Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

académisme (suite)

La décadence

La tradition académique s’est manifestée encore une fois dans un triomphe qui devait mieux la perdre, sous le second Empire et jusqu’au début du xxe s., époques à partir desquelles la révolution industrielle créa un fossé entre l’artiste et la société. Dominateur et mou, exclusif et appauvrissant, l’académisme provoqua la révolte de jeunes peintres et, plus encore, la remise en cause progressive de la plupart des principes esthétiques hérités de la Renaissance, autant dire une révolution artistique.

Épuisement de la longue et redoutable tradition des grandes scènes mythologiques et historiques ? Excès de la prééminence du dessin sur un coloris devenu délavé ? Sans doute. Des artistes, parfois plus sincères pour eux-mêmes, étaient incapables de refuser au public des sujets convenus pour lesquels s’était éteinte en eux toute faculté d’invention. L’esprit de recherche était remplacé par un art d’imitation qui recommandait l’habileté et conduisait à la spécialisation : un Detaille (1848-1912), peintre de batailles, un Cormon (1845-1924), peintre de scènes préhistoriques. Dans les Funérailles de sainte Cécile (1854), William Bouguereau (1825-1905) développait un répertoire de gestes et d’attitudes empruntés aux maîtres du passé, sans plan d’ensemble, vraie gesticulation figée. Sur les cercles officiels régnaient alors Alexandre Cabanel (1823-1889), académicien et professeur à l’École des beaux-arts, qui exposa au Salon de 1865 (celui de l’Olympia de Manet*) une Naissance de Vénus achetée par l’empereur, Thomas Couture (1815-1879), prix de Rome 1837, célèbre dès 1847 avec les Romains de la décadence, Léon Gérome (1824-1904), représenté à l’Exposition universelle de 1855 par le Siècle d’Auguste et la Naissance du Christ, acquis par l’État. Ernest Meissonier (1815-1891) atteignit le sommet de la gloire avec des scènes de genre et des costumes militaires d’un minutieux fini d’exécution. Ainsi, l’union s’était faite de l’incompétence de Napoléon III, vague mécène et restaurateur d’une Cour, et de la médiocrité des artistes en vue, asservis au public fortuné qui donnait le ton à la « Fête impériale ». L’opinion appréciait des tableaux plus flatteurs que délectables et ne voyait que le sujet, rassurée par des vues banales pourvu qu’elles fussent ressemblantes, jugeant grossier et immoral le réalisme d’un Courbet, toute à son admiration pour les nus consternants d’insignifiance et de vulgarité de Bouguereau. Cet art de parvenus s’est nourri d’un académisme éculé.

La victoire tardive de l’impressionnisme fit tourner en ridicule cet académisme, si profondément qu’il ne s’en releva pas. Ainsi, Salvador Dalí* peut-il se servir de qualités académiques — la précision du dessin, le fini de l’exécution — pour mieux faire ressortir l’invraisemblance du sujet et en tirer des effets surréalistes.

L’académisme comme théorie de l’art semble avoir vécu. Certains des aspects de l’enseignement académique sont également périmés : l’étude du corps humain n’en est plus le centre. Mais les écoles tendant à donner une formation artistique complète, que l’on peut qualifier d’humanisme, existent encore au xxe s. : la tentative du Bauhaus* en Allemagne en a été la preuve.

E. P.

➙ Académie royale de peinture et de sculpture, Académie royale d’architecture / Classicisme / Critique d’art et histoire de l’art / Éclectisme / Maniérisme.

 A. Blunt, Artistic Theory in Italy 1450-1600 (Londres, 1940 ; 2e éd., 1956 ; trad. fr., la Théorie des arts en Italie, Julliard, 1962). / D. Mahon, Studies in Seicento Art and Theory (Londres, 1947). / J. P. Crespelle, les Maîtres de la Belle Époque (Hachette, 1967).

Acadie

Ancienne région orientale du Canada français.


Explorée par Verrazano, qui la nomma Arcadie, en 1524, l’Acadie fut d’abord colonisée par Pierre Du Gua, sieur de Monts, fondateur de Port-Royal en 1605. Ravagée par Samuel Argall en 1613, elle fut rendue à la France en 1632. Le commandeur Isaac de Razilly y forma alors un établissement stable : son œuvre fut continuée par son lieutenant, Charles de Menou. Reprise par Robert Sedgwick en 1654, l’Acadie fut restituée par le traité de Breda. Sir Francis Nicholson reprit Port-Royal en 1710, et toute l’Acadie fut cédée à l’Angleterre au traité d’Utrecht (1713).

L’occupation anglaise, pendant trente ans, fut en fait nominale. Une petite garnison occupait Port-Royal, rebaptisé Annapolis Royal, mais la population, de quelques milliers d’habitants, demeurait presque entièrement française. Le gouvernement de Louis XIV fit ériger la forteresse de Louisbourg pour défendre l’accès du Canada, mais il tenta vainement d’attirer les Acadiens en l’île Royale. Les gouverneurs de la Nouvelle-Écosse, de leur côté, voulurent exiger de ceux-ci un serment d’allégeance absolue, mais n’en purent jamais obtenir qu’un serment de neutralité.

La guerre de la Succession d’Autriche, marquée par une première prise de Louisbourg, par l’expédition d’Anville et par les incursions françaises, mit les Acadiens, placés entre les belligérants, dans une situation difficile. Le gouverneur anglais Cornwallis, pour assurer la sécurité de la Nouvelle-Écosse, entreprit de coloniser effectivement cette province, en y fondant Halifax et en amenant plusieurs milliers de colons anglais et allemands.

En 1755, devant l’imminence d’une nouvelle guerre et pour faire place aux immigrants anglais, le gouverneur Charles Lawrence et son Conseil décidèrent d’expulser toute la population française, forte alors d’environ 10 000 âmes et répartie entre Port-Royal, le bassin des Mines, le cap Sable et Beaubassin. Ils firent assembler les habitants dans les églises et les forts, et les déclarèrent prisonniers ; puis ils les embarquèrent sur des navires marchands et les dispersèrent dans les colonies de Nouvelle-Angleterre, où ils furent très mal accueillis. Trois ans plus tard, lord Rollo fit évacuer les 3 000 ou 4 000 habitants de l’île Saint-Jean, comprenant environ un millier de réfugiés, et les transporta en France.