Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Abélard ou Abailard (Pierre) (suite)

Mais son engagement théologique va accroître encore ses déboires. Non seulement plusieurs points de sa doctrine sont contestés, mais, plus radicalement, l’usage méthodique de la raison et de ses procédés dialectiques dans l’élaboration de la foi ne peut que déconcerter et irriter un Bernard de Clairvaux et les hommes de sa trempe, pour qui l’absolu de la foi ne consent pas à l’autonomie de sa mise en question par la raison. Irréductible opposition des tempéraments personnels et des comportements spirituels. L’abbé de Clairvaux, appuyé par son disciple et ami Guillaume de Saint-Thierry, incrimine sans nuances le « novateur », qui, pour se défendre, sollicite une discussion publique en assemblée épiscopale. Abélard y est condamné, à Sens (1140). En appelant au pape, l’intrépide théologien entreprend le voyage de Rome ; mais lassé et malade, il s’arrête à Cluny, haut lieu de chrétienté et de culture, où Pierre le Vénérable, abbé très accrédité autant qu’intelligence généreuse, l’accueille avec confiance, entreprend sa réconciliation avec Bernard, fait lever les sanctions prises contre lui. C’est là qu’Abélard entreprend sa dernière œuvre, Dialogus inter philosophum, judaeum et christianum. Il meurt en 1142, en soumission sincère à l’Église en même temps que ferme dans ses convictions.

Dernier épisode : Pierre le Vénérable fera enlever secrètement le corps du cimetière et le conduira lui-même au Paraclet, auprès d’Héloïse. Vingt ans après, elle le rejoindra dans la tombe.


Une vie et une pensée éclairantes

Ces épisodes, pour nous déconcertants, manifestent à point la vérité humaine et chrétienne de ce Moyen Âge qu’on disait monotone et obscur. Ils illustrent en tout cas cet univers nouveau, en gestation au cours du xiiie s., qui bouleversait l’ordre féodal, son économie agraire, son paternalisme sacral, son traditionalisme mystique. Désormais, à la faveur de son économie de marché et de circulation, sous une poussée démographique qui se manifestait par une intense urbanisation, dans une émancipation sociale et culturelle qui provoquait une prise de conscience des valeurs terrestres, dans une curiosité rationnelle et évangélique à la fois qui trouvait le premier objet de son appétit dans la foi elle-même, dans la renaissance des textes antiques en puissance de nouvelles fécondités naissent des écoles nouvelles dans des villes où la jeune génération satisfait ses impatiences intellectuelles et politiques. On comprend que maître Abélard ait trouvé là le lieu de son génie, en faveur même de ses insupportables défauts. Ne disons pas, par un contresens antihistorique, qu’il fut le précurseur du rationalisme moderne et de la libre pensée : logicien, il forgea une analyse des arts de la signification et des voies de la conceptualisation ; théologien, il crut à la fécondité de la raison sous la lumière de la foi, dans la cohérence de la grâce et de la nature ; philosophe, il alimenta de l’expression de ses initiatives personnelles la conviction de la valeur de l’individu contre les abstractions de l’idéalisme.

L’influence d’Abélard consiste moins dans le succès immédiat de ses œuvres et de sa doctrine ou dans la séquelle de disciples, parfois célèbres, qui constituèrent une « école abélardienne » que dans le destin d’une méthode qui engendre, tant en philosophie qu’en théologie, ce qu’on a appelé la scolastique.

M. D. Ch.

 Œuvres d’Abélard (Patrologie latine, tome 178) [Migne, 1855]. / J. G. Sikes, Peter Abailard (Cambridge, 1932). / A. Landgraf, Écrits théologiques de l’école d’Abélard (Louvain, 1934). / G. Paré, A. Brunet et P. Tremblay, la Renaissance du xiie siècle (Vrin, 1934). / Ch. Charrier, Héloïse dans l’histoire et dans la légende (Champion, 1937). / E. Gilson, Héloïse et Abélard (Vrin, 1938 ; 2e éd., 1949). / Œuvres choisies d’Abélard, présentées par M. de Gandillac (Aubier, 1945). / R. Thomas, Der philosophisch-theologische Erkenntnisweg P. Abailards im « Dialogus inter philosophum, judaeum et christianum » (Bonn, 1966). / J. Jolivet, Arts du langage et théologie chez Abélard (Vrin, 1969). / R. Pernoud, Héloïse et Abélard (Albin Michel, 1970).

aberrations

Imperfections des images données par les instruments d’optique.



Formation des images par un instrument d’optique

Un objet étendu incohérent est constitué par la juxtaposition d’une infinité de points-objets indépendants. L’image globale est la superposition des images des différents points de l’objet. La qualité de l’image d’un objet est directement liée à celle d’un objet ponctuel.

Dans l’approximation de l’optique géométrique, un point A est le sommet d’un cône de rayons lumineux (fig. 1). On obtient une image A′ de A si tous les rayons viennent converger en un point unique A′. S est alors un système stigmatique.


Les aberrations

Réalisons l’expérience suivante : un point-objet A est placé sur l’axe d’un système optique S. Coupons à l’aide d’un écran E les faisceaux issus de S. On obtient une tache lumineuse circulaire dont le diamètre varie avec la position du plan E. Le système S n’est plus stigmatique ; l’image A′ est entachée d’aberrations (fig. 2). L’aberration précédente existe pour un point A éclairé en lumière monochromatique ; elle ne dépend que de la constitution, de la forme des éléments composant le système S. C’est une aberration géométrique. Dès que la lumière est composée de radiations de fréquences différentes, il apparaît sur l’image de nouveaux défauts dus à la dispersion : les aberrations chromatiques. Enfin, la réalisation d’un instrument est toujours imparfaite ; il en résulte des défauts que l’on peut qualifier d’aberrations accidentelles.


Aberrations chromatiques

L’indice de réfraction n des verres d’optique décroît avec la longueur d’onde λ (fig. 3). n est plus grand pour le bleu que pour le rouge. La loi de variation dépend du verre considéré. Pour caractériser un verre dans le domaine des radiations visibles, on choisit traditionnellement les longueurs d’onde des radiations C et F, rouge et bleue de l’hydrogène, qui sont λC = 6 563 Å et λF = 4 861 Å. Un verre est caractérisé par la valeur de son indice moyen nD mesuré pour la raie jaune du sodium (λD = 5 893 Å) et par le paramètre

appelé constringence. Les verres anciens se répartissent en deux catégories : les crowns, d’indice faible n = 1,52, peu dispersifs (ν = 60), et les flints, d’indice élevé 1,62, plus dispersifs (ν = 40). On fabrique maintenant des verres de caractéristiques très variées.