Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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François Ier (suite)

De 1529 à 1540 se poursuivit cette politique d’équilibre, sous la forme du duel de la France affirmant sa « nationalité » contre le vieux rêve d’un empereur possédant la domination universelle comme champion de la chrétienté. Grâce à ses alliances orientales ou protestantes (avec la ligue des princes allemands de Smalkalde en 1532), François Ier, malgré une nouvelle invasion de la France, bénéficia des heureux effets de sa diplomatie, la poussée turque en Hongrie et la résistance des luthériens en Allemagne inclinant Charles Quint à la paix.

Au traité de Crépy-en-Laonnois en 1544, la Bourgogne restait française, mais rien n’était réglé pour autant. En effet, Milan, auquel les Valois n’avaient pas renoncé, demeurait aux mains des Espagnols, et Charles Quint affermissait son pouvoir en Allemagne.


La France de François Ier

La France, depuis la sage politique de la fin du règne de Charles VII, consolidée par Louis XI et les Beaujeu, s’est enrichie et est devenue un État prospère. L’afflux des métaux précieux commence dès la fin du xve s. grâce à la remise en activité des gisements d’argent bohémiens abandonnés depuis l’époque romaine. La circulation monétaire, qui s’amplifie avec l’arrivée des premiers galions d’Amérique au début du règne de François Ier, est, avec l’expansion démographique, la principale cause de la prospérité française. Aussi, avec le début du siècle, une période faste, d’euphorie économique commence-t-elle, mais aussi de hausse des prix. Conséquence de cette montée du coût de la vie, la fortune change de mains ; la bourgeoisie commerçante s’enrichit, portée par la hausse générale des marchandises, alors que la noblesse, déjà atteinte dans ses biens par les dévastations et les rançons de la guerre de Cent Ans, est obligée de vendre partiellement ses terres à la bourgeoisie.

Cette volonté de puissance des grands marchands trouve sa justification dans le culte des héros que prône le nouvel humanisme. Les marchands sont alors de véritables aventuriers des affaires, jouant leur fortune sur un coup de dés, tels un Jean Ango (1480-1551) à Dieppe ou un Jacques Cartier*. En retour, ils contribuent à l’éclat de cette Renaissance, un Thomas Bohier († 1524) en élevant Chenonceaux, un Gilles Berthelot († 1529) en construisant Azay-le-Rideau. Il est vrai que l’État n’est pas en reste en fait de magnificences, et François Ier est le premier roi à avoir la passion des bâtiments, inaugurant une tradition qui se poursuivra jusqu’au xviiie s. : Chambord, Blois, Fontainebleau en sont les plus beaux témoignages.

C’est que l’État lui aussi s’est enrichi. Pour la première fois, le pouvoir royal s’intéresse vraiment à l’économie. Cela s’explique par le besoin croissant de métaux pour satisfaire aux demandes de l’artillerie, de l’armurerie, de l’orfèvrerie, qui se développent considérablement à cause des exigences militaires et des goûts de luxe des classes enrichies.

Aussi l’industrie des mines croît-elle en France et prend-elle déjà des allures de grande entreprise. Pour favoriser le transport de ces matériaux, l’État creuse et approfondit les canaux, supprime les péages seigneuriaux abusifs, assure la sécurité des marchands, perce des routes et construit des ponts, d’où l’essor du commerce ; reconnaissants de ces services, les banquiers lyonnais laisseront le roi puiser dans leurs caisses pour financer ses guerres.

Tout ce mouvement commercial est cause d’enrichissement pour le pays et l’État ; c’est pourquoi on réorganise la perception des finances royales. En 1523, le Trésor de l’épargne centralise dans la même caisse les revenus du domaine du roi et ceux des impôts, et, en 1542, on créera seize recettes générales qui en simplifieront la perception.

Enrichi, le pouvoir peut faire construire des palais, constituer une armée de métier nombreuse et fidèle, car bien payée, solder les 12 000 officiers qui constituent la plus importante administration d’Europe et qui portent la volonté royale dans les provinces les plus reculées. Le pouvoir peut aussi organiser une brillante vie de cour qui contribue à la prospérité des industries de luxe, comme la soie, qui fait la fortune de Lyon, ou l’orfèvrerie.

Richesse de l’État, prestige de la Cour, tout cela favorise la centralisation et l’unification de la monarchie française, d’autant que la réunion des domaines du connétable de Bourbon, après sa trahison en 1523 (Marche, Bourbonnais, Forez), et celle du duché de Bretagne à la Couronne ne laissent plus subsister à l’intérieur du territoire de grandes seigneuries dangereuses par leur semi-indépendance. Si la France de François Ier ne s’agrandit pas sur ses frontières, elle préserve l’essentiel en empêchant, comme on l’a vu, les États du Habsbourg d’étouffer ou d’amputer le royaume, qui, économiquement, entre, à la suite de l’Italie et des Pays-Bas, dans le courant de l’économie européenne grâce au dynamisme de ses marchands et de ses industries, soutenues par le pouvoir.

Mais sa puissance et sa richesse, le roi les doit aussi à une autre cause. En 1516, en effet, après Marignan, il a signé avec Léon X le concordat de Bologne, qui régira l’Église gallicane jusqu’en 1792. Si le pape y gagne l’abolition de la « pragmatique sanction » de Bourges de 1438, le roi y gagne davantage, car le traité lui livre tous les évêchés et les bénéfices ecclésiastiques en lui donnant le droit de les attribuer aux hommes de son choix, sous réserve de l’approbation pontificale. Le pouvoir acquiert ainsi un moyen de gouvernement sans précédent et, grâce à la vente des bénéfices, une richesse inépuisable pour alimenter ses finances.

Le concordat de Bologne a encore une conséquence non moins importante ; celle d’arrêter l’esprit de réforme. Le roi ayant obtenu de grands avantages, il n’éprouvera pas le besoin, à l’instar des princes allemands, de s’opposer à Rome, puisque le concordat de Bologne lui accorde sans conflit tout ce que le schisme apportera aux autres. C’est pourquoi, malgré ses sympathies pour les idées nouvelles et l’humanisme chrétien et malgré l’influence de sa sœur Marguerite d’Angoulême ou ses alliances diplomatiques avec les protestants, il se séparera définitivement des réformés après F « affaire des Placards » en 1534 et s’engagera résolument alors dans la voie de la répression.