Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Les Sui (Souei) continuent ces recherches de réalisme, bien que les bouddhas gardent encore un aspect fruste et massif. Sous les Tang, la période de 627 à 712 correspond à une production intense et de haute qualité. Longmen, qui avait périclité au vie s., s’enrichit de nouvelles sculptures. Dans le grand ensemble du Fengxiansi (Fong-hien-sseu), terminé en 676, le bouddha colossal au visage charnu reflète la sérénité majestueuse d’un art impérial. Le type des bodhisattvas élaboré à cette époque restera en vogue jusqu’au xive s. et même plus tard. Les colliers et l’écharpe dessinent des courbes longues et amples sur leur torse nu. Une haute coiffure et une taille fine donnent au personnage l’aspect féminin de la guanyin. La qualité spirituelle de la statuaire de la première moitié du vie s. a disparu au profit des recherches de volume et de mouvement. Celles-ci aboutissent à un véritable réalisme corporel qui s’exprime avec le plus de force sur le visage grimaçant et les muscles gonflés des dvārapāla, ou gardiens de temple.

Entre 700 et 740, l’activité se reporte à Tianlongshan, où la sculpture rupestre atteint une délicatesse de modelé incomparable.

Dès le milieu du viiie s., les drapés et les corps s’alourdissent, les mains et les visages s’empâtent. À l’exception de quelques spécimens en bois (guanyin d’époque Song), la sculpture bouddhique, dans son ensemble, se fige dans un style conventionnel dépourvu de tout sentiment religieux.


Bronzes archaïques

La métallurgie du bronze apparaît en Chine au début du IIe millénaire avant J.-C. et trouve sa plus belle expression dès la fin de la période Shang (capitale Anyang [Ngan-yang], xive-xiie s.). Les travaux récents sur la fonte des bronzes Shang (découvertes de moules en plusieurs parties servant à la fonte directe du métal) permettent peut-être de penser que cette technique fut inventée en Chine même et non pas, comme on le croyait auparavant, importée par la route des steppes. En outre, les objets en bronze découverts à Zhengzhou (Tcheng-tcheou) au Henan — antérieurs à ceux d’Anyang — établissent une filiation avec le Néolithique de la phase de Longshan (Long-chan). La forme des vases reproduit en bronze des modèles plus anciens en terre cuite.

À la fin des Shang, le bronze est encore une matière rare et un symbole de prestige. Aussi le réserve-t-on au souverain et au culte. Les vases rituels présentent des formes extrêmement variées, adaptées à leur usage. Certains étaient destinés à la présentation des viandes et des céréales comme les tripodes ding (ting) et li, les bassins munis d’un pied gui (kouei) et les coupes à couvercle dou (teou). D’autres servaient au vin du sacrifice, tels les zun (tsouen) ronds ou carrés, les calices élancés gu (kou), les bouteilles hu (hou), les guang (kouang), verseuses à couvercle orné d’une tête d’animal, et les jue (kiue), coupes tripodes aux extrémités effilées, décorées de deux montants se terminant par des sortes de champignons. Enfin, certaines pièces ont une forme zoomorphe : tigre entre les pattes duquel se blottit un petit personnage (musée Cernuschi, Paris), éléphant (musée Guimet).

À Zhengzhou (Tcheng-tcheou), le décor des bronzes se limite à des motifs géométriques (triangles, spirales, cercles concentriques) et à des masques animaliers simples en léger relief. En revanche, les motifs décoratifs se combinent à l’infini sur les vases d’Anyang, aux proportions harmonieuses et à la fonte parfaite. Les formes animales, incisées ou en relief, parfois même en ronde bosse, se détachent sur un fond gravé de spirales disposées en registres ou couvrant toute la surface. Le motif le plus caractéristique est un masque aux yeux globuleux, dépourvu de mâchoire inférieure et portant des cornes (appelé plus tard taotie [t’ao-t’ie]), auquel s’associe toute une faune : dragons monopodes (dont les formes affrontées peuvent constituer un taotie), poissons, oiseaux huppés, tortues, cigales inscrites dans un cadre triangulaire, serpents et vers à soie.

La signification symbolique de ce décor reste souvent obscure. Le goût des Shang pour la chasse a peut-être inspiré la richesse des thèmes animaliers. Il est possible aussi que certains vases soient liés à la représentation des esprits mythologiques de la terre, élément primordial dans la civilisation agricole des Shang.


Céramique

Le souci de l’artisan chinois d’assurer solidité et imperméabilité aux poteries d’usage courant, sensible dès l’époque néolithique, est à l’origine des améliorations que l’on constate au cours des siècles (choix des matériaux, degrés de cuisson, fours). Après l’apparition de la fonte du bronze, les classes simples doivent encore se contenter de substituts en terre cuite : les potiers copient les formes et les décors des vases rituels de l’aristocratie. D’autre part, la coutume de placer dans les tombes des objets évoquant la vie quotidienne du défunt contribue à la naissance d’un art funéraire de la terre cuite, qui imite en matériau peu coûteux des pièces de bronze, de laque ou de jade.

Sous les Han, des céramiques cuites à haute température (ci [ts’eu]), plus solides que la poterie ordinaire (tao [t’ao]), semblent avoir déjà fait l’objet d’un commerce intérieur. Les échanges entre le nord et le sud de la Chine, longtemps divisés, reprennent sous les Tang. À cette époque, trois facteurs vont contribuer au développement de l’industrie céramique chinoise : 1o l’influence de l’art sassanide, dont les orfèvreries arrivent en Chine par les routes d’Asie centrale ; 2o l’usage du thé, qui se répand parmi les lettrés et suscite de nouvelles recherches esthétiques ; 3o la demande étrangère (présence de marchands arabes, vers 800, à Canton et Yangzhou [Yang-tcheou]). Des conditions favorables — bonnes terres, communications faciles... — amènent la création de nombreux fours dans les provinces côtières, du Jiangsu (Kiang-sou) au Guangdong (Kuang-tong). Dès le ixe s., les céramiques sont adjointes aux soieries dans les dons offerts par l’empereur de Chine. Source de richesse, l’exportation de ces matières précieuses s’intensifie à partir des Yuan et des Ming. Les fours privés et officiels rivalisent d’ingéniosité, les décorateurs trouvent leur inspiration dans les étoffes, les laques, les peintures et les estampes. Avant de céder au goût de la surcharge, l’art céramique chinois connaît encore, jusqu’au début du xixe s., une grande vitalité.