Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

confucianisme et néo-confucianisme (suite)

Mais il existe une tendance plus rationaliste qui proteste contre « ces opinions extravagantes et étranges ». La plus importante figure en est Wang Chong (Wang Ch’ong) [26? - 100 apr. J.-C.], qui, dans son ouvrage Lunheng (Louen-heng), se déclarant « ennemi des fictions et des mensonges », attaque vigoureusement les théories selon lesquelles une interaction existait entre le monde humain et le monde de la nature, et purge la philosophie de Confucius de ces éléments étrangers.


Le néo-confucianisme

Les iiie et ive s. sont l’âge d’or du néotaoïsme, tandis que les dynasties Sui (Souei) et Tang (T’ang), qui suivent, sont celui du bouddhisme. Durant cette période, Confucius est canonisé, des temples destinés à son culte sont construits, les classiques confucéens restent toujours la base de l’éducation. Mais le confucianisme a perdu sa vitalité d’autrefois. Si, à l’époque des Tang (T’ang), un Han Yu (768-824) et un Li Ao (Li Ngao) [mort vers 844], en combattant les idées bouddhistes, essaient déjà de réinterpréter certains textes confucianistes, il faut attendre la dynastie des Song pour voir une renaissance du confucianisme. Une métaphysique est formulée par des philosophes qui s’inspirent des pensées taoïstes — en tant que vues cosmologiques de l’école de Yinyang, développées tout au début des Song par Zhou Dunyi (Tcheou Touen-yi) [1017-1073] — et bouddhistes tout en poussant plus loin la conséquence logique.

Le néo-confucianisme se divise en deux écoles. Par une heureuse coïncidence, deux frères en sont les initiateurs. Cheng Hao (Tch’eng Hao) [1032-1085], le frère aîné, de caractère sensible et d’esprit intuitif, fonde l’école de l’Esprit, Xin xue (Sin-hiue) ; Cheng Yi (Tch’eng Yi) [1033-1107], le cadet, d’un caractère plus austère et d’un esprit plus analytique, crée l’école des Principes, Li xue (Li hiue).


Zhu Xi (Tchou Hi)

Zhu Xi (Tchou Hi) est le plus important représentant de l’école des Principes. Son système s’impose à l’enseignement officiel et se maintient jusqu’à la chute de la dynastie mandchoue en 1911. Né en 1130 dans la province de Fujian (Fou-kien), Zhu Xi (Tchou Hi), traditionnellement appelé Zhuzi (Tchou-tseu), étudie dans sa jeunesse le taoïsme et le bouddhisme. Mais, après avoir suivi les cours du philosophe Li Tong (Li T’ong) en 1154, il devient un ardent confucianiste. Durant sa vie, il exercera de nombreuses fonctions, notamment celles de gouverneur de Nankang (Nan-k’ang), dans la province de Jiangxi (Kiang-si), et de gouverneur de Changzhou (Tch’ang-tcheou), dans la province de Fujian. Ses écrits les plus importants sont les commentaires qu’il fit sur les classiques confucianistes ainsi qu’un Recueil de paroles, qui contient l’essentiel de sa pensée. Il meurt en 1200.

Comme Cheng Yi (Tch’eng Yi), Zhu Xi (Tchou Hi) affirme que l’univers est fait de deux composants : le li et le qi (k’i). « Le li est le Dao (Tao) qui est au-dessus des formes matérielles ; et il est le principe d’après lequel toutes choses se produisent. Le qi (k’i) est la matière qui est dans les formes et qui est le matériau par lequel les choses se produisent. Aussi les hommes et les êtres, à leur naissance, doivent-ils recevoir ce li pour obtenir leur propre nature et recevoir ce qi pour obtenir leur forme corporelle. »

Le li et le qi sont donc très proches des idées de « forme et matière » dans la philosophie grecque.

Zhu Xi (Tchou Hi) dit encore : « Toute chose tend vers un but ultime, qui est l’ultime li. Ce qui unit et embrasse les li du ciel et de la terre et de toutes les choses est le Suprême Ultime. »

Le rôle du Suprême Ultime correspond à l’idée du Bien de Platon ou à l’idée de Dieu chez Aristote.

D’après Zhu Xi (Tchou Hi), le Suprême Ultime réside en tout homme et en toute chose. Comme le Suprême Ultime représente la totalité des li, nous possédons cette totalité en nous, mais, à cause de leur dépendance matérielle en qi (k’i), les li ne sont pas manifestes.

Le Suprême Ultime incarné dans la matière est comme une perle cachée dans l’eau trouble. Notre tâche est de faire en sorte que cette perle devienne visible. Le moyen d’y parvenir est l’« investigation des choses ». Pour connaître le li abstrait, il faut partir des choses concrètes. Il faut faire de patientes observations sur les phénomènes de la nature, de la société et étudier les paroles des anciens sages, c’est-à-dire les Classiques. « Après de longs efforts, un beau matin, l’intelligence complète s’ouvrira. Dès lors il y aura intelligence parfaite de toute la multitude des choses extérieures ou intérieures, subtiles ou grossières, et tout exercice de l’esprit sera empreint d’une parfaite clarté. »


Lu Jiuyuan (Lou Kieou-yuan) et Wang Shouren (Wang Cheou-jen)

Si Zhu Xi (Tchou Hi) contribue à systématiser la pensée de l’école des Principes, c’est grâce aux philosophes Lu Jiuyuan (Lou Kieou-yuan) [1139-1192] et Wang Shouren (Wang Cheou-jen) [1472-1528] que la pensée de l’école de l’Esprit se développera.

Selon Lu Jiuyuan (Lou Kieou-yuan), pour trouver la vérité il ne s’agit pas de faire des observations et des analyses dispersées, mais de connaître, dès le premier abord, notre but. Il faut « établir le plus important ». Lu (Lou) raconte : « On m’a récemment critiqué en disant qu’en dehors de la phrase « établir le plus important », je n’ai rien d’autre à enseigner. Quand j’ai entendu cela, je me suis exclamé : « Très juste ! »

Si l’essence de la nature de l’homme est la bonté, le ren (jen), cette bonté est le lien métaphysique entre l’individu et l’univers. Le ren (jen) est une subtile sensibilité qui nous rend conscients d’être un avec les autres et finalement un avec l’univers. « L’univers est mon esprit, et mon esprit est l’univers. »

Sans connaître ce point essentiel, toute étude perd son sens. « Les Classiques ne sont que des livres de références. »

Wang Shouren (Wang Cheou-jen), plus connu sous le nom de Wang Yangming (Wang Yang-ming), pousse les idées de cette école à son extrême conséquence. « Il n’y a rien sous le ciel qui soit extérieur à l’esprit. » Mais il ne faut pas voir en lui un philosophe de méditation. C’était un remarquable homme d’État. Son idéalisme est très différent du bouddhisme. Il dit : « Les bouddhistes s’effraient des troubles impliqués dans les relations humaines et, pour cette raison, ils s’en évadent. Ils sont forcés de s’en évader parce qu’ils y sont attachés. Nous, les confucianistes, nous sommes différents. Étant donné que la relation entre père et fils existe, nous nous y conformons avec amour. Étant donné la relation entre souverain et sujet, nous nous y conformons avec justice. Étant donné la relation entre mari et femme, nous nous y conformons avec respect. Nous n’avons pas d’attachement aux phénomènes. »

Ainsi, nous pouvons dire que le confucianisme, même sous sa forme la plus idéaliste, reste homocentrique et positiviste.