Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carné (Marcel)

Metteur en scène de cinéma français (Paris 1906).


Jacques Feyder l’engage comme assistant opérateur pour son film les Nouveaux Messieurs (1929), fonction qu’il occupera encore dans le Cagliostro de Richard Oswald. À la même époque, il débute dans le journalisme en gagnant un concours organisé par Cinémagazine. Tout en étant rédacteur régulier de cette revue, il tourne en amateur (avec Michel Sanvoisin) un documentaire populiste et poétique, Nogent, Eldorado du dimanche (1929). Il est avec Georges Lacombe l’assistant de René Clair pour Sous les toits de Paris (1930) et dirige plusieurs films publicitaires dont le scénariste est Jean Aurenche et le décorateur Paul Grimault. Parallèlement, il poursuit ses activités de journaliste en devenant rédacteur en chef d’Hebdo-Film, mais doit démissionner peu de temps après à la suite d’une profonde divergence d’opinion avec son directeur, qui n’appréciait pas le talent de Charlie Chaplin dans les Lumières de la ville. Lorsque Feyder, après un séjour aux États-Unis, revient tourner en France le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1934) et la Kermesse héroïque (1935), il demande de nouveau à Carné d’être son assistant. En 1936, ce dernier se voit enfin confier la réalisation de son premier long métrage, Jenny, un mélodrame que l’on avait primitivement proposé à Feyder. Ce film lui permet surtout de rencontrer ceux qui deviendront ses fidèles collaborateurs : le scénariste Jacques Prévert, le musicien Joseph Kosma, l’opérateur Roger Hubert, embryon d’une équipe à laquelle s’adjoindront bientôt le musicien Maurice Jaubert, l’opérateur Eugen Schuftan, le décorateur Alexandre Trauner. Après une comédie, Drôle de drame (1937), Carné signe Quai des brumes, d’après l’œuvre de Pierre Mac Orlan. Le film connaît un grand succès et remporte le prix Delluc, qui vient d’être créé. L’« atmosphère » générale du film, le soin de la réalisation, le brio de l’adaptation de Prévert, l’aisance des acteurs (Jean Gabin, Michèle Morgan, Michel Simon, Pierre Brasseur) rendent Carné prisonnier d’une rapide célébrité. L’école réaliste poétique française se découvre un chef de file. Le mot « école » reste néanmoins abusif : ce mouvement rassemble en effet des cinéastes comme Marcel Carné, Julien Duvivier, Jean Grémillon, Jacques Feyder, voire Jean Renoir, dont les tempéraments et les films sont profondément différents, mais qui se rejoignent par certaines rencontres dans les thèmes choisis et dans la création d’un « climat » qui emprunte à la fois au naturalisme littéraire et au romantisme des individus marqués par le destin. Après Hôtel du Nord (1938), dont le scénario est, exceptionnellement, dû à Henri Jeanson, Carné réalise successivement Le jour se lève (1939), avec Jean Gabin, les Visiteurs du soir (1942), avec Jules Berry, et les Enfants du paradis (1944), grande fresque poétique où s’entrecroisent plusieurs personnages qui eurent leur heure de célébrité dans le Paris romantique du milieu du xixe s. : le mime Deburau, l’acteur Frédérick Lemaître, l’assassin littéraire et anarchiste Lacenaire. Servi par les dialogues brillants de Jacques Prévert, par d’admirables décors reconstituant le boulevard du Crime avec ses théâtres populaires, ses bains turcs, ses tapis-francs, sa foule bigarrée et gouailleuse, soutenu par le talent de grands acteurs comme Arletty, Pierre Brasseur, J.-L. Barrault, Marcel Herrand, Louis Salou, Maria Casarès, Marcel Carné devait donner au cinéma français l’un de ses films les plus mémorables, et ce d’autant plus que l’œuvre entreprise dès 1943 sortit sur les écrans en mars 1945, marquant ainsi avec brio le renouveau du cinéma français dans l’immédiat après-guerre.

Ce succès est suivi d’un échec commercial, les Portes de la nuit (1946), qui entraîne, par ses conséquences, la faillite de certains projets de films (la Fleur de l’âge en 1947 et l’Espace d’un matin en 1948). Carné, fidèle à son style, adapte Simenon dans la Marie du port (1949), mais essuie un nouvel échec avec un film très ambitieux, Juliette ou la Clef des songes (1950), d’après Georges Neveux. La carrière du réalisateur paraît alors très menacée. Pourtant, Thérèse Raquin (1953), dont le scénario est de Charles Spaak d’après le roman de Zola, semble donner tort à ceux qui commencent à critiquer le cinéaste en affirmant que ses grandes réussites passées sont essentiellement imputables à Jacques Prévert. Après l’Air de Paris (1954), Carné signe une œuvre mineure, le Pays d’où je viens (1956), mais retrouve l’adhésion du public avec les Tricheurs (1958). Peut-être en raison même de ce succès populaire, Carné devient la cible favorite d’une partie de la critique, qui lui reproche un certain académisme et une esthétique dépassée. De fait, Terrain vague (1960), Du mouron pour les petits oiseaux (1962), Trois Chambres à Manhattan (1965) et les Jeunes Loups (1967) ne parviennent pas à infirmer complètement ces jugements sévères, mais en 1970 les Assassins de l’ordre sont accueillis avec beaucoup plus de sympathie et d’intérêt. Paradoxalement, on retrouve sous la plume de quelques critiques et cinéastes « nouvelle vague » des phrases fort proches de celles qu’écrivait Marcel Carné dans Cinémagazine en 1929 : « Quelques esprits grincheux n’ont pas manqué de dire que le film parlant ne serait que du théâtre filmé. C’est à ceux-là qu’il faut opposer un démenti formel. Pour cela la caméra ne doit plus être retenue prisonnière. Il faut qu’elle retrouve son extrême mobilité de personnage du drame. L’avenir appartient aux créateurs. »

J.-L. P.

 J. Queval, Marcel Carné (Éd. du Cerf, 1962). / R. Chazal, Marcel Carné (Seghers, 1966). / M. Carné, Ma vie à belles dents (J.-P. Ollivier, 1975).

Carnivores ou Carnassiers

Ordre de Mammifères terrestres munis de griffes, de canines dépassantes (crocs) et de molaires plus ou moins tranchantes, se nourrissant surtout de proies animales.