Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dumas (Jean-Baptiste) (suite)

Collaborateurs et contemporains de J.-B. Dumas

En France


Jean-Baptiste Boussingault,

chimiste et agronome français (Paris 1802 - id. 1887). Appelé par le gouvernement colombien, il dirige l’exploitation d’une mine en Nouvelle-Grenade. Puis, rentré en France, il obtient, bien que n’ayant aucun diplôme universitaire, la chaire d’agriculture au Conservatoire des arts et métiers et succède à Thenard à la Sorbonne. Il découvre la présence et l’intérêt du silicium dans l’acier, participe aux recherches de Dumas sur les masses atomiques et se consacre surtout à la chimie agricole. On peut citer ses études sur la teneur des engrais en azote et en phosphore, sur la composition des tissus vivants, la valeur nutritive des fourrages, la fixation de l’azote atmosphérique, etc. (Acad. des sc., 1839.)


Charles Frédéric Gerhardt,

chimiste français (Strasbourg 1816 - id. 1856). Il obtient en 1842 la quinoléine et découvre en 1852 les anhydrides d’acides. Il met au point, en chimie organique, la notion de séries homologues. Contre l’opinion des grands maîtres de l’époque, il est, avec son ami Laurent, l’un des créateurs de la notation atomique.


Auguste Laurent,

chimiste français (La Folie, près de Langres, 1807 - Paris 1853). Il découvre les imides, la dulcite et, avec Dumas, l’anthracène. Défenseur, avec Gerhardt, de la théorie atomique, il est l’auteur de la théorie des substitutions.


Jean Servais Stas,

chimiste belge (Louvain 1813 - Bruxelles 1891). Collaborateur de Dumas, il détermine, avec une remarquable précision, les masses atomiques de nombreux éléments et peut ainsi infirmer l’hypothèse de William Prout.

En Allemagne


Justus, baron von Liebig,

chimiste allemand (Darmstadt 1803 - Munich 1873). Ayant appris la chimie à Paris, il devient l’un des premiers chimistes organiciens du monde et il est à l’origine de l’extraordinaire développement de cette science en Allemagne. Il imagine, en même temps que Dumas, l’analyse quantitative en chimie organique, montre que les radicaux peuvent se transporter d’un corps à l’autre, crée la théorie des cycles du carbone et de l’azote dans la nature. Il isole le titane en 1831, découvre la même année le chloroforme et imagine en 1840 la fabrication des superphosphates.


Friedrich Wöhler,

chimiste allemand (Eschersheim, près de Francfort-sur-le-Main, 1880 - Göttingen 1882). Il isole l’aluminium en 1827, puis le bore. Il réalise, en 1828, la première synthèse de chimie organique, celle de l’urée. En 1862, il imagine la préparation de l’acétylène par action de l’eau sur le carbure de calcium.

Dumas (Alexandre)

Romancier français (Villers-Cotterêts 1802 - Puys, près de Dieppe, 1870).



« Mon père est un fleuve... »

La présence de ce colosse éclatant de santé et de bonne humeur semble à première vue quelque peu incongrue dans une époque à laquelle Novalis a apporté l’« idéalisme magique », qui admire le cynisme provoquant de Byron, où Chateaubriand berce son orgueil mélancolique. Au fils d’un général d’Empire descendant du marquis Alexandre Antoine Davy de La Pailleterie et de Louise Céssette Dumas, esclave noire de Saint-Domingue, la nature bienveillante a épargné les tourments métaphysiques, les raffinements cérébraux, les grandes souffrances sentimentales, voire les ostracismes politiques chers à Hugo. Lui aussi est un républicain sincère : mais s’il se mêle aux combats de rue de juillet 1830, ce serait plutôt pour le plaisir. Les tristesses douces, les joies paisibles et intimes d’un Lamartine, la solitude hautaine autant qu’amère de Vigny, même le goût du fantastique cultivé par son ami Nodier, autant d’attitudes, de dispositions d’esprit étrangères à son tempérament. Aux subtilités introspectives de Stendhal, son heureux caractère fait préférer la compagnie de ses multiples maîtresses. Pas de complications. Nul mépris. En fait, il ignore les grands problèmes. Sauf ceux d’argent. Généreux jusqu’à la prodigalité, il dilapide les fortunes nées de sa plume dans des dépenses d’un mauvais goût énorme et bon enfant. Comme la plupart des écrivains de l’époque, il adore voyager. De pérégrinations qui l’entraînent de la Suisse à la Russie. Dumas rapporte des monceaux de notes consignées à partir de 1834 dans ses Impressions de voyage, aussi abondantes que ses Mémoires (1852-1854). Toutefois, si une expédition comme celle qu’il fit avec Garibaldi en 1860 peut rappeler par son objet l’entreprise de son aîné Byron, il n’y entre ni tragique ni désenchantement blasé. Il considère l’humanité sans hauteur, abandonne le sarcasme aux chefs de file du romantisme. Son arme, c’est l’esprit. L’esprit de boulevard mis à la mode par Béranger. Et pourtant, Alexandre Dumas père est un authentique produit de son siècle. Doué l’une fécondité étonnante, il y occupe par son talent, sa facilité et son imagination créatrice particulière une place à part, sans doute, mais une place de premier rang.


« Le casque du pompier, c’est l’équivalent du capucin baromètre... le pompier qui sort de la coulisse... c’est l’intérêt populaire... »

Le succès attaché à peu près à toutes les entreprises littéraires de Dumas — y compris le journalisme (le Mousquetaire, 1854-1857) — est dû à son instinct sûr de ce qui plaira à la foule. Pour le théâtre, celle des Boulevards, de la Porte-Saint-Martin. Il n’échafaude pas de doctes théories. Le critère du goût populaire lui suffit, et si ses comédies, dont la plus célèbre demeure Mademoiselle de Belle-Isle (1839), n’ajoutent rien à sa gloire, c’est, assez paradoxalement, que la comédie historique convient moins au joyeux Dumas que le drame du même nom. Dès 1829, précédant de peu la « bataille » d’Hernani, la représentation de Henri III et sa cour se termine en triomphe pour la nouvelle école. La Tour de Nesle (1832), par le panache, la superbe de Buridan joints aux noirceurs de Marguerite de Bourgogne, par sa démesure, ses clinquants historiques, ses répliques redondantes, hausse d’un seul coup le mélodrame au genre littéraire. Mais la veine de Dumas ne saurait s’enfermer dans une mode. Son intuition quasi infaillible de ce qu’attend le grand public le conduit, entre Henri III et la Tour de Nesle, à donner Antony (1831), une pièce qui semble prendre à contre-pied toutes les conceptions dramatiques du moment. L’auteur veut démontrer que « ... les passions sont les mêmes au xve qu’au xixe s. et que le cœur bat d’un sang aussi chaud sous le frac de drap que sous le corselet d’acier ». Sorti de ses oripeaux, des allusions historiques, débarrassé de la pléthore de couleur locale, de tous les attributs où il s’étouffait lentement, le drame romantique se donne de l’air. Antony reçoit un accueil enthousiaste. Dumas a bien mérité du théâtre romantique.