Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Agnon (Samuel Joseph)

Écrivain israélien (Buczacz, Galicie, 1888 - Rehovoth, Israël, 1970).


À l’entrée d’une petite rue du quartier de Talpiyot à Jérusalem, on pouvait lire cet écriteau apposé par les soins de la municipalité : « Silence, respectez le travail d’Agnon ! » Cette sollicitude officielle traduisait la vénération dont était entouré le poète, qui plus que tout autre a fait de Jérusalem le terme d’une recherche humaine et spirituelle.

Il est venu de bien loin, d’un petit village de Galicie orientale appartenant à l’Empire austro-hongrois. Tout enfant, Samuel Joseph Czaczkes avait lu dans sa petite Bible l’histoire de Joseph persécuté par ses frères et, révolté par tant de cruauté, il s’était emparé de la grande Bible richement reliée de son grand-père, sûr qu’il était d’apprendre dans un si beau livre que Joseph avait connu un sort plus doux : la découverte d’une misère identique réservée à l’innocence marqua sa vie. Sa révolte naïve et sa sympathie pour la souffrance humaine, qu’il exprime dès l’âge de neuf ans dans ses premiers vers hébraïques et, à seize ans, dans son premier poème publié, le conduisent très tôt vers le pays dont Joseph avait été arraché : à vingt ans, Samuel Joseph arrive en Palestine, où il écrit ses premiers contes. Cependant, désireux de parfaire sa culture, il se rend en Allemagne peu avant la Première Guerre mondiale, à Berlin et à Francfort, où, en compagnie de Martin Buber, il se consacre à l’étude du hassidisme, qui deviendra une des sources essentielles de son esthétique. Rentré en Palestine en 1924, Agnon, qui depuis la publication de son récit les Délaissées a adopté ce pseudonyme (formé de la racine de ‘agounot, signifiant « âme errante, solitaire ») qui deviendra son nom légal, entreprend l’évocation du drame du peuple juif à la recherche du signe rédempteur : le héros de la Dot de la fiancée décide de quitter Buczacz pour aller vivre à Jérusalem ; les Juifs d’Au creux de l’océan entreprennent de transplanter leur petit univers de Galicie sur les rives de la Palestine ; l’Hôte d’une nuit compose un terrible tableau du déchirement du judaïsme polonais entre les deux grandes guerres ; Cela se passait hier célèbre l’édification de Tel-Aviv ; Une simple histoire est un roman d’amour dans la Galicie de la fin du xixe s., dont le style à la fois idyllique et épique traduit la tempête des âmes et les tragédies de la vie ; ses derniers récits (le Livre des aventures, le Signe) montrent que, si la signification profonde de son existence tragique est hors de sa portée, l’homme possède cependant un moyen modeste mais sûr de progrès dans la voie de la vérité : le rite et la piété. Car l’idéal d’Agnon est profondément soumis à la morale et à la pensée religieuse traditionnelles. Contrairement aux idéologues de la haskala, Agnon n’a été que médiocrement influencé par les thèmes de la littérature européenne. Son univers est un prolongement logique des midrashim, une méditation sur les énigmes du monde moderne dans l’esprit des prophéties anciennes. Les éléments de sa langue sont puisés dans la tradition talmudique, dans le rythme des écrits hassidiques de Russie et de Pologne. Agnon ne connaît pas la rupture entre une langue sacrée et une langue profane. Pour lui, couronné des plus hautes distinctions littéraires (prix Bialik, 1934 ; prix Israël, 1954 ; prix Nobel, 1966), la meilleure récompense est dans son œuvre, plus liturgique que littéraire. Évoquer les morts de Buczacz et la nouvelle vie de Jérusalem, c’est, en effet, moins écrire un roman que donner forme à une prière.

N. G.

 D. Sadan, Sur S. J. Agnon (Tel-Aviv, 1959). / S. J. Penueli, l’Œuvre de S. J. Agnon (Tel-Aviv, 1960).

Āgrā

V. de l’Inde (Uttar Pradesh), sur la Jamna (ou Yamunā) ; 592 000 hab.


Trois souverains de la dynastie des Grands Moghols, Akbar, Djahāngīr et Chāh Djahān, sont responsables des monuments d’Āgrā (érigés entre 1565 et 1648), qui font de la ville une des plus prestigieuses cités de l’Inde et du monde musulman. Au premier et au troisième de ces souverains, grands bâtisseurs, on doit le fort, la Grande Mosquée et le Tādj Maḥall ; au second, surtout amateur de jardins, seulement deux tombeaux.


Le fort

Il fut fondé en 1565 par Akbar sur le site de la forteresse des Lōdī, le long de la rive droite de la rivière Yamunā. Il a la forme d’un demi-cercle irrégulier délimité par une double enceinte, immense masse de maçonnerie et en même temps œuvre d’art, première réalisation aussi vaste (2 413 m de tour) d’une construction en pierre avec revêtement. On y accède par deux portes, dont celle de l’ouest, dite porte de Delhi, annonce la naissance d’un style nouveau et est l’une des plus imposantes de l’Inde. À l’intérieur, dit-on, s’ordonnaient plus de cinq cents édifices de grès rouge, caractérisés par des corbeaux de pierres sculptées supportant des poutres également en pierre et des plafonds plats à encorbellements successifs. Ils ont presque tous disparu pour laisser place aux constructions de Chāh Djahān, mais le Djahāngīr Maḥall, dans la partie sud-est du fort, reste un témoignage de cette école encore imprégnée de traditions hindoues.

Chāh Djahān amène un total changement de style. Le goût pour la ligne courbe, pour les rythmes débordants, pour les arcs découpés en lobes et en dents de scie est favorisé par l’emploi massif du marbre. Selon cette esthétique sont érigés les principaux bâtiments qui existent encore, le Khāṣṣ Maḥall, le Muthammam Burdj, la délicieuse mosquée de la Perle (Moti Masdjid), toute blanche sur son soubassement de grès rouge (1654), les salles d’audiences publiques, Dīwān-i ‘Āmm, et privées, Dīwān-i Khāṣṣ (1637).


La Grande Mosquée
(Djāmi ‘Masdjid) [1648]

Elle a été construite non loin du fort. De peu antérieure à celle de Delhi*, elle laisse, comme elle, la première place à la cour et se couronne de trois coupoles bulbeuses ; moins vaste et moins académique, elle la dépasse par la richesse et l’élégance.