Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Des Prés (Josquin) (suite)

Les motets

C’est cependant dans ses motets qu’il peut le mieux donner cours à son inspiration : le cadre est plus vaste que celui de la chanson et le texte n’est pas imposé comme celui de la messe.

Josquin choisit ses textes dans la Bible, parmi les Psaumes (Laudate pueri, Qui habitat in adjutorio), les récits (Absalon fili mi), le Cantique des cantiques (Ecce tu pulchra es, amica mea) ; il utilise aussi des hymnes et des séquences : Conditor alme siderum, Veni Sancte Spiritus, Stabat Mater...

Le psaume Miserere mei Deus, écrit pour Hercule Ier, est le plus justement célèbre. Un thème sur deux notes rappelle la psalmodie ; présenté en imitation au début, il est repris en ostinato par le ténor, baissé d’un ton à chaque reprise ; après avoir descendu une octave, il suit le chemin exactement inverse pour reprendre dans une 3e section la descente du début jusqu’au la. La progression de l’ensemble, avec son introduction dans les graves qui s’élève peu à peu, est très symbolique de l’homme qui se tourne vers Dieu dans un mouvement d’espérance. Rien n’est vraiment novateur dans cette technique de cantus firmus en ostinato, mais l’expression est extrêmement puissante et maîtrisée.

Josquin emploie le même langage technique que dans ses messes ou ses chansons, mais lui donne souvent une richesse inaccoutumée. Ainsi, l’écriture verticale est plus nette : O Domine Jesu Christe, Tu solus qui facis mirabilia montrent le goût du compositeur pour la couleur des accords et sa science harmonique ; la présence fréquente de la tierce finale ajoute encore à ce sentiment harmonique.

Le motet Vultum tuum deprecabuntur contient 5 sortes de duos imitatifs ; on trouve des cantus firmus en canon dans Sic Deus dilexit et un double canon accompagné par 2 voix libres dans In nomine Jesu. Le compositeur rejoint un usage de son temps lorsqu’il place au ténor de son œuvre un texte différent de celui des autres voix, mais qui le commente : le ténor du motet Missus est Gabriel fait allusion par sa mélodie à la chanson d’Antoine Busnois À une dame j’ai fait vœu. Le triple motet O bone et dulcis Domine Jesu est bâti sur deux cantus firmus superposés : le ténor énonce le Pater noster, tandis que la basse chante Ave Maria.

Certaines chansons, en fait, sont des motets. Dans l’émouvante Déploration sur la mort d’Ockeghem, le ténor chante l’introït Requiem aeternam et, à la fin, Requiescat in pace ; les autres voix appellent, en français, Brumel, La Rue, Compère à prendre le deuil de leur « bon père ». La composition est symboliquement écrite en notes noires ; la 1re partie reprend le style d’Ockeghem en souvenir de lui, tandis que la 2e a des phrases plus claires et une progression davantage par accords. Nicolas Gombert utilisera un symbolisme semblable lorsque, sur le thème du motet de Josquin Christus mortuus à 6 voix, il pleurera la mort du grand compositeur.

De son vivant déjà, Josquin fut célébré par tous : son élève Adrien Petit Coclico, ses collègues Compère et Pierre Moulu, les théoriciens Aaron et Glarean, des écrivains, même, comme Luther, lui réservent la première place. Longtemps après sa mort, son œuvre a été recopiée ou transposée pour les instruments. Fait exceptionnel pour l’époque, le Vénitien Petrucci consacre trois volumes entiers à l’édition de ses messes. Au xviiie s., Adami saluera encore celui « dont parle et parlera éternellement la renommée ».

M.-M. K.

 A. Smijers, Werken van Josquin Des Prez (Amsterdam, 1925-1957 ; nouv. éd. par A. Smijers et M. Antonowycz, Josquin Des Prez Opera omnia, Amsterdam, 1957 et suiv.). / H. Osthoff, Josquin Des Prez (Tutzing, 1962-1965 ; 2 vol.).

dessin

Mode d’expression plastique utilisant le trait et éventuellement le modelé par priorité sur la couleur.



Introduction

Que le dessin ambitionne de représenter une forme extérieure ou de faire exister une forme non identifiable à un objet ou à une figure extérieure (c’est-à-dire imaginée), il demeure avant tout un procédé technique né d’un tracé, d’une graphie, qu’elle apparaisse sous forme de ligne ou de tache. L’acte de dessiner engage un travail d’équivalence symbolique qui traduit une forme ou une association de formes graphiquement exprimées ; et le dessin mène du trait à la peinture, à partir du moment où celle-ci n’est plus seulement remplissage coloré de surfaces circonscrites par des lignes, mais association de formes colorées, mentalement organisées en un ensemble. L’idée de représenter, d’engendrer une forme et d’en associer plusieurs en une seule représentation — sinon en une « présentation » commune —, tel un nouvel organisme, constitue un phénomène fondamental. Question de vision, de conception, mais aussi de procédé ; car, de la pointe qui incise une surface au pinceau qui appose des signes et des taches, l’univers du dessin apparaît comme très vaste. De plus, n’oublions pas que le signe ou la forme dessinés sont à l’origine de la symbolique transmissible du langage ; et le dessin conserve des valeurs très proches de celles qui sont fournies aux graphologues par la « graphie ». Il resterait à observer que, à travers les divergences d’évolution, un caractère commun s’est affirmé : l’expression de l’individualité de celui qui tient entre ses doigts l’instrument adéquat. Toute la variété de l’histoire du dessin et des expressions graphiques actuelles dépend du choix de cette instrumentation.


Historique

Constatons tout d’abord que, dès la préhistoire, deux types d’instruments ont été utilisés, et deux techniques mises en œuvre. Avec une pointe dure de silex ou de tout autre matériau équivalent, en attendant le bronze, on a pu tracer des signes ou des représentations naturelles d’animaux et d’êtres humains, tandis qu’un pinceau fait de fibres végétales ou de poils a servi à véhiculer un liquide coloré avec lequel on a dessiné de grandes formes sur les parois des cavernes. Dans ce dernier cas, le doigt a dû servir largement.