Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire (second) (suite)

En politique intérieure, le bilan du régime est tenu le plus souvent pour négatif. Le second Empire a duré dix-huit ans, soit une génération politique. Est-ce à dire que le régime n’a su ni se renouveler ni s’adapter ? De fait, son évolution a été l’inverse de celle que l’histoire connaît le plus souvent : à une période de compression, au cours de laquelle l’opposition a été exilée ou réduite au silence, a succédé une phase de détente progressive, de telle sorte que l’on peut scinder le second Empire en deux périodes politiques fondamentalement originales. Au cours de la première, le régime s’apparente à une dictature de type moderne avec le regroupement de tous les pouvoirs en une seule personne, la suspension des garanties de la liberté individuelle, l’instauration d’un régime d’exception. En identifiant le régime à l’autorité du chef de l’État, elle a rendu la notion d’autorité personnelle suspecte pour longtemps. C’est d’elle que date la méfiance à l’égard de tout régime présidentiel. La contradiction entre l’adhésion massive du pays en mai 1870 et sa défection totale en septembre de la même année s’explique en partie lorsque l’on considère la chute du régime comme la sanction de la responsabilité du chef de l’État devant le peuple. En cherchant systématiquement le soutien du clergé, l’Empire autoritaire a réveillé l’anticléricalisme, qui, plus radical que jadis, est devenu une composante essentielle de l’univers politique. Dans la seconde période, la libéralisation a permis aux partis d’utiliser les formes désormais classiques du combat politique : l’opposition légale s’est fortifiée. Sans elle, l’explosion républicaine de 1870-71 n’aurait pu se produire. L’éveil politique s’explique aussi par l’apprentissage que fait alors la France du suffrage universel. La IIe République en avait énoncé le principe. Le second Empire, en donnant le temps de le voir fonctionner, a contribué largement à l’éducation de la démocratie.

C’est sans doute par l’essor qu’il a donné à la vie économique et sociale que le second Empire mérite le plus de retenir l’attention. On peut mépriser ce « régime des affaires », contester les choix retenus, les méthodes financières employées, mais non les résultats. Bien qu’à l’égard du monde ouvrier tout ou presque reste à faire, on distingue alors l’amorce d’une politique sociale. La création des grandes banques, des chemins de fer, des compagnies de navigation, les grands travaux urbains ont transformé le visage de la France.

M. T. et P. P.

➙ Bazaine (A.) / Bismarck (O. von) / Bourgeoisie / Cavour / France / Franco-allemande (guerre) / Internationales (les) / Italie / Mexique / Napoléon III / République (IIe) / Thiers (A.).

 P. M. de la Gorce, Histoire du second Empire (Plon, 1894-1905 ; 7 vol.). / É. Ollivier, l’Empire libéral (Hachette, 1894-1909 ; 14 vol.). / J. Maurain, la Politique ecclésiastique du second Empire de 1852 à 1869 (Alcan, 1930). / G. Duveau, la Vie ouvrière en France sous le second Empire (Gallimard, 1946). / C. H. Pouthas, Démocratie et capitalisme, 1848-1860 (P. U. F., coll. « Peuples et civilisations », 1948). / M. Blanchard, le Second Empire (A. Colin, 1950). / H. Hauser, J. Maurain, P. Benaerts et F. L’Huillier, Du libéralisme à l’impérialisme, 1860-1878 (P. U. F., coll. « Peuples et civilisations », 1952). / G. Pradalié, le Second Empire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1957 ; 4e éd., 1969). / P. Pierrard, la Vie ouvrière à Lille sous le second Empire (Bloud et Gay, 1965). / G. Roux, Napoléon III (Flammarion, 1969). / A. Gérard, le Second Empire. Innovation et réaction (P. U. F., 1973). / A. Plessis, De la fête impériale au mur des Fédérés, 1852-1871 (Éd. du Seuil, 1973). / P. Guiral, la Vie quotidienne en France à l’âge d’or du capitalisme, 1852-1879 (Hachette, 1976).

Empire (style du second)

De tous les styles décoratifs qu’a successivement adoptés la société française, celui qui s’est formé sous le second Empire est le seul qui soit entièrement privé d’originalité créatrice.


Dans les arts, tant majeurs que mineurs, l’hybridité qu’on signale dès les années 1835 s’est développée, aggravée par le fétichisme de « l’ancien » régnant à la Cour, l’impératrice n’attachant de prix qu’aux styles Louis XVI et Louis XV. L’Administration, qui rachetait en toutes occasions les meubles et les sièges mis à l’encan par les lois révolutionnaires, en faisait exécuter des copies pour remplacer par elles, dans les palais nationaux que Napoléon Ier avait trouvés dévastés, les ameublements contemporains dont il les avait fait garnir. Outre les modèles authentiques récupérés, l’industrie du meuble disposait d’une source d’inspiration inépuisable : les vingt-trois recueils de l’éditeur Duchesne, reproduisant les dessins du Cabinet des estampes, soit quelque douze mille modèles. L’imitation s’étend alors à l’ensemble des meubles, et cependant déroge à la stricte fidélité. Les faux Boulle choisissent pour fond à l’écaillé transparente des dessous rouges dont jamais le grand maître n’a fait usage. L’industrie invente aussi des modèles, témoin le buffet Henri II, dont l’ornementation seule s’apparente aux formules originelles. Quand, en 1862, s’ouvrit à Londres la deuxième exposition internationale, Prosper Mérimée fut chargé du rapport concernant la production française. Il est saisissant de retrouver, sous sa plume, des propos analogues à ceux qu’avait tenus Léon de Laborde en 1851. Les meubles exposés lui apparurent comme « des combinaisons étranges de styles différents rapprochés au hasard, qui ne dénotent, de la part de leurs auteurs, qu’absence d’idées et fautes de raisonnement ». Les expositions organisées en France en 1863, 1865 et 1869 n’ont fait que justifier ce réquisitoire. Tout meuble se compose alors de parties hétérogènes combinées sans subordination d’un thème directeur. L’architecture du temps imite le style gothique en élevant à Paris la basilique Sainte-Clotilde, et pastiche les monuments de la Renaissance en construisant les églises Saint-Augustin et de la Trinité. L’architecture civile n’est pas plus originale ; son ouvrage typique est l’Opéra de Paris, de Charles Garnier (v. éclectisme). Cependant, sous le second Empire, s’élaborait une architecture de pure rationalité, celle du fer*, dont les contemporains n’ont pas deviné les possibilités d’avenir. Ses réalisations étaient considérées comme ouvrages d’ingénieurs, étrangers à l’art.