Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

faïence (suite)

À Moustiers, près de Digne, s’était établie en 1679 une faïencerie conduite par les Clérissy, avec laquelle rivalisent celles de Joseph Olerys, puis de Jean-Baptiste Ferrat. Leurs ouvrages se distinguent par une pâte fine et sonore, émaillée d’un blanc tirant au rose. Olerys emploie la polychromie de grand feu et les systèmes décoratifs « à la fleur de pomme de terre », « à la fanfare », « au drapeau ». Les Clérissy, les premiers, transcrivent les grotteschi de Jacques Callot* et de Jean Berain*. Vers 1760, Moustiers opte pour le décor à petit feu, s’industrialise et perd son caractère spécifique. Marseille, par contre, va tirer un heureux parti de cette pratique : c’est de 1748 que date l’admirable production due à Pierrette Perrin, associée à Honoré Savy. Ils adoptent franchement la technique du décor peint sur émail, enrichissant la « palette » d’un vert lumineux superbe. La manufacture demeurera fidèle au style rocaille, dont les couleurs soulignent habilement les formes capricieuses. Un seul des ateliers marseillais, celui des frères Antoine et Joseph Bonnefoy, appliquera — jusqu’en 1815 — le formalisme « à la grecque ».

C’est à Strasbourg que s’est instauré le système du décor fixé au petit feu sur un émail blanc uni. Le procédé suppose le passage au four à températures dégressives des pièces polychromes, les tons les plus fragiles subissant la dernière cuisson. Il fut essayé dans une faïencerie fondée par le Hollandais Charles François Hannong en 1709. En 1749, un transfuge de la manufacture allemande de porcelaine de Meissen initie l’atelier aux procédés du feu de moufle. De cette époque et jusqu’à la faillite de 1781, les Hannong utilisent deux types de décors, les « fleurs fines », traitées minutieusement par tons modulés, et les « fleurs chatironnées », librement rendues par touches larges et cernées d’un trait noir. La nouvelle formule, permettant une véritable imitation de la peinture, se répandit d’abord dans les régions de l’Est. En 1755, à Niederwiller, s’organise une production qui reste une des plus originales de cette catégorie. Aprey, fondée en 1744, adopte vers 1761 la pratique du petit feu et démarque Strasbourg ; multipliant les essais, elle produit des décors de paysages, d’oiseaux et de fleurs dont l’éclat rappelle celui des porcelaines tendres. Sceaux, à partir de 1772, donne une faïence très fine et très légère, dite « japonée », qui se décore de paysages et d’animaux avant d’adopter les formes régulières du style « Louis XVI ».

L’influence de Strasbourg marque les productions de Copenhague et celles de l’Allemagne, où les porcelainiers la répandent. Mais l’art du faïencier, gravement compromis par l’importation des faïences fines anglaises (qui ne sont pas des faïences au strict sens technique du mot), le fut plus encore par la vulgarisation de la porcelaine de table. D’autre part, l’emploi de l’outillage mécanique le réduisit, dès le début du xixe s., à l’impersonnalité de la « série » industrielle. Certaines fabriques régionales ont toutefois renouvelé leur répertoire décoratif en faisant appel à des artistes, témoin Quimper vers 1910. Sur un plan tout autre, celui de l’œuvre purement ornementale, Ernest Chaplet (1835-1909) a ravivé la technique du décor de grand feu sur émail cru ; Emile Massoul (1872-1938) a retrouvé les secrets du bleu lapis égyptien et du lustre hispano-moresque ; un maître, André Methey (1871-1921), a associé des tonalités rares, parfois réchauffées d’un beau rouge, à des ors dont il dispose non plus comme d’un rehaut mais comme d’une couleur.

G. J.

 E. Garnier, Catalogue du musée céramique de la Manufacture nationale de Sèvres. Faïences (Leroux, 1896). / J. Giacomotti, la Céramique, t. II : la Faïence en Europe (Flammarion, 1931). / G. Ballardini, Corpus della maiolica italiana (Rome, 1933-1938 ; 2 vol.). / C. H. de Jonge, Oudnederlandsche Majolica en Delftsch Aardewerk (Amsterdam, 1947). / A. Lane, Early Islamic Pottery (Londres, 1947). / G. Fontaine, la Céramique française (Larousse, 1948 ; nouv. éd., P. U. F., 1965). / J. Chompret, Répertoire de la majolique italienne (Nomis, 1949 ; 2 vol.). / H. P. Fourest, les Faïences de Delft (P. U. F., 1957). / P. Munier, Technologie des faïences (Gauthier-Villars, 1957). / Y. Brunhammer, la Faïence française (Massin, 1959). / M. Cinotti, Dizionario della ceramica (Milan, 1967). / H. Curtil, Marques et signatures de la faïence française (Massin, 1969). / C. Prégnac, la Faïence européenne (Office du Livre, Fribourg, 1976).

faillite

État d’une personne qui ne remplit pas ses obligations.
Procédure d’exécution collective qui permet à l’ensemble des créanciers de la personne qui cesse ses paiements de se grouper en une masse représentée par un syndic, de saisir la totalité de l’actif du débiteur et de le réaliser, pour obtenir, sur un pied d’égalité, un paiement, sinon intégral, du moins au marc le franc. Cette procédure présente des avantages certains par rapport au régime des saisies* individuelles, car elle entraîne le dessaisissement du débiteur, protège les créanciers et assure leur égalité.



L’évolution de la faillite

La faillite trouve son origine dans le droit romain, qui prévoyait la vente en bloc des biens du débiteur au profit de la collectivité des créanciers. Dès le xe s., les républiques de l’Italie du Nord adoptent et perfectionnent cette procédure (apparition de la période suspecte et du concordat) ; d’Italie, la faillite passe en France, où l’on voit s’affirmer son caractère répressif ; puis l’ensemble de cette réglementation est inséré dans l’ordonnance de mars 1673 sur le commerce de terre, ce qui lui attribue son caractère de procédure* commerciale et entraîne une distinction entre les débiteurs commerçants, soumis au régime collectif de la faillite, et les débiteurs non commerçants soumis au régime des saisies individuelles. Cette distinction subsiste lors de la rédaction du Code de commerce en 1807 et, bien que dans de nombreux pays la faillite s’applique à tous les débiteurs (Angleterre, Pays-Bas, pays scandinaves, Allemagne, Hongrie), elle ne subit en réalité sa première atténuation qu’avec la refonte de 1967. On réserve néanmoins en France, encore de nos jours, le terme de déconfiture à l’état d’un débiteur non commerçant ne faisant plus face à ses engagements.