Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

confucianisme et néo-confucianisme (suite)

Le Daxue (Ta-hiue) et le Zhongyong (Tchong-yong)

Dès avant la fin de l’époque des Royaumes combattants, certains penseurs de l’école confucianiste essaient d’élaborer une théorie métaphysique. L’essentiel de cette théorie se trouve dans deux ouvrages qui formaient à l’origine deux chapitres du livre classique Liji (Li-ki) [« Mémoire des rites »] : Daxue (Ta-hiue) [« Grande Étude »] et Zhongyong (Tchong-yong) [« Doctrine du milieu »]. Le Zhongyong constitue un ouvrage à part dès l’époque des Han ; il est attribué à Zisi (Tseu-sseu), petit-fils de Confucius, bien qu’il soit prouvé maintenant que certains passages ont été composés à une époque postérieure. Le Daxue (Ta-hiue) a été extrait du Liji (Li-ki) plus tardivement, sous la dynastie des Song. Et, à partir de cette époque, ces deux ouvrages forment avec les Entretiens de Confucius et Mengzi (Mong-tseu) les livres de base de l’enseignement confucéen.

On appelle traditionnellement ces livres les Quatre Livres.

L’auteur du Zhongyong (Tchong-yong) approfondit les idées de Mencius sur la nature de l’homme. Il porte son attention sur la vie intérieure de l’homme, sur sa psychologie et sa nature ontologique.

Selon cet auteur, c’est en entrant dans la profondeur de notre être que nous pouvons saisir la vérité des êtres et de la création. Pour y parvenir, il nous faut adopter une attitude qu’il nomme zhi cheng (tche-tch’eng) [« extrême sincérité »], car l’univers lui-même est régi par l’extrême sincérité.

« Ce que le ciel confère s’appelle la nature.

Suivre sa nature s’appelle la voie. Cultiver la voie s’appelle culture spirituelle. »

« Seul celui qui possède l’Extrême Sincérité peut développer pleinement sa nature. Celui qui peut développer pleinement sa nature est capable d’aider les autres à se développer. Celui qui est capable d’aider les autres à se développer pourra aider toutes choses à se développer. Ainsi il aidera le ciel et la terre dans leur processus créateur et il formera une trinité avec le ciel et la terre ».

L’auteur du Daxue (Ta-hiue) parle aussi du cheng (tch’eng) [« sincérité »] et du perfectionnement de soi, mais sa visée est avant tout politique : « L’enseignement de la « Grande Étude » est de manifester notre brillante vertu, d’aimer le peuple et de demeurer dans le suprême bien [...]. Les Anciens, qui désiraient manifester la brillante vertu à travers le monde, établirent d’abord l’ordre en leurs propres États. Désirant mettre de l’ordre en leurs propres États, ils réglèrent d’abord leurs propres familles. Désirant régler leurs propres familles, ils cultivèrent d’abord leur propre personne. Désirant cultiver leur propre personne, ils rectifièrent d’abord leur esprit. Désirant rectifier leur esprit, ils s’efforcèrent d’abord d’être d’une sincérité absolue dans leurs pensées. Désirant une sincérité absolue dans leurs pensées, ils élargirent d’abord leur savoir. Cette extension du savoir s’obtient par l’investigation des choses. Ayant pratiqué l’investigation des choses, alors seulement leur savoir devint étendu. Leur savoir étant étendu, alors seulement leurs pensées devinrent sincères. Leurs pensées étant sincères, alors seulement leur esprit fut rectifié. Leur esprit étant rectifié, alors seulement leur personne fut cultivée. Leur personne étant cultivée, alors seulement leurs familles furent réglées. Leurs familles étant réglées, alors seulement leurs États furent bien gouvernés, et le monde put jouir de la paix. »


Dong Zhongshu (Tong Tchong-chou)

Le prince de Qin (Ts’in) réalise l’unification de la Chine en 221 av. J.-C. et se proclame empereur Qin Shi Huangdi (Ts’in Che Houang-ti). Secondé par ses ministres légistes, il pratique une politique autocratique et centralisatrice, et règne par la terreur. Pour « unifier la pensée », il donne l’ordre de brûler les livres classiques et d’enterrer vivants un grand nombre de lettrés. Il rêve d’un empire qui s’étendrait sur dix mille générations, mais qui ne durera finalement que quinze ans.

Les premiers empereurs des Han abandonnent la politique légiste. Certains sont plutôt taoïstes. D’autres se convertissent au bouddhisme*. Mais, pour unifier la pensée, la doctrine de Confucius est choisie comme doctrine orthodoxe. Les classiques confucéens sont la base de l’éducation officielle et forment le programme de l’examen de l’État pour recruter les fonctionnaires.

Pour consolider leur suprématie dans le monde de la pensée, les confucianistes résorbent les idées mohistes, taoïstes, légistes, ainsi que celles des cosmologies des anciens temps pour en faire une grande synthèse.

Dong Zhongshu (Tong Tchong-chou) [179? - 104 av. J.-C.], le grand lettré qui vit sous le règne de l’empereur Wudi (Wou-ti) des Han, est le théoricien de cette ambitieuse tentative. L’idée principale de son système peut être résumée comme suit : « L’univers est constitué de dix parties : le ciel, la terre, le yin et le yang, les cinq éléments (métal, bois, eau, feu, terre) et l’homme » ; « Le ciel, la terre et l’homme sont l’origine de toutes les choses » ; « Le ciel donne la naissance, la terre donne la nourriture et l’homme donne la perfection. » Le yin et le yang et les cinq éléments jouent le même rôle aux trois niveaux. Son explication des phénomènes de l’univers par le yin et le yang et les cinq éléments est une cosmologie presque matérialiste. Appliquée à l’homme, cette cosmologie devient une justification métaphysique de l’ordre social, de la nature humaine et aussi des changements dynastiques dans l’histoire. Par exemple, les cinq vertus sont corrélatives aux cinq éléments.

La bonté humaine est corrélative au bois, dans l’est ; la justice, au métal, dans l’ouest ; les convenances, au feu, dans le sud ; la sagesse, à l’eau, dans le nord ; et la bonne foi, à la terre, au centre. Comme il y a similitude de structure entre l’ordre cosmique et l’ordre humain, il y a interaction entre les phénomènes de la nature et les activités de l’homme. Aussi, le souverain a-t-il besoin de régler chaque détail de sa vie pour que l’empire soit en paix et l’univers en harmonie.

Pendant que s’élabore cette théologie du confucianisme, la place de Confucius devient de plus en plus élevée, jusqu’à ce qu’il soit déclaré fils d’un dieu, l’Empereur noir, qui prononçait des oracles.