 1966) ; les Ivoires, t. I : l’Europe (Klincksieck, 1972).

Iwaszkiewicz (Jarosław)

Écrivain polonais (Kalnik, Ukraine, 1894).


Il fait ses études à l’université et au conservatoire de Kiev, aussi passionné de littérature que de musique (il est le cousin de Karol Szymanowski) et de théâtre. Après la révolution d’Octobre, il vient à Varsovie, se lie avec les jeunes poètes groupés autour de la revue Skamander et publie ses premières œuvres. Fonctionnaire, diplomate, il voyage à travers l’Europe. Après la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle il reste à Varsovie, il est étroitement engagé dans la vie publique de son pays : président de l’Union des écrivains, député à la Diète, directeur de revues, dont l’importante Twórczość, il participe aux mouvements d’intellectuels du monde entier.