Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fossiles (suite)

Ichnologie

Certaines pistes fossiles sont attribuables à des Invertébrés ; par exemple, les « bilobites », fréquentes au Sahara, semblent bien être des empreintes locomotrices de Trilobites ; d’autres traces, comme les helminthoïdes des Alpes, sont tout à fait énigmatiques. On connaît aussi des tubes de Vers (Arenicolites) en forme de U et comparables à ceux de l’Arénicole actuelle. De même, dans le Tertiaire du Nebraska, des terriers en hélice sont considérés comme l’œuvre de Castors aujourd’hui éteints ; on donne à ces galeries le nom de Daimonelix. Enfin, on connaît des cocons de boue fossilisés et contenant des os de Dipneustes ; ces cocons représentent manifestement des terriers fossilisés de Poissons de ce groupe.


Les enseignements des fossiles


Courants

Les fossiles ne nous donnent pas que des renseignements anatomiques. Ils peuvent tout d’abord nous permettre de comprendre dans quelles conditions ils se sont déposés : par exemple, si dans une couche on a une dominance des valves droites ou des valves gauches d’une même espèce de coquille, cela implique un triage, un transport par un courant, dont la direction pourra être déterminée par l’orientation des coquilles et grâce aux proportions de ces coquilles dans la même couche, mais dans des régions voisines. Au contraire, s’il y a égalité entre le nombre des valves droites et gauches, cela implique ou bien l’absence de transport ou de courant, ou bien que les valves étaient également entraînées au cours de leur déplacement dans l’eau. Sur une dalle, l’orientation des fossiles, par exemple celle des bras des Ophiures, témoigne évidemment de la direction de l’écoulement des eaux.


Chimie

Dans certains cas, la composition chimique des fossiles peut être restée la même que celle des organismes qui leur ont donné naissance, en particulier en ce qui concerne certains composés organiques très stables, tels que la mélanine (pigment noir fréquent chez les Vertébrés) dans les écailles de Poissons par exemple. Mais la présence de corps organiques plus fragiles a été aussi mise en évidence chez divers fossiles : ainsi, l’ambre contient de l’acide succinique ; les os des Poissons Arthrodires du Dévonien contiennent des aminoacides qui sont les mêmes, dans l’ensemble, que chez les Poissons actuels. L’étude biochimique des fossiles, ou paléobiochimie, ne fait, toutefois, que commencer.


Milieu

Les fossiles peuvent aussi apporter des précisions d’ordre écologique concernant le milieu dans lequel ils ont vécu : certains Invertébrés sont exclusivement marins, tels que les Brachiopodes, les Bryozoaires, les Céphalopodes, les Echinodermes ; leur présence dans une formation géologique implique donc que celle-ci est, en principe, marine — hors le cas, rare, d’un transport des fossiles dans une couche qui n’est pas celle où ils se sont formés. De plus, d’une façon générale, les faunes fossiles d’eau douce sont beaucoup moins variées que les faunes marines. Enfin, les différents fossiles trouvés dans une formation marine peuvent aussi permettre de savoir si celle-ci est d’origine littorale, bathyale ou abyssale.


Climat

Les fossiles sont aussi des indicateurs de climat. La flore du Bassin parisien au début du Tertiaire est une flore de pays chaud. Les Poissons fossiles de même âge du Monte Bolca, en Italie, sont des faunes tropicales. La proportion des isotopes16O et18O contenus dans le carbonate de calcium des coquilles peut permettre — dans une certaine mesure, car l’application de la méthode est délicate — de déterminer la température des mers dans lesquelles avaient vécu les Mollusques avant fossilisation (paléotempératures) ; en effet, cette proportion d’isotopes est, dans les océans actuels, fonction de la température de l’eau ; chez les fossiles, ce rapport permet donc de connaître la température des mers que peuplaient les organismes à coquille avant fossilisation. La méthode a été appliquée à des Bélemnites du Crétacé anglais et danois, à des Foraminifères quaternaires de la Méditerranée, etc. Dans ce dernier cas, la présence de carbone 14 dans le calcaire des Foraminifères a permis simultanément d’évaluer l’ancienneté de ces microfossiles.


Formation de roches

En résumé, les fossiles sont des documents fondamentaux grâce auxquels on peut reconstituer l’histoire de la vie sur la Terre ; toutefois, la fossilisation est un processus relativement exceptionnel, la plupart des organismes disparaissant totalement après la mort. Cependant, certains microorganismes ont été si abondants qu’ils sont les constituants fondamentaux d’un certain nombre de roches : ainsi, la craie, considérée autrefois comme résultat de la consolidation d’une boue à globigérines (Foraminifères), apparaît comme essentiellement formée par des fossiles beaucoup plus petits, qui sont des Protozoaires Flagellés*, les Coccolites. Les diatomites sont le résultat de la fossilisation de vases à Diatomées ; les silex sont d’origine chimique, mais leur silice provient de celle d’organismes tels que les Radiolaires et les spicules d’Epongés, et ils contiennent d’ailleurs de nombreux microfossiles, tels que les Hystrichosphères et les Silicoflagellés ; de même, certains charbons sont formés presque exclusivement par des spores, par des Algues, etc.


Méthodes de dégagement et d’étude

Les techniques de dégagement des fossiles sont naturellement différentes suivant les organismes à préparer : d’une manière générale, on emploie des marteaux à percussion rapide de divers calibres, permettant, pour les petits fossiles, de les préparer sous la loupe binoculaire ; on peut aussi se servir d’une microturbine à jet de sable pour user la gangue autour du fossile. Les microfossiles peuvent être isolés par ébullition dans la potasse (grains de pollen des tourbes, Foraminifères), la méthode dite « de l’analyse pollinique » permet d’isoler les divers grains de pollen d’un sédiment et d’en déduire la composition de la flore contenue dans une formation. Les petits fossiles peuvent être aussi préparés par action des ultrasons. Quant à la structure histologique des Végétaux fossiles, elle peut être étudiée grâce à des empreintes au collodion sur des surfaces de section (peel method). La structure anatomique fine des fossiles nous est révélée grâce à la technique des sections sériées : dans celle-ci, la pièce à étudier — souvent un crâne de Poisson fossile — est usée suivant des surfaces parallèles très rapprochées, séparées par exemple par des intervalles de 20 microns ; les sections sont dessinées agrandies, et à partir de ces dessins on construit un modèle en cire représentant le crâne très grossi ; grâce à cette méthode, nous connaissons dans leurs moindres détails certains crânes de Vertébrés qui vivaient il y a environ 40 millions d’années.

La recherche des fossiles sur le terrain nécessite souvent d’importants moyens, que justifie l’importance des buts poursuivis : l’histoire de la vie sur la Terre et l’origine de l’Homme.

J.-P. L.

➙ Paléobotanique / Paléontologie.