Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Invalides (hôtel et Institution nationale des) (suite)

L’évolution de l’état militaire et le souvenir des gloires de la France sont également perpétués aux Invalides par la présentation aux voûtes de l’église de nombreux drapeaux pris à l’ennemi, et surtout par les collections particulièrement riches du musée de l’Armée, dont les salles occupent la partie centrale de l’hôtel des Invalides, collections qui en font un véritable musée d’art, de technique et d’histoire. Une partie de l’hôtel a été affectée de 1898 à 1969 au siège de la région militaire de Paris et demeure celui du gouvernement militaire de la capitale. Depuis le premier Empire, c’est aux Invalides également que se déroulent les cérémonies militaires les plus marquantes sur le plan national, et notamment les prises d’armes organisées pour la remise, par le chef de l’État ou son représentant, des plus hautes distinctions militaires.


L’Institution nationale des Invalides

Il ne faut pas oublier toutefois que la construction de l’hôtel est directement liée à la création, par Louis XIV, le l’Institution nationale des Invalides pour les vieux soldats incapables par leur travail de subvenir à leur existence. Celle-ci avait été jusqu’alors très précaire. Quelques-uns seulement avaient une place réservée dans les abbayes de fondation royale, mais la plupart se retrouvaient infirmes et misérables, mêlés aux vagabonds et aux gens sans aveu. Les tentatives de Henri IV puis de Louis XIII pour leur donner un asile décent n’avaient pas réussi. Aussi le Grand Roi, après en avoir réglé le financement, décida-t-il, le 24 septembre 1670, la construction dans la plaine de Grenelle d’un hôtel où ils seraient réunis. Sous l’impulsion de Louvois*, l’institution prit naissance en 1674, et les bâtiments furent occupés dès octobre de la même année. Bien que la discipline y fut très strictement militaire et la vie quasi monacale, les candidats s’y pressèrent en grand nombre. Aussi, en 1690, Louis XIV créa-t-il les compagnies détachées pour les invalides capables d’assurer un service sédentaire comme la garde des places fortes aux frontières. C’est ainsi qu’à partir de 1749 une compagnie de bas-officiers invalides fut chargée de garder la Bastille. En 1774, il existait 164 de ces compagnies, commandées et administrées par le gouverneur des Invalides. À Paris, l’ampleur de l’édifice témoignait de la place de choix que Louis XIV entendait donner à l’armée et à ses soldats. Toutefois, les Invalides souffrirent des revers et de la misère qui marquèrent la fin de son règne. Puis le système des pensions de retraite s’étant établi au xviiie s., surtout avec Choiseul* et le comte Claude Louis de Saint-Germain (1707-1778), l’existence même de l’Institution fut menacée. Elle traversa pourtant la tourmente révolutionnaire et prit avec Napoléon un essor tout à fait nouveau : son financement fut assuré par un système fondé sur la mutualité (prélèvement sur les retraites), mais surtout l’Empereur fit des Invalides le sanctuaire de la Grande Armée. C’est là que, à partir du Consulat, sont déposés les drapeaux conquis, que sont transportées les cendres de Turenne et que, le 15 juillet 1804, sont distribués, au cours d’une imposante cérémonie, les premiers insignes de l’ordre de la Légion d’honneur. En 1807, les trophées de la Grande Armée y sont déposés. Ainsi, en rehaussant le caractère des Invalides au niveau d’un haut lieu national, Napoléon avait sauvé l’Institution, qui comprenait plusieurs milliers de pensionnaires en 1810. Mais, après les désastres de 1815, elle connaît de nouveau une éclipse. Grâce à l’amélioration du régime des pensions de retraite et d’invalidité, le nombre des pensionnaires passe de 3 375 en 1863 à 127 en 1900. À cette date, la question de la suppression de l’Institution des Invalides semble donc de nouveau posée.

Avec la Première Guerre mondiale, le nombre des grands blessés et des invalides augmente considérablement. Aussi Clemenceau* décide-t-il, par le décret du 2 janvier 1918, de rendre vie à l’Institution nationale des Invalides. Son statut a été précisé en 1957 : relevant du ministre des Anciens Combattants, elle est placée sous les ordres d’un gouverneur, officier général du cadre de réserve, invalide de guerre lui-même. Elle reçoit encore quelques pensionnaires retraités en raison de leurs blessures et de leur grand âge, mais l’Institution des Invalides est devenue principalement un centre médico-chirurgical spécialisé dans la rééducation fonctionnelle des grands invalides amputés (40 lits) et dans le traitement des paraplégiques traumatiques (100 lits). Trois siècles après sa création, elle est restée, suivant le vœu de son fondateur, la maison du grand blessé et du mutilé de guerre, centre de soins, d’appareillage et de réadaptation pour les anciens combattants qui ont le plus souffert.

Le musée de l’Armée

Il est né au début du xxe s. de la réunion dans l’hôtel des Invalides du musée de l’Artillerie et du Musée historique de l’armée. Le premier remontait à l’initiative prise en 1685 par le maréchal d’Humières (1628-1694), grand maître de l’artillerie, de réunir une collection de toutes les bouches à feu en service. Installée d’abord à la Bastille, puis au couvent des Jacobins, près de l’église Saint-Thomas-d’Aquin, elle fut rassemblée aux Invalides en 1871 et 1872. Quant au Musée historique de l’armée, il avait été créé en 1896, également aux Invalides, à l’initiative d’une société d’histoire militaire, la Sabretache. La fusion des deux musées en un seul, appelé désormais musée de l’Armée, n’eut lieu qu’en 1905 : son premier directeur fut le général Gustave Niox (1840-1921).

Constamment enrichi par des dons, des legs et des achats, le musée de l’Armée est l’un des plus beaux musées militaires du monde. Les armes, armures, uniformes, drapeaux et souvenirs de toutes sortes qu’il renferme traduisent, de l’âge de la pierre à l’ère atomique, la vie des sociétés, dont les armées ont été le reflet, aussi bien dans le domaine du costume ou de l’art que dans celui des techniques. C’est dans cet esprit qu’a débuté en 1965 un grand effort de rénovation du musée. Il concerna d’abord les salles des armes et armures anciennes, celles de l’armement réglementaire et « à système » (fusils, pistolets, revolvers, épées et sabres français et étrangers), celles des armées du xviie et du xviiie s., celles enfin des deux guerres mondiales, ouvertes en 1968 et 1971, qui, assorties de moyens audio-visuels, aident à comprendre le déroulement de ces immenses conflits. On trouve également au musée de l’Armée des souvenirs et objets personnels ayant appartenu aux plus grands comme aux plus humbles serviteurs de la France : les armures des rois, l’épée de François Ier à Pavie et celle de Napoléon à Austerlitz, les arquebuses du cabinet de Louis XIII, les fusils de Louis XIV, les bâtons des maréchaux de l’Empire, ceux de Joffre, Foch et Pétain, les reliques des déportés des camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale. À l’église Saint-Louis et dans la salle Turenne sont conservés de glorieux trophées et de très nombreux drapeaux et étendards des régiments des armées françaises, de l’Ancien Régime à celles des deux guerres mondiales. Enfin à l’extérieur, dans les galeries et les cours, sont présentées de grandes variétés de canons, des veuglaires du xive s. aux matériels de l’artillerie moderne.

Erigé en établissement public national doté de l’autonomie financière, géré par un conseil d’administration dont le ministre de tutelle est celui de la Défense nationale, le musée de l’Armée constitue dans l’ensemble des Invalides (hôtel, église, tombeau de l’Empereur) l’un des monuments les plus visités de Paris (env. 1,5 million de visiteurs en 1971).

J. W. et H. de B.

 G. Niox, l’Hôtel des Invalides (Delagrave, 1909). / E. Hardy, Hôtel des Invalides, musée dm l’Armée (Berger-Levrault, 1911). / R. Burnand, l’Hôtel royal des Invalides (Berger-Levrault, 1912). / P. Payard, Tombeau de Napoléon, église du dôme (Morancé, 1930).