Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Clisthène (suite)

Les circonstances sont difficiles. Les aristocrates, qui viennent de renverser les tyrans, entendent, pour assurer leur retour, expulser de la cité tous ceux dont la naissance n’est pas « pure » ; Clisthène ne s’associe pas à ces manœuvres ; il groupe derrière lui le « peuple », artisans et commerçants, et se sert de lui pour mener une politique nouvelle, qui assure au corps civique une cohésion inconnue jusqu’alors en détruisant la force des vieux partis qui avaient voulu se réserver l’exclusivité du pouvoir.

La pierre angulaire de la réforme clisthénienne est la réorganisation des tribus. Jusqu’alors, les Athéniens se répartissaient en quatre tribus, d’origine ionienne. Clisthène remplace ces tribus gentilices par dix tribus modernes, qui ne sont plus que des circonscriptions territoriales : elles se divisent en dèmes (dix par tribu) groupés en trittyes ; chaque tribu est constituée par une trittye composée de dèmes de la zone urbaine (Athènes et ses environs immédiats), une trittye de dèmes de la Paralia (zone côtière), une trittye de la Mésogée (zone de la campagne attique) ; ainsi ne peuvent se grouper à l’intérieur d’une même tribu les gens de telle ou telle classe (marins, paysans ou artisans) qui seraient susceptibles de prendre une attitude partisane pour défendre leurs intérêts propres au détriment de l’intérêt général, ni se constituer des partis régionaux, puisque les trittyes d’une même tribu ne sont pas, en principe, contiguës. L’organisation clisthénienne interdit pour l’avenir cette sorte de luttes politiques et renforce l’unité de la cité. Pour atteindre parfaitement ce but, Clisthène veille aux détails du découpage du territoire de chaque tribu : ainsi la vieille tétrapole de Marathon, groupe naguère puissant de quatre anciennes cités fondues désormais dans Athènes, est partagée entre deux tribus. Autre avantage des nouvelles circonscriptions : elles donnent à la ville d’Athènes une place nouvelle dans la cité, chacune des tribus étant représentée dans la ville même, qui devient ainsi le centre véritable et de l’Attique et de chacune de ses circonscriptions. Cela favorise bien entendu l’unité d’Athènes, dont tous les habitants regardent désormais vers l’Acropole.

Cette réforme dépasse de beaucoup le simple problème de politique immédiate : déjouer les manœuvres des vieux partis. S’appuyant sur les réalités éternelles de la géographie attique, elle prétend modeler un monde nouveau. C’est le dieu étranger de Delphes qui protégera les tribus clisthéniennes (et non plus les dieux traditionnels des vieilles familles), la Pythie choisissant sur une liste de cent noms les dix héros éponymes des tribus : on rompt ainsi avec la religion gentilice pour créer une religion purement civique, sans autre justification que la constitution même de l’État. Pour servir ces héros, Clisthène créera des prêtrises de tribu qui finiront (sauf à Éleusis) par éclipser les cultes anciens (de la même façon, chacun des cent dèmes rend un culte à son « archégète »). D’autre part, Clisthène modèle le temps sur l’organisation politique en opposant, au vieux calendrier de douze mois lunaires, un calendrier politique fondé sur la succession des délégués (ou prytanes) des représentants de chacune des tribus à la présidence de l’assemblée, chaque tribu exerçant cette prytanie un dixième de l’année : l’année civique sera désormais une année de dix périodes, appelées aussi prytanies (six prytanies de 37 jours, quatre de 36 jours), et ce calendrier sera le calendrier légal.

Cette réforme des tribus se manifeste particulièrement dans le nouvel état civil des Athéniens ; jusqu’alors, ils n’étaient citoyens qu’en se rattachant à telle ou telle famille ; désormais, l’origine d’un citoyen sera définie par le nom de son dème.

La vie politique s’organise dans ce cadre nouveau, mais les institutions antiques ne sont pas bouleversées (bien sûr, une nouvelle boulê de 500 membres [50 bouleutes par tribu] remplace le vieux conseil installé par Solon, avec des pouvoirs considérablement accrus, mais l’Aréopage reste bien puissant), car il semble que Clisthène n’ait pas voulu, comme on a pu le croire, installer la démocratie (ce sera l’œuvre de ses successeurs). Il se contente d’organiser l’État de manière que la cité soit unie et forte, et lui permet ainsi d’évoluer dans la voie qui lui paraîtra la meilleure. Seule la tyrannie est exclue, puisque Clisthène a pris la précaution d’instituer l’ostracisme, procédure par laquelle le peuple peut exiler toute personne soupçonnée de vouloir prendre trop d’importance dans la cité.

Si la vie de Clisthène est mal connue, son œuvre permettra à Athènes de vivre la démocratie qu’Ephialtès et Périclès affirmeront.

J.-M. B.

➙ Athènes.

 G. Glotz, la Cité grecque (A. Michel, coll. « Évolution de l’humanité », 1928 ; nouv. éd., 1968). / C. Hignett, A History of the Athenian Constitution to the End of the Fifth Century B. C. (Oxford, 1952). / P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, Clisthène l’Athénien (Les Belles Lettres, 1964).

Clodion et les Michel

Sculpteurs français du xviiie s.


Le marchand Thomas Michel s’établit à Nancy en 1703 et y épouse en 1725 Anne, fille du sculpteur Jacob Sigisbert Adam*, qui lui donne dix enfants ; le dernier de ceux-ci, Claude, sera célèbre sous le nom de Clodion. Devenu tardivement l’élève, puis le collaborateur de son beau-père, Thomas Michel s’installe à Berlin en 1742 et est aussitôt nommé premier sculpteur du roi Frédéric ; on le trouve fixé à Lille en 1748 ; dès 1759, il est fait mention de sa veuve.

Le fils puîné de Thomas, Sigisbert François (Nancy 1728 - Paris 1811), travaille dans l’atelier parisien de son oncle Lambert Sigisbert Adam et y demeure jusqu’à la mort de ce dernier, en 1759. En 1764, il succède, comme sculpteur du roi de Prusse, à un autre de ses oncles, François Gaspard Adam* terminant ses ouvrages inachevés, notamment le grand Mars du château de Sans-Souci. À son retour à Paris, six ans plus tard, il est reçu à l’académie de Saint-Luc. Chargé de l’entretien des statues du parc de Versailles, il participe aux Salons jusqu’en 1800 et meurt célibataire en 1811 après avoir contribué avec ses frères Sigisbert Martial, Nicolas et Pierre Joseph, beaucoup moins connus, à répandre l’énorme production de petites terres cuites signées par le cadet glorieux : Clodion.