Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ferdinand II le Catholique (suite)

Le premier objectif des souverains est de rétablir l’ordre monarchique, ébranlé, surtout en Castille, par les privilèges accordés à la noblesse par Jean II et par Henri IV. Bénéficiant de l’appui de la classe moyenne, ils restaurent le conseil royal, où ils font entrer des gens d’humble extraction mais compétents et dévoués (juristes, secrétaires), la Santa hermandad en 1476, les corregidores, les veedores de cuentas, chargés dans toutes les villes de Castille de représenter l’autorité royale, tandis qu’à Barcelone Ferdinand s’attribue la nomination directe des consellers en 1490. Enfin, ils font annuler par les Cortes les privilèges accordés à la noblesse, qu’ils attirent à la cour en lui octroyant des charges honorifiques et surtout en la faisant entrer dans le corps des gentilshommes de la Maison et de la Garde du roi, créé par Ferdinand en 1512. En outre, ils incorporent directement à la Couronne, entre 1487 et 1499, les trois ordres militaires jusqu’alors régis par elle.

Par contre, ils ne portent pas atteinte aux privilèges économiques de la noblesse, sanctionnant, en particulier, la permanence des grandes propriétés aristocratiques par l’institution des majorats (lois de Toro de 1505). Ils favorisent néanmoins l’indiscipline des agriculteurs, dont le déguerpissement avec biens, troupeaux et récoltes est autorisé en Castille par la loi du 28 octobre 1480. En raison de l’opposition déterminée de la noblesse locale, Ferdinand ne peut étendre cette réforme à l’Aragon, alors qu’en Catalogne le soulèvement des payeses de remensa lui permet de rendre en 1486 la sentence arbitrale dite « de Guadalupe », qui affranchit les remensas des « mauvais usages » moyennant paiement.

À titre de compensation, Ferdinand II ouvre à la noblesse belliqueuse de nouveaux champs d’action. Le premier est l’Espagne méridionale, où, de 1481 à 1492, elle achève la Reconquista en réduisant le royaume de Grenade, dont la capitale succombe le 2 janvier 1492. Le second est l’Afrique, où les Canaries en 1496 et Melilla en 1497 sont finalement occupées par les Espagnols. Le troisième est l’Italie, où Ferdinand constitue en 1495 la Sainte Ligue pour écarter Charles VIII du royaume de Naples, qui lui a pourtant cédé en 1493 la Cerdagne et le Roussillon par le traité de Barcelone ; avec l’aide des troupes aragonaises et castillanes, le Roi Catholique contraint Charles VIII, puis Louis XII à lui céder l’Apulie et la Calabre (traité de Grenade en 1500), enfin tout leur domaine napolitain en 1503 au terme d’une seconde campagne où s’illustre le général Gonzalve de Cordoue (1453-1515), qui fait alors de l’infanterie espagnole l’une des meilleures armées du monde.

En outre, en signant avec Isabelle les capitulations de Santa Fe du 17 avril 1492, Ferdinand permet à Christophe Colomb* de découvrir l’Amérique, ouvrant ainsi un nouveau champ d’action et d’évangélisation aux aventuriers et aux prêtres ibériques. Contrôlé étroitement par l’intermédiaire des évêques, dont les Rois Catholiques se réservent le choix en 1482, le clergé devient d’ailleurs l’instrument de la politique de Ferdinand visant à renforcer l’unité territoriale de la Péninsule par son unité religieuse : introduction de l’Inquisition en Aragon en 1484, en Catalogne en 1487 et à Majorque en 1490 ; expulsion des juifs non baptisés de l’Aragon décidée en 1483-1486 et réalisée en 1492 ; mesures analogues prises contre les Maures de Castille et de León en 1502. Aussi le pape Alexandre VI attribue-t-il aux deux souverains le titre de Rois Catholiques. La mort de la reine en 1504, la démence de sa fille et héritière, Jeanne la Folle, la disparition prématurée de l’époux de cette princesse, Philippe le Beau, en 1506, entraînent alors à deux reprises la désignation de Ferdinand d’Aragon comme régent de Castille, d’abord en 1505 par les Cortes de Toro, puis en 1506 par le conseil de régence provisoire.

Poursuivant l’unification de la péninsule Ibérique sous son autorité, Ferdinand d’Aragon conquiert, en juillet 1512, la Navarre, dont il s’attribue la couronne mais dont il respecte les lois et les Constitutions. En même temps, il entreprend de donner à ses royaumes un prolongement africain en occupant le Peñón de Vélez de la Gomera en 1508, Oran en 1509, Bougie et Tripoli en 1510, année où la progression de ses forces est arrêtée par la défaite de l’île des Gelves (Djerba). Parallèlement, il intervient en Italie, participant tour à tour à la Ligue antivénitienne de Cambrai en 1508, puis à la Sainte Ligue de 1511, qui chasse temporairement les Français du Milanais en 1512. À sa mort, au début de 1516, Ferdinand lègue son royaume d’Aragon à son petit-fils Charles de Gand — futur Charles Quint* —, que tout prépare à accaparer prochainement à son profit les couronnes de Castille, León et Navarre, dont la régence est alors confiée au cardinal Francisco Jiménez de Cisneros.

P. T.

➙ Aragon / Castille / Espagne / Grenade / Isabelle Ire la Catholique / León / Navarre.

 W.-H. Prescott, History of the Reign of Ferdinand and Isabelle the Catholic (Londres, 1838 ; 4e éd., 1846 ; 3 vol.). / J. Mariéjol, l’Espagne sous Ferdinand et Isabelle (Librairies-imprimeries réunies, 1892). / R. B. Merriman, The Rise of the Spanish Empire, t. II : The Catholic Kings (New York, 1918). / J. M. Doussinagne, La política internacional de Fernando el Católico (Madrid, 1944). / J. Vicens Vives, Fernando el Católico, príncipe de Aragón, rey de Sicilia, 1452-1478 (Madrid, 1951) ; Historia crítica de la vida y reinado de Fernando II de Aragón (Saragosse, 1962). / A. de La Torre, J. Vicen, J. Babelon et coll., Vida y obra de Fernando el Católico (Saragosse, 1955).

Ferdinand VII

(Escorial 1784 - Madrid 1833), roi d’Espagne en 1808, puis de 1814 à 1833.


Fils aîné du roi Charles* IV et de la reine Marie-Louise de Parme, Ferdinand VII devient prince des Asturies lors de l’avènement de son père (1788). Réservé et froid, il a pour précepteur le chanoine de Saragosse, Juan de Escoiquiz (1762-1820), qui encourage son ressentiment envers ses parents et plus encore à l’égard de leur favori Manuel Godoy (1767-1851).

En 1802, Ferdinand épouse Marie-Antoinette de Bourbon (1784-1806), qui réunit autour d’elle le parti « fernandino », placé sous la direction d’Escoiquiz et dirigé contre Godoy.