Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique précolombienne (suite)

La préhistoire méso-américaine

L’histoire du peuplement de l’Amérique est encore aujourd’hui soumise à controverses. Jusqu’à présent, aucun « Homo americanus » n’est attesté, c’est-à-dire que la présence d’un homme originaire d’Amérique n’a pu être prouvée. Les plus anciens ossements datent d’environ 15000 av. J.-C. Il semble de plus en plus probable que le « fond » de la population soit venu par le détroit de Béring, à la fin de la dernière glaciation, quand les glaces permettaient un passage à pied sec à de petites hordes de chasseurs poursuivant leur gibier, qui auraient pénétré de plus en plus profondément dans le continent. Dans la zone que nous voulons évoquer, on peut tenter de dégager plusieurs périodes. C’est tout d’abord l’époque « paléo-indienne », antérieure à 7000 av. J.-C. Les hommes, nomades, poursuivent le gibier dans un climat beaucoup plus froid que de nos jours. Cette vie précaire nous a laissé peu de témoignages : une pointe de type Clovis, un sacrum de lama sculpté en forme de tête d’animal, le célèbre « homme de Tepexpan » enterré volontairement, un squelette de mammouth associé à six outils lithiques. Tous ces vestiges peuvent être datés d’environ 9000-7000 av. J.-C.

Peu à peu, la température se réchauffe, les grandes races animales disparaissent. Nous entrons dans une période qui va durer grosso modo de 7000 à 2000 av. J.-C. et que l’on peut définir comme étant celle de la collecte de la nourriture et des débuts de la culture de certaines plantes. Le réchauffement du climat tend à transformer le pays en désert. Les habitants vivent surtout de la collecte des rares végétaux sauvages et de la chasse des petits animaux. Des recherches menées dans l’État de Tamaulipas, au Mexique, montrent que 2500 av. J.-C. marque ici un tournant décisif ; un nouvel adoucissement du climat et une hydrographie supérieure provoquent une sorte d’éclatement : le maïs hybride, encore très rudimentaire et aux épis très petits, apparaît. Ce phénomène, qui eut lieu sans doute bien avant à Tehuacán (dans l’État de Puebla), va changer les conditions de vie et nous faire entrer dans la période préclassique.


La période préclassique (2000 av.-300 apr. J.-C.)

Cette période a été nommée successivement archaïque ou formative. Il semble que le terme préclassique convienne mieux pour désigner une période qui contient déjà en germe tous les traits de la tradition mésoaméricaine. L’apparition de la culture du maïs a dû être très progressive et le résultat d’une évolution, non d’une « révolution ». Elle a des conséquences importantes. La subsistance devenant moins précaire, les tribus s’accroissent et se fixent. La horde de chasseurs laisse place au petit village d’agriculteurs. Ce qui est encore aujourd’hui la base de la vie matérielle indienne se dégage : le complexe maïs-haricots-courges-piments. Bien sûr, sur cette longue période et dans cette immense zone, l’évolution n’est pas uniforme, et des modes de vie archaïques subsistent à côté de cette première organisation. La période préclassique elle-même se subdivise en préclassique ancien (2000-1000 av. J.-C.), moyen (1000-300 av. J.-C.) et tardif (300 av.-300 apr. J.-C.).

Dès le préclassique ancien, l’archéologie nous renseigne sur ce que devait être la vie de ces peuples. Elle nous apprend que ces groupes, encore numériquement restreints, avaient un habitat fixé, que leur alimentation reposait sur le maïs (comme le prouvent les pierres à moudre), qu’ils connaissaient le tissage et la céramique. On peut supposer qu’ils adoraient de petits dieux, sans doute liés au rythme des saisons. Le culte devait être familial, et les temples faits de matériaux légers. On a trouvé un grand nombre de petites figurines en céramique, stéatopyges, évoquant sans doute la fertilité. Il faudra attendre le préclassique moyen pour que se manifestent d’autres formes de culte. C’est en effet à ce moment que parvient sur les hauts plateaux l’influence de la première « civilisation », celle des Olmèques.


La première civilisation américaine, les Olmèques*

Ce peuple, dont la langue et l’histoire recèlent encore bien des inconnues, doit avoir connu très tôt — vers l’an 1000 av. J.-C. — son épanouissement sur la côte du golfe du Mexique. Son premier centre paraît avoir été La Venta, dans l’État actuel de Tabasco. Avec ce peuple, on assiste à une évolution dans tous les domaines. Les premiers centres cérémoniels apparaissent, comme si le clergé, devenant plus nombreux et mieux organisé, avait voulu créer des structures religieuses spécialisées. L’enterrement de certains chefs ou prêtres permet d’imaginer l’existence d’une aristocratie. Bien des traits culturels de la Méso-Amérique apparaissent à cette époque. Il semble qu’on doive aux Olmèques les premiers temples « en dur », les marchés, sans doute aussi le jeu de balle, qui devait connaître une si grande fortune dans tout le Mexique, et enfin la numérotation et le calendrier. Quant à leur religion, nous savons qu’ils adoraient un dieu mi-félin, mi-humain, issu des amours d’une femme et d’un jaguar, et dont le visage caractéristique, joufflu et avec une bouche en forme de crocs, inspirera tant d’œuvres postérieures. Ce dieu était-il un dieu de la Végétation ? Nous l’ignorons encore, bien que la plupart des dieux de la Pluie des autres civilisations semblent en dériver : le Tlaloc des Aztèques, le Cocijo des Zapotèques, le Chac des Mayas...

Sur le plan artistique, les Olmèques ont laissé, outre de forts belles réalisations céramiques, deux types d’objets très caractéristiques : d’une part, d’immenses têtes de pierre, au type presque négroïde, et, d’autre part, exportées ou copiées sur des milliers de kilomètres, de merveilleuses figurines de jade. Les unes et les autres représentent d’extraordinaires prouesses techniques.

La fin de cette civilisation semble avoir été brutale. La Venta est détruite, intentionnellement semble-t-il, en 300 av. J.-C. Mais le rayonnement olmèque est loin de cesser. Si La Venta ne sert plus que de lieu de culte, Tres Zapotes, plus au nord, semble jouer à son tour le rôle de métropole et nous fournit la première date certaine, inscrite selon le système de numération par barres et points qui sera celui des Mayas : 31 av. J.-C. Et ailleurs, les formes, le style et les idées des Olmèques continuent à être imités, si loin que l’on a pu en rapprocher la civilisation de Chavín, au Pérou.