Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gozzi (les) (suite)

Carlo Gozzi (Venise 1720 - id. 1806)

Frère cadet de Gasparo, Carlo Gozzi ne quitta Venise que le temps de son service militaire en Dalmatie (1741-1744). Esprit fantasque et réactionnaire, membre de l’académie puriste « dei Granelleschi », il passa sa vie à faire le procès de la culture et de la société de son temps. Méprisant le sort des écrivains (à commencer par son frère) alors asservis au marché du théâtre et de l’édition, il tenta vainement de relever par la chicane la désastreuse position sociale et économique de sa famille. Ennemi juré de l’illuminisme, qu’il rend responsable de la corruption des mœurs contemporaines et de la décadence de sa caste, il prend pour cible de ses plus féroces attaques les deux genres coupables à ses yeux de refléter le plus fidèlement la sensibilité de l’époque : le théâtre larmoyant de Pietro Chiari et la comédie réaliste de Goldoni* (La Tartana degli influssi per l’anno bisestile 1756, La Scrittura contestativa al taglio della « Tartana », Il Teatro comico all’Osteria del Pellegrino tra le mani degli Accademici Granelleschi). Pour démontrer polémiquement qu’on pouvait tout aussi bien se gagner la faveur du public en recourant aux procédés traditionnels de la commedia dell’arte, il compose et fait représenter de 1761 à 1765 dix « fables » (fiabe) théâtrales qui, mêlant au merveilleux classique la satire des œuvres à la mode qu’il exècre, connaîtront un grand succès : L’Amore delle tre melarance (l’Amour des trois oranges), Il Corvo (le Corbeau), Re Cervo (le Roi cerf), Turandot, La Donna serpente (la Femme serpent), Zobeide, I Pitocchi fortunati (les Gueux fortunés), Il Mostro turchino (le Monstre bleu), L’Augellino belverde (l’Oiselet Beauvert), Zeim re dei genii (Zeim, roi des génies). Il y manifeste une irrésistible verve caricaturale, une imagination poussée jusqu’au surréalisme et une remarquable efficacité scénique jointe à une extrême virtuosité linguistique. Dons que confirment avec éclat son poème héroïcomique de La Marfisa bizzarra (composé de 1761 à 1768) et surtout ses Memorie inutili (composés à partir de 1780 et publiés en 1797-98), où, au fil des souvenirs et des épisodes grotesques ou fantasques, le plaisir du conteur s’abandonne à la plus savoureuse des autocaricatures.

J.-M. G.

 A. Zardo, Gasporo Gozzi nella letteratura del suo tempo a Venezia (Bologne, 1923). / E. Falqui, « Gasparo Gozzi » dans Letteratura italiana, I minori, t. III (Milan, 1961). / B. T. Sozzi, « Carlo Gozzi » dans Letteratura italiana, I minori, t. III (Milan, 1961). / M. Berengo, Giornali veneziani del settecento (Milan, 1962). / G. Ortolani, La Riforma del teatro nel Settecento (Venise et Rome, 1962).

Gozzoli (Benozzo)

Peintre italien (Florence v. 1420 - Pistoia 1497).


Benozzo di Lese est couramment appelé Benozzo Gozzoli depuis que Vasari le nomme ainsi dans la seconde édition de ses Vies des peintres célèbres, bien qu’aucun document ne porte ces deux noms accolés. On sait qu’en 1442 il a au moins vingt ans et qu’il apprend à peindre. En 1444, il signe un contrat de trois ans avec Lorenzo et Vittorio Ghiberti* pour travailler à la troisième porte de bronze du baptistère de Florence. En 1447, il devient le principal assistant de Fra Angelico* au Vatican (fresques de la chapelle de Nicolas V). En 1450-1452, il peint seul les fresques de la Vie de saint François à l’église San Fortunato de Montefalco ; encore très influencé par Fra Angelico dans les évangélistes de la voûte du chœur, son art s’affirme dans les panneaux et s’achemine vers un naturalisme ingénu, fait d’observations menues et d’anecdotes vivantes.

On peut supposer que les fresques de la Vie de sainte Rose à Viterbe, exécutées en 1453 et maintenant perdues, devaient être plus personnelles, car c’est un artiste en pleine possession de ses moyens et déjà célèbre qui est appelé en 1459 pour décorer la chapelle du palais Médicis à Florence. Les fresques représentant le Cortège des Rois mages sont l’œuvre majeure de Benozzo, et c’est dans cette composition que se trouvent les caractéristiques de son art. Son style fleuri, par-delà Ghiberti et Fra Angelico, rappelle l’élégance gothique d’un Gentile da Frabriano (v. 1370-1427). Le sujet sert de prétexte à une glorification des Médicis, évoquant la fastueuse réception par Cosme l’Ancien des dignitaires et des notables de l’Église après le concile de 1439 ; c’est une représentation complète de la vie et des costumes florentins au xve s., en même temps qu’une fable chevaleresque où le profane et le sacré se mélangent avec bonheur dans un chatoiement de couleurs gaies. Entre 1463 et 1467, Benezzo travaille à San Gimignano, au palais communal et dans le chœur de Sant’Agostino (fresque de la Vie de saint Augustin). En 1468, il est à Pise, où il s’établit pour plus d’une décennie ; ses fresques du Campo Santo (scènes de l’Ancien Testament) s’adaptent parfaitement aux autres compositions, antérieures d’un siècle.

Son œuvre compte une très grande quantité de retables, de bannières, de peintures de dévotion sur bois ou sur toile (Vierge en Majesté entourée d’anges et de saints, Londres, National Gallery ; retable de l’église Sant’Andrea à San Gimignano, 1466 ; retable du Triomphe de saint Thomas d’Aquin, 1470, Louvre...). Mais ce sont des formules dans lesquelles il est moins à l’aise que dans la fresque ; la sécheresse du dessin et la raideur de la composition apparaissent sous les couleurs vives. Ainsi, Benozzo Gozzoli apparaît comme un artiste séduisant, en qui survit l’esprit narratif du Moyen Âge et dont la technique minutieuse, le coloris brillant rappellent l’art de la miniature ; il a contribué à diffuser cette version souriante du goût florentin en vogue aux environs de 1460.

F. P.

 G. J. Hoogewerff, Benozzo Gozzoli (Alcan, 1930). / M. Lagaisse, Benozzo Gozzoli (Laurens, 1935). / P. Bargellini, La Fiaba pittorica di Benozzo Gozzoli (Florence, 1947). / E. Berti Toesca, Benozzo Gozzoli, gli affreschi della Capella Medicea (Milan, 1958).