Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Henri II (suite)

Mais l’épuisement des finances royales en France et en Espagne n’est pas la seule cause de l’arrêt de la guerre. Les deux rois désirent aussi lutter contre les progrès de l’hérésie dans leurs États. Ils y sont fortement incités par le pape Paul IV. Il est significatif, en effet, qu’à peine la paix signée Henri II proclame l’édit d’Ecouen, dirigé contre les protestants (2 juin 1559), et que Philippe II, en août, légifère contre les réformés des Pays-Bas.

Henri II ne peut, pour sa part, mener cette tâche à bien : grièvement blessé par Gabriel de Montgomery, capitaine de la garde écossaise, lors du tournoi de la rue Saint-Antoine, donné pour célébrer les mariages arrêtés au Cateau-Cambrésis entre Philippe II et Élisabeth de Valois, fille du roi de France, et entre sa sœur Marguerite et le duc de Savoie, il meurt, après de cruelles souffrances, le 10 juillet 1559.

P. P. et P. R.

 L. Romier, les Origines politiques des guerres de Religion (Perrin, 1913-14 ; 2 vol.).

Henri III

(Fontainebleau 1551 - Paris 1589), roi de France (1574-1589).


Troisième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, ce prince passa longtemps pour le type même du mauvais roi, incapable, cruel et pervers. Des ouvrages plus récents, surtout celui de Pierre Champion, malheureusement inachevé, ont essayé de le réhabiliter, même d’en faire un prince accompli. Il semble que la réalité soit à mi-chemin ; appelé à gouverner la France à une des époques les plus troublées de son histoire, Henri III, malgré de bonnes intentions, n’eut ni les forces physiques ni les qualités d’esprit et de caractère qui auraient été nécessaires pour mener cette lourde tâche à bien.

Physiquement, il héritait des tares familiales (tuberculose, tumeurs, gale, etc.), et son équilibre psychique ne valait guère mieux. Très « fin de race », il avait, au dire de Jacques de Thou, « un esprit incompréhensible, en certaines choses au-dessus de sa dignité, en d’autres au-dessous même de l’enfance ». Ses goûts efféminés, son entourage de « mignons » (Quélus, Maugiron, Saint-Mégrin, Saint-Luc, Epernon), ses bizarreries — même si tous ces traits ont été exagérés et poussés au noir par ses ennemis politiques — dénotent à l’évidence un esprit peu équilibré.

Adolescent, Henri commanda en tant que duc d’Anjou l’armée royale qui battit les huguenots à Jarnac et à Moncontour (1569) ; il y acquit une grande réputation d’homme de guerre, si grande que les Polonais en firent leur roi. Mais cette réputation fut surtout le fruit de l’habile propagande de sa mère, et la victoire de Jarnac est à mettre au compte des excellentes mesures du comte Gaspard de Tavannes.

Élu roi de Pologne en 1573, Henri n’y passa que quelques mois ; à la mort de son frère Charles IX, il ne songea plus qu’à regagner la France. Catherine* de Médicis y avait repris la régence et empêché son dernier fils, François, duc d’Alençon (1554-1584), favorable aux huguenots, d’usurper la couronne de son aîné. C’est pourquoi le prince Henri Ier de Condé, chef des réformés, conjura les Polonais de retenir leur roi. Mais Henri s’enfuit de Cracovie et gagna la France en passant par Vienne et Venise.

Après son sacre à Reims, il épousa Louise de Vaudémont, de la maison de Lorraine (févr. 1575). La paix de La Rochelle signée en juillet 1573 avec les protestants était trop précaire pour pouvoir durer longtemps, et les combats, à l’initiative du comte de Damville (le futur Henri Ier de Montmorency), reprirent dans l’Ouest et le Midi. Le roi de Navarre et le duc d’Alençon rejoignirent les insurgés. Après la victoire de l’armée royale à Dormans (oct. 1575), commandée par le due Henri de Guise, une troupe allemande dévasta la Bourgogne et la Champagne, et Henri III se résigna à la paix. Par l’édit de Beaulieu (6 mai 1576), il désavouait les massacres de 1572, accordait la complète liberté du culte dans tout le royaume, hormis à Paris, ainsi que huit places de sûreté et des chambres mi-partie dans tous les parlements.

Jamais les protestants n’avaient encore obtenu de tels avantages ; ceux-ci provoquèrent la colère du parti catholique, qui pensa, dès lors, à se constituer en parti organisé à l’exemple de leurs ennemis. C’est l’origine de la Ligue, dont Henri III, pour la mieux surveiller, se proclama le chef. Politiquement, les ligueurs étaient soutenus par le pape et par l’Espagne, Philippe II craignant que, vainqueurs, les huguenots français puissent soutenir le parti des « gueux » révoltés contre son autorité dans les Pays-Bas. Des études récentes ont montré que le rôle de Madrid dans l’histoire de la Ligue a été exagéré et que l’on a eu tort de considérer les masses populaires comme un instrument aveugle entre les mains des démagogues agissant pour le compte de l’Espagne. La diplomatie n’était pas au service de la religion : au contraire, elle en contrôlait les querelles au mieux de ses intérêts. La clef du problème est à Paris dans une analyse, qui n’a pas encore été faite, des origines sociales de la Ligue, du rôle qu’y joua une grande partie de la population.

Aux états généraux de Blois (déc. 1576 - mars 1577), Henri III, sous la pression des catholiques, désavoua l’édit de Beaulieu, et ce fut une nouvelle guerre qui tourna à l’avantage du roi. La paix de Bergerac et l’édit de Poitiers (17 sept. 1577) restreignirent ce qui avait été accordé un an auparavant : ainsi, le culte n’était plus autorisé que dans une ville par bailliage. C’est à ce moment que le roi fonda l’ordre du Saint-Esprit (1578), dans le sage projet de réunir les grands de tous les partis par le serment auquel devaient s’engager les chevaliers ; le conflit se réalluma néanmoins en 1579, mais pour peu de temps, car la paix de Fleix (26 nov. 1580) y mit fin.

On assista ensuite à une accalmie, due sans doute aux calamités de toutes sortes qui s’abattirent alors sur le royaume (pestes, famines) ; en outre, François d’Alençon, frère du roi (devenu duc d’Anjou en 1576), avait emmené avec lui des trempes combattre les Espagnols aux Pays-Bas. Mais il échoua et revint mourir en France (10 juin 1584). La mort posa le problème de la succession, car, Henri III n’ayant pas d’enfants, le seul héritier légitime se trouvait être un Bourbon, le roi Henri de Navarre, un huguenot. Les Guise prirent ce prétexte pour signer avec le roi d’Espagne le traité de Joinville (31 déc. 1584), par lequel le trône était réservé au cardinal Charles de Bourbon (1523-1590), oncle d’Henri de Navarre ; le roi Philippe II promettait un subside mensuel pour l’entretien des troupes de la Ligue.