Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gossart ou Gossaert (Jan), dit Mabuse (suite)

Entre 1508 et 1509, Gossart voyage en Italie avec son protecteur, Philippe de Bourgogne, ambassadeur des Flandres en Italie. Ce séjour le met en contact avec Iacopo de’ Barbari (v. 1445 - v. 1516) et surtout avec la statuaire antique, qu’il copia souvent dans de remarquables dessins : ainsi l’Hermaphrodite, dessin à la plume (académie de Venise) qui reproduit une statue célèbre d’Apollon au repos. Cette œuvre révèle une recherche de la puissance et du modelé qui fait penser à Michel-Ange. Revenu d’Italie en 1509, Gossart suit son protecteur dans ses différentes résidences, puis passe au service de son neveu Adolphe. Il travaille pour Jean Carondelet, Christian II de Danemark et Marguerite d’Autriche. Un autre dessin, signé et daté celui-là de 1516 (Neptune et Amphitrite, Berlin), nous montre combien l’artiste est maintenant en pleine possession de son style. Son dessin, très vigoureux, reste supérieur à sa peinture.

Gossart, qui se considérait comme un grand connaisseur de l’Antiquité et « fils éclairé d’un âge nouveau », est le premier à introduire l’esprit profane de la Renaissance dans la peinture flamande. Il est mal à l’aise pour composer un tableau avec des types conventionnels, comme l’Agonie dans le jardin des Oliviers (Berlin). Mais, quand il s’agit de peindre le réel, le portraitiste donne des chefs-d’œuvre : le portrait de Jean Carondelet adorant la Vierge (Louvre), celui de Jacqueline de Bourgogne (Londres, National Gallery) sont remarquables de « présence ». Enfin, le groupe des trois enfants du roi de Danemark (Hampton Court) caractérise la rigueur réaliste de l’humanisme septentrional. Un des plus rares dessins signés est celui de la Décollation de saint Jean-Baptiste (1516, École des beaux-arts, Paris), qui a probablement servi de modèle pour un vitrail. Les architectures de ce dessin rappellent celles qui figurent dans le Saint Luc peignant la Vierge (v. 1513, Prague). Dans ce dernier tableau, selon l’expression de M. J. Friedländer, la madone et saint Luc sont « enfermés dans une prison de pierre », comme absorbés dans l’exubérance architecturale.

Finalement, en réaction contre la tradition flamande, le maniérisme brillant de Jan Gossart, ses prouesses de composition, son graphisme virtuose illustrent la voie nouvelle où s’engage l’art septentrional, juste équilibre entre les recherches du « grand style » et la précision analytique.

P. H. P.

 E. Weisz, J. Gossart gennant Mabuse. Sein Leben und sein Werk (Parchim, 1913). / A. Segard, Jan Gossart dit Mabuse (Van Oest, Bruxelles, 1924). / M. J. Friedländer, Die altniederländische Malerei, vol. VIII (Berlin, 1930).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Jean Gossaert dit Mabuse (Rotterdam et Bruges, 1965).

Gossec (François Joseph)

Compositeur français (Vergnies, Hainaut, 1734 - Paris 1829).


C’est du maître de chapelle d’Anvers André Blavier que Gossec reçoit sa première formation, qui se situe entre 1743 et 1751, date de son arrivée à Paris. Il est engagé comme violoniste dans l’orchestre de La Popelinière, dirigé par Rameau*, que remplaceront Mondonville*, puis le symphoniste de Mannheim Johann Stamitz (1717-1757), dont l’influence sera déterminante sur Gossec. Après avoir pris la succession de Stamitz, Gossec entre en 1763 au service du prince de Conti à Chantilly. Huit ans plus tard, il se consacre au Concert des amateurs, dont il cédera la direction à son élève le chevalier de Saint-Georges, prenant lui-même celle du Concert spirituel avec Simon Leduc l’aîné (1748?-1777) et Pierre Gaviniès (1728-1800). Son activité se tourne aussi vers l’opéra, où il sera nommé membre d’un comité formé après le départ de A. d’Auvergne en 1782. Deux ans plus tard, il se consacre, sans partage cette fois, à la nouvelle École royale de chant et de déclamation. Celle-ci continue de fonctionner pendant les années révolutionnaires jusqu’à l’institution officielle du Conservatoire national en 1795. La participation brillante et régulière de Gossec aux fêtes civiques est suivie d’un effacement progressif, moins imputable aux années (les facultés créatrices ne se démentiront pas jusqu’à la chute de l’Empire) qu’aux avatars du Conservatoire, remplacé en 1816 par une nouvelle École royale de musique et de déclamation auprès de l’Académie royale de musique, ce qui vaut à Gossec d’être congédié avec une légère indemnité.

Lorsqu’il disparaît en 1829, dans sa quatre-vingt-seizième année, Gossec a cessé depuis douze ans exactement toute activité créatrice. Son apport dans l’évolution de la musique se situe au cours de la seconde moitié du xviiie s. : il se borna à le prolonger jusqu’aux débuts de la Restauration, se retournant vers des formes anciennes avec le bénéfice certain de dix ans de collaboration constante aux fêtes civiques.

Les débuts de sa carrière ayant eu lieu pendant une période charnière, il est bien naturel qu’au théâtre il ait d’abord subi l’ascendant de Rameau (Sabinus, 1774) avant d’être influencé par Gluck* (Thésée, 1782). Gossec se sera également intéressé à l’opéra-comique (le Tonnelier, 1765), au ballet (Mirza, 1779) et à la musique de scène (chœurs pour Athalie de Racine, 1785). Sa contribution est encore plus digne d’attention dans un autre domaine : la musique religieuse, qui se transplantait de l’église au concert. L’oratorio la Nativité (1774) montre jusque dans sa disposition des masses vocales l’impact d’un tel transfert. Moins, toutefois, que la Messe des morts (1760), souvent citée pour l’orchestration du Tuba mirum, presque identique à celle de Berlioz*. Que cela ne fasse pas oublier la science polyphonique des chœurs, qui rattache encore son auteur au passé, tout comme les suites de Noëls pour orchestre, qui puisent aux mêmes « timbres » que celles de Delalande* et de M. A. Charpentier*. Dans la musique de chambre, Gossec n’avait pas, certes, le charme de N. d’Alayrac (1753-1809), ni la gravité de Pierre Vachon (1731-1803). C’est avant tout dans la symphonie qu’il s’est imposé, au point d’éclipser ses contemporains : les travaux de Barry S. Brook sur la symphonie française incitent à plus d’équité. Ce qu’il faut retenir, par contre, c’est la constante que représente pour Gossec cette forme d’expression ; en cela, à coup sûr, il se détache de ses contemporains. D’où l’évolution beaucoup plus sensible qui, dans son cas, sépare les premiers opus, hésitant entre l’orchestre et la musique de chambre, de la dernière Symphonie à dix-sept parties (1809), remarquable par ses développements autant que par son instrumentation. Sur ce dernier point, Gossec a tiré la somme de ses expériences antérieures, accordant aux instruments à vent un rôle nouveau, amplifié par rapport aux symphonies antérieures, dont l’orchestration était la plus fournie. Sa contribution aux fêtes civiques l’avait conduit à la pratique presque exclusive des instruments à vent. Dès 1790, il avait signé le Te Deum pour la fête de la Fédération. En 1792, il donnera à la Marseillaise sa symphonie pour ainsi dire définitive. À partir de 1793, un de ses élèves le secondera dans cette « illustration sonore » : Charles Simon Catel (1773-1830). Nous touchons là un autre apport de Gossec : la formation d’excellents musiciens, qui, pour la plupart, se seront consacrés aux formes instrumentales : M. A. Guénin (1744-1835), Lacépède (1756-1825), le chevalier J. de Saint-Georges (1745-1799), entre autres, lui seront redevables d’une solide formation, favorable à l’épanouissement de leur personnalité.

F. R.

➙ Révolution française.

 F. Hellouin, Gossec et la musique française à la fin du xviiie siècle (A. Charles, 1903). / L. Dufrane, Gossec, sa vie, ses œuvres (Lamertin, Bruxelles et Fischbacher, 1927). / J. G. Prod’homme, Gossec (la Colombe, 1949).