Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Ives (Charles Edward) (suite)

 H. et S. Cowell, Charles Ives and His Music (New York, 1955 ; 2e éd., 1969). / J. E. Kirkpatrick, A Temporary Mimeographed Catalogue of the Music Manuscripts of C. E. Ives (New Haven, N. J., 1960). / C. Ives, Essays before a Sonata and Other Writings (New York, 1962 ; nouv. éd., Londres, 1969). / J. Bernlef et R. De Leeuw, Charles Ives (Amsterdam, 1969). / D. R. de Lerma, Charles Edward Ives, a Bibliography of His Music (Kent, 1970).

ivoire

Substance osseuse dure, riche en sels de calcium, qui forme la plus grande partie des dents. L’ivoire de certains animaux (défenses d’éléphant, par exemple) a servi traditionnellement à la fabrication d’objets utilitaires et surtout de parure, ainsi qu’à la sculpture.


Dès les temps préhistoriques, l’ivoire a été travaillé par l’homme. Les statuettes féminines découvertes à Brassempouy ou le petit cheval de Lourdes (Saint-Germain-en-Laye, musée des Antiquités nationales) sont d’authentiques œuvres d’art du Paléolithique supérieur.

L’Égypte prédynastique exploite ce beau matériau : le manche du couteau de Djebel el-Arak (Louvre) nous décrit probablement l’un des premiers épisodes de l’histoire égyptienne. Non moins brillantes sont les pièces retrouvées à Ras Shamra ou à Nimroud. Les héros de la Grèce homérique, comme les pharaons, possédaient un mobilier incrusté d’ivoire et d’argent ; Rome les imita : les sièges curules des sénateurs étaient décorés d’ivoire. L’Urbs a aussi maintenu la technique de la statuaire chryséléphantine, dont la tradition imputait l’invention aux sculpteurs de la Crète minoenne. L’Athéna Parthénos et le Zeus olympien de Phidias* étaient exécutés par ce procédé particulièrement difficile : les pièces d’ivoire étaient débitées en lames qu’on collait, comme les parties d’or, sur une âme de bois.

Rome, à l’époque impériale et surtout vers son déclin, utilisa encore l’ivoire pour en tirer de petits bas-reliefs, comme l’avait fait la Crète (Déesse aux serpents du musée de Boston). Dans ce matériau sont ciselées les tablettes consulaires, à deux volets, que les nouveaux consuls avaient coutume d’adresser à l’empereur ainsi qu’aux dignitaires et à leurs amis à l’occasion de leur promotion. Certains de ces diptyques sont d’authentiques œuvres d’art : ceux de Flavius Felix et de Magnus, au cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale (Paris), sont particulièrement intéressants du double point de vue de l’art et de l’historiographie, de même que l’« ivoire Barberini » (Louvre), qui montre l’empereur Constantin, à cheval, foulant les peuples vaincus. Certains bas-reliefs des tabletiers romains atteignent 40 cm de hauteur sur 20 cm de largeur.

L’Église a naturellement employé ce moyen pour populariser ses symboles. On connaît des diptyques consulaires où, dans l’inscription dédicatoire, le nom de l’empereur, gratté, a été remplacé par celui d’un saint de la liturgie : témoin le diptyque de Monza, dont les noms originels ont fait place à ceux de saint Grégoire et du roi David. Nombreux sont du reste les ivoires sculptés du Bas-Empire et de Byzance, les premiers caractérisés par un modelé uniformément rond des figures, les seconds par une recherche d’accents plus fermes. L’un des spécimens les plus complets de la première catégorie que possède la France appartient au trésor de la cathédrale de Sens : une pyxide cylindrique sculptée d’une scène de chasse. L’ouvrage date du ve s. de notre ère ; il demeure empreint du formalisme romain, et il est possible qu’il soit d’origine lombarde. Par contre, c’est d’un atelier installé en l’abbaye Saint-Victor de Marseille (seconde moitié du ve s. ?) que proviendrait le plus ancien ivoire exécuté par les praticiens français, la boucle de ceinture dite « de saint Césaire » (trésor de l’église Saint-Trophime d’Arles) ; celle-ci représente le tombeau du Christ, au pied duquel sommeillent deux légionnaires romains. Son style gras est très proche de celui de la pyxide de Sens.

C’est d’une exécution tout autre que relève la plaque, œuvre de la fin du vie s., de l’évangéliaire de Saulieu (église Saint-Andoche). En dépit de sa malhabileté de détail, l’œuvre est marquée d’un réalisme et d’une volonté d’individualisation des figures (la Vierge entre deux anges) qui annoncent un art nouveau. La superbe plaque de l’évangéliaire de Gannat, du xe s., atteste cette évolution, dans un esprit qui s’écarte du canonisme byzantin : la distinction du style, la clarté de la distribution des motifs, l’élégance des plicatures en sont des indices caractéristiques.

L’Orient, créateur de monstres, inspire de remarquables ivoires, tel le célèbre olifant dit « de Roland » (Toulouse, musée Paul Dupuy), d’origine hispano-arabe et datable du xie s. Divisé en cinq zones, cet olifant offre un bestiaire fantastique, essentiellement asiatique : on y trouve un griffon, deux licornes, un sphinx, une harpie, une panthère à tête humaine, un ichneumon dévorant un serpent. Cette inspiration chimérique se retrouve dans le décor d’un fort beau peigne liturgique du xie s. (musée d’Auch).

L’ivoire a fourni nombre de crosses épiscopales, et celles qui subsistent démontrent la fertilité d’invention des artistes du Moyen Âge. La cathédrale de Vannes en possède un spécimen, du xiiie s., dont la volute est occupée par un lion égorgeant une gazelle, motif d’origine sassanide ; mais l’extrémité de la volute simule une gueule de dragon d’inspiration celtique. C’est par une tête de dragon que se termine la remarquable crosse du trésor de l’église Saint-Trophime d’Arles (seconde moitié du xiie s.) ; cependant l’œuvre est d’un caractère tout différent de celle de Vannes. Dans la volute est figurée une Mise au tombeau d’une composition peu commune : deux personnages barbus inclinés s’apprêtent à fermer de son couvercle le tombeau dans lequel gît la dépouille du Christ. Deux colonnes torses supportent au-dessus de la scène un arceau polylobé, sur l’extrados duquel s’élèvent trois clochetons. Des animaux fantastiques sont gravés en relief sur les faces de la crosse. L’ouvrage est indiscutablement français. Par contre, la « Sainte Châsse » du trésor de Sens, coffret polyédrique à douze panneaux et couvercle pyramidal, racontant les Histoires de David et de Joseph, est byzantine, encore que tardive (xiiie s.). Il est intéressant de confronter le style minutieux de ce chef-d’œuvre avec la largeur de facture d’un autre chef-d’œuvre, la crosse épiscopale de l’évêque Renaud de Bar (1302-1316), appartenant à la cathédrale de Metz. La volute est remplie par une Crucifixion ; mais le caractère ressenti des attitudes, l’ampleur et la simplicité des mouvements, le sens du volume des drapés révèlent la profonde révolution qui s’est accomplie dans la vision des artistes. Ceux-ci ne copient plus des enluminures, ils observent le réel.