Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Gaule (suite)

L’art de la Gaule celtique et de la Gaule romaine

L’art de la Gaule se divise naturellement en deux grandes périodes : avant et après la conquête romaine. Sans doute, il n’y a pas de rupture complète entre les deux époques, et les Gaulois, sous l’occupation romaine, conservent leurs formes de pensée religieuse, grandes inspiratrices des thèmes de l’art, et leurs anciennes traditions artistiques, dont on trouve des résurgences marquantes, en particulier, dans l’art des campagnes. Mais les Romains ont apporté avec eux leurs conceptions « classiques » de la sculpture, et c’est sous leur impulsion que va se développer une véritable architecture dans laquelle les Gaulois vont emprunter les formes et les techniques romaines.


La Gaule celtique

On ne peut parler d’un art typiquement celtique en Gaule qu’avec l’avènement de la civilisation dite « de La Tène », au ve s. av. J.-C. Cependant, malgré ses origines étrangères, l’art des deux siècles précédents, qui se rattache à la civilisation hallstattienne (v. bronze [âge du]), est en partie implanté en Gaule par les Celtes*. Cet art est illustré par le mobilier des tombes, reflet des objets utilisés quotidiennement : longues épées de fer, mors de chevaux, garnitures de chars en bronze, fibules, torques, céramique... Les riches tombes de cavaliers et les tombes à chars, répandues dans le Nord, en Belgique et dans l’Est, en Champagne, en Bourgogne (trésor de Vix, musée de Châtillon-sur-Seine) et dans le Languedoc, mais qu’on rencontre également en Italie du Nord et en Bavière, constituent le lien entre ces cultures provinciales hallstattiennes ; il semble qu’on se trouve devant une aristocratie guerrière qui a essaimé vers l’Occident à partir de la Bavière. Plusieurs types de ces objets sont parfaitement caractérisés : longue épée à poignée ornée de rognons, qu’on trouve en Allemagne méridionale et en Languedoc, ou épée à antennes répandue dans tout le monde hallstattien, fibule à fausse corde à bouclette, bracelets à godrons, cistes à cordons d’origine italique.

Cet art est caractérisé par ses tendances à l’abstraction et à la schématisation. Aux motifs géométriques hérités de l’époque précédente se mêlent des thèmes figurés, nés de l’influence des situles vénéto-illyriennes ; ces représentations humaines et animales sont fortement schématisées et se mêlent aux motifs géométriques linéaires, constituant un décor obtenu à l’aide de petits poinçons.

Dès le viie s. av. J.-C., les relations avec le monde grec archaïque sont attestées par la présence dans la vallée du Rhin d’objets grecs et étrusques. C’est sous cette influence que va naître, à la fin du vie s., la grande sculpture en ronde bosse, dont le plus ancien exemplaire est la statue d’un guerrier découverte dans un tumulus hallstattien, à Hirschlanden, près de Stuttgart : dans ce personnage nu, on retrouve l’influence directe de la statuaire grecque, mais le torse du personnage, les bras collés à la poitrine et à peine esquissés, le visage ébauché restent dans la tradition linéaire et schématique de l’art hallstattien (musée de Stuttgart).

C’est peu après, au ve s. av. J.-C., qu’apparaît l’art de La Tène, apporté par un grand mouvement des Gaulois, qui occupent toute la Gaule et parviennent en Ibérie et en Italie Transpadane, où ils substituent leur art à celui des Étrusques.

Contrairement à la civilisation hétérogène de Hallstatt, qui s’exprime en faciès provinciaux et qui n’est qu’une culture adoptée par les Celtes, la civilisation de La Tène est homogène et propre aux Gaulois, qui la diffusent à travers tout le territoire auquel ils vont donner leur nom.

Les types d’objets de La Tène sont à peu près les mêmes qu’à la période précédente ; il s’y ajoute un art nouveau, d’influence grecque, mais d’une conception puissamment originale, celui de la frappe de la monnaie. Les monnaies purement gauloises apparaissent au iiie s. et elles disparaissent à la fin du ier s. av. J.-C., remplacées par les monnaies romaines ou gallo-romaines. En général, l’avers est frappé d’une tête de profil où la chevelure se développe en volutes exubérantes au détriment du visage, qui subit des déformations dans lesquelles la fantaisie gauloise se donne libre cours ; l’œil prend souvent une grande importance, et on arrive ainsi à la création d’un art fantastique qui répond au lyrisme souvent débridé de l’âme gauloise. Sur le revers, les chars et les chevaux des monnaies grecques se transforment aussi en animaux fantastiques, dont on trouve le pendant dans la sculpture.

En effet, si les objets d’usage courant de cette période sont parfaitement caractérisés, telles les poteries de type marnien, au profil anguleux et au décor géométrique, typiques de la période de La Tène II, c’est cependant dans les arts du sculpteur et surtout du bronzier et de l’orfèvre que la civilisation de La Tène a particulièrement brillé.

Ce n’est qu’au iiie s. av. J.-C. que se développe en Gaule une sculpture alors caractérisée par un hiératisme et un expressionnisme proprement gaulois : tels sont le Janus (tête à deux faces) et les « accroupis » de Roquepertuse (Marseille, musée Borély). De la fin du iie s. et du début du ier s. av. J.-C. date la statuaire d’Entremont, influencée par l’art romain (torses de guerrier, bas-relief représentant un cavalier au galop, avec une tête coupée attachée au cou de sa monture ; musée Granet, Aix-en-Provence) ; au ier s. av. J.-C. appartiennent la « tarasque de Noves » (Avignon, musée Calvet), chef-d’œuvre de l’art fantastique, qu’on a rapproché, pour son esprit, du célèbre chaudron de Gundestrup (Copenhague, musée national), l’idole (en pierre) d’Euffigneix et l’idole (en bronze) de Bouray-sur-Juine (musée des Antiquités nationales, Saint-Germain-en-Laye).

C’est dans la toreutique qu’on peut suivre le plus sûrement l’évolution de l’art gaulois. Pendant le ve s. av. J.-C. (style celtique ancien de Jacobsthal), correspondant à La Tène I a, les Gaulois imitent et transposent les modèles grecs dans un style dit « flamboyant », qui reste pourtant sobre ; quelques-uns des chefs-d’œuvre de ce style sont les torques et colliers d’or de Dürkheim et de Besseringen. Les transformations qui marquent la période de La Tène I b (400-350 av. J.-C.) sont nées de l’influence nouvelle de l’art scythe, d’où est issu l’art fantastique gaulois ; ce style « baroque » est en particulier représenté par les vases à vin (œnochoés) en bronze de Basse-Yutz (Londres, British Museum), le collier d’or de Rodenbach. Pendant le siècle qui constitue la période de La Tène I c (350-250 av. J.-C.) se forme le style gaulois classique, plus sobre et dépouillé, auquel on a donné le nom de Waldalgesheim, où ont été trouvés un torque et un bracelet (musée de Bonn) ; les élégants motifs curvilignes de cercles et de doubles S sont dominants. Au cours de la période suivante, de La Tène II (250-120 av. J.-C.), les Celtes, entrés en contact avec le monde balkanique, subissent un renouveau d’influences orientales qui vont créer le « style plastique », selon l’appellation de Paul Jacobsthal, dans lequel on remarque une utilisation des contrastes d’ombres et de lumières et une recherche pour tirer parti de la troisième dimension. La période de La Tène III (120-50 av. J.-C.) voit se développer un style expressionniste sous l’influence romaine, et un renouveau de l’archaïsme, comme il apparaît dans le chaudron de Gundestrup.