Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Faust (suite)

Jumeau du mythe de Don Juan, en tant que mythe de la créature transgressant les interdits et franchissant les limites, Faust constitue en outre un mythe national, celui de l’Allemagne, comme Don Quichotte est celui de l’Espagne. À la différence du thème de Don Juan, le thème de Faust, comme celui de Don Quichotte encore, a été, en quelque mesure, accaparé par le génie d’un écrivain qui en a fait son mythe personnel. Inséparable de Goethe et de l’Allemagne, Faust l’est aussi de la philosophie. Mythe philosophique, se nourrit-il de ce sémantisme primordial sans lequel le mythe n’est qu’allégorie et que l’analyse d’Otto Rank aide à apercevoir à l’origine du mythe de Don Juan ? Sans doute, et entre la terreur qui suit le blasphème chez Marlowe, la sérénité lentement conquise chez Goethe, l’ironie gaiement amère de Valéry se joue, dans les contradictions assumées, le drame très antique et rendu moderne d’un Prométhée intelligent et critique.

P. A.

 K. Engel, Zusammenstellung der Faustschriften vom 16. Jahrhundert bis Mitte 1884 (Oldenbourg, 1885 ; rééd., Hildesheim, 1963). / E. Faligan, Histoire de la légende de Faust (Hachette, 1888). / A. Tille, Die Faustsplitter in der Literatur des sechzehnten bis achtzehnten Jahrhunderts (Weimar, 1900). / K. G. Wendriner, Die Faustdichtung vor, neben und nach Goethe (Berlin, 1914 ; 4 vol.). / H. W. Geissler, Gestaltungen des Faust (Munich, 1928 ; 3 vol.). / I. M. Bikerman, Don Quijote und Faust (Berlin, 1929). / W. Boehm, Faust der Nichtfaustische (Halle, 1933) ; Goethes Faust in neuer Dichtung (Cologne, 1949). / G. Bianquis, Faust à travers quatre siècles (Droz, 1935 ; nouv. éd., Aubier, 1955). / G. Ferchault, Faust, une légende et ses musiciens (Larousse, 1948). / K. Theens, Doktor Johann Faust, Geschichte der Faustgestalt vom 16. Jahrhundert bis zur Gegenwart (Meisenheim, 1948). / E. M. Butler, The Fortunes of Faust (Cambridge, 1952). / C. Dédeyan, le Thème de Faust dans la littérature européenne (Minard, 1954-1967 ; 6 vol.). / H. Schwerte, Faust und das Faustische, ein Kapitel deutscher Ideologie (Stuttgart, 1962). / A. Dabezies, Visages de Faust au xxe siècle (P. U. F., 1967) ; le Mythe de Faust (A. Colin, 1973).

Fautrier (Jean)

Peintre français (Paris 1898 - Châtenay-Malabry 1964).


Une de ses grand-mères était d’origine irlandaise, et il vécut à Londres pendant ses années d’adolescence. Il y fréquenta la Royal Academy et la Slade School of Art. Ses études furent interrompues par la Première Guerre mondiale, durant laquelle il fut blessé gravement et gazé.

Son œuvre de peintre commence avec la Promenade du dimanche de 1921, à l’expressionnisme statique et appuyé, puis se poursuit avec une figuration allusive qui tourne le dos à la fois au cézannisme et au postcubisme alors triomphant, comme au réalisme traditionnel qui lui avait été enseigné en Angleterre : formes floues de lapins écorchés, de natures mortes ou de fleurs, parfois à la limite du déchiffrable, avec des tonalités amorties où dominent les verts sombres et surtout les bruns. Cette « période noire » culmine entre 1925 et 1929. Les marchands Jeanne Castel et Paul Guillaume s’y intéressent, ainsi que des critiques et des écrivains : André Malraux, Jean Paulhan, Francis Ponge, Marcel Arland, Giuseppe Ungaretti, etc.

De 1935 à 1939, la crise économique oblige Fautrier à exercer d’autres activités — hôtelier et professeur de ski dans les Alpes. Il émerge de nouveau avec une exposition à la N. R. F. de ses dessins pour l’Enfer de Dante, exécutés sur la suggestion de Malraux. Mais surtout se dégage de plus en plus l’aspect informel de sa peinture, évident dès 1928 dans certaines compositions exécutées à la gouache et au pastel. Le peintre utilise désormais une technique très particulière, où de forts empâtements à l’huile sont combinés avec des poudres colorées, de la craie, des encres. Deux expositions organisées à Paris à la galerie René Drouin, l’une en 1943 par Jean Paulhan, l’autre en 1945 par André Malraux, avec la série des Otages, manifestent l’importance de l’œuvre, qui sera consacrée en 1960 par le grand prix international de la Biennale de Venise.

Cette peinture, « qui ne se réclame absolument pas du dessin » (Malraux), abandonne, après la série des Otages, toute allusion au réel. Des teintes claires, aux nuances changeantes, émergent des épaisseurs de la pâte ; toute suggestion de volume, d’espace, toute définition précise par le trait ou le cerne (malgré certains graphismes en surface) disparaissent ; ainsi s’agit-il d’une des expériences les plus radicales de l’art non figuratif, que l’on a voulu rapprocher de celles, contemporaines, de l’expressionnisme* abstrait américain. Mais l’art de Fautrier, très élaboré et utilisant de petits formats, diffère profondément de l’automatisme, de la rapidité d’exécution et de l’ampleur gestuelle de Hans Hofmann ou de Jackson Pollock, de Philip Guston ou de Joan Mitchell. Il a été rapproché plus justement de celui de Wols*, bien que ce dernier procède d’une figuration surréalisante.

Fautrier a été attiré également par la gravure et le modelage. Son œuvre sculpté est important, et de nombreux bronzes reflètent, comme les peintures, son goût pour le matériau ductile, incessamment repris, retrituré par la lente assimilation à laquelle l’artiste le soumet.

M. E.

 P. Bucarelli, Fautrier (Milan, 1960). / G. C. Argan, Fautrier, matière et mémoire (Éd. Apollinaire, Milan, 1961). / J. Paulhan, Fautrier l’enragé (Gallimard, 1962).

fauvisme

Mouvement pictural français du début du xxe s.


Les principaux animateurs de ce mouvement furent Maurice de Vlaminck* et Henri Matisse*. Le mot fauvisme provient d’une boutade du critique d’art Louis Vauxcelles. Dans une salle du Salon d’automne de 1905, le peintre Georges Desvallières (1861-1950), chargé du placement général, avait groupé les tableaux de Vlaminck, de Matisse et de leurs amis ; énergiquement colorés, ces tableaux contrastaient si bien avec le fin modelé d’un petit buste (par Albert Marque 1872-1939]) qui occupait le milieu de la salle que Vauxcelles, s’adressant à Matisse, s’écria : « Donatello dans la cage aux fauves. » Répétée, puis publiée dans les journaux, cette exclamation fit que la salle devint la « cage centrale » et ses occupants, les « fauves ».