États-Unis (suite)
Ainsi engagée, l’Amérique devait se montrer totalement hostile à l’art moderne. F. L. Wright* (1869-1959) est presque totalement négligé, obligé même de s’expatrier pendant quelques années. Les constructions de ses deux élèves, Rudolph Schindler (1887-1953) et Richard Neutra* (1892-1970), n’atteignent qu’une minorité. La Lovell Health House de Los Angeles (1927-1929), de Neutra, ou la « Maison sur la cascade », de Wright (1936), apparaissent pourtant comme aussi importantes que la villa Savoye de Le Corbusier ou le pavillon allemand de Barcelone, par Mies van der Rohe.
C’est seulement à partir des années 40 que l’architecture américaine ressuscite. L’influx nouveau devait principalement venir des exilés politiques allemands : Ludwig Mies* van der Rohe, Walter Gropius*, Marcel Breuer*, Herbert Bayer (né en 1900), tous anciens du Bauhaus* de Dessau. Enseignant dans les universités, ils parviennent à une grande notoriété dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. La venue de Le Corbusier*, qui donne en 1946 les premières esquisses pour le siège de l’O. N. U. à New York, marque le début d’une nouvelle ère de rayonnement pour l’architecture américaine. Avec les immeubles de Lake Shore Drive à Chicago (1951), puis l’illustre Seagram Building de New York (1956-1958), Mies van der Rohe conduira cet art à son apogée. Près de lui, Philip Johnson (né en 1906) ou Gordon Bunshaft (né en 1909) acquerront également une réputation importante.
Parvenue à la tête du mouvement international, l’architecture américaine ne tardera pas à se transformer, s’éloignant de l’esthétique puriste des gratte-ciel de Mies van der Rohe. D’abord sous l’influence de ce dernier, Eero Saarinen* s’en affranchira totalement ; soupçonné quelquefois d’éclectisme, il reste pourtant l’un des grands pionniers de l’architecture actuelle, à laquelle il a apporté la préoccupation du renouvellement aussi bien dans les méthodes de construction que dans la vision des rapports de l’architecture avec son contexte.
Parallèlement, Louis I. Kahn* apparaît, à la fin de sa vie, comme la figure dominante de l’architecture américaine : en opposition avec l’idéal de transparence qui a été celui de la grande architecture de verre dans les années 50, il a imposé des formes closes, d’une géométrie sévère, faisant appel plus volontiers au béton et à la brique qu’au verre ou à l’acier, et dans lesquelles l’interpénétration des espaces, le jeu fluide de la lumière sont amenés à leur perfection.
Cependant, conduit dans l’impasse par les dernières œuvres de Gropius ou de Mies, le style officiel américain s’essaie à maintenir et à ranimer cette tradition classique. Un Philip Johnson ou un Paul Rudolph (né en 1918) n’ont pour toute ressource que l’académisme élégant et stylé, tandis que Gordon Bunshaft (et avec lui toute la construction commerciale américaine) sombre dans le monumentalisme. On a pu voir dans cette paralysie du génie américain de l’architecture l’expression même de la crise politique d’un pays dont l’hégémonie serait aujourd’hui menacée.
F. L.
➙ Indiens d’Amérique du Nord.
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