Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

caractère d’imprimerie (suite)

• Au xviiie s., en France, Pierre Simon Fournier, dit le Jeune (1712-1768), crée des caractères fantaisie, hachurés, ornés, et une série de vignettes ornementales. En Angleterre, William Caslon (1692-1766) et John Baskerville (1706-1775) imaginent en 1800 des formes rappelant l’elzévir. Le Français Firmin Didot, dit l’Aîné (1764-1836), fait couler un nouveau genre de romain aux formes plus arrondies et aux déliés plus fins, caractère élégant remplaçant le garamond, dégénéré à force d’avoir été copié et recopié. À la même époque, l’Italien Giambattista Bodoni (1740-1813) crée un caractère similaire. Ces caractères continuent à être employés actuellement et conservent leurs noms illustres.

• Au xixe s. et au début du xxe paraissent un très grand nombre de caractères fantaisie subissant l’influence des lettres dessinées par les lithographes. La plupart n’ont qu’une existence éphémère ; certains d’entre eux sont encore employés épisodiquement pour des titres ou des effets publicitaires. Cependant se sont imposés les caractères dits bâtons, sans pleins, ni déliés : l’antique, dont la forme moderne est celle qui fut dessinée en 1927 en Allemagne par Paul Renner (1878-1956), et l’égyptienne, dont la forme moderne est également venue d’Allemagne (Heinrich Jost, 1889-1948).

Les fondeurs de caractères continuent à offrir à leur clientèle d’imprimeurs les formes traditionnelles des caractères qui ont su plaire ; ils s’efforcent aussi de mettre sur le marché des variantes et des nouveautés satisfaisant à la fois la tendance de la mode et les habitudes ainsi que le goût du public. Les fabricants de machines à composer mécaniques, de leur côté, fournissent les matrices dans lesquelles les caractères en métal seront coulés sur la machine elle-même. Le dessin de l’empreinte de ces matrices est analogue à celui des matrices où les fondeurs coulent leurs caractères mobiles. Quant aux machines à composer photographiques, qui produisent non plus des textes composés en plomb, mais des textes sur papier ou film photographique, elles ont pour matrices des négatifs dont le dessin, lui aussi, correspond à celui des caractères en plomb.


Constitution d’un caractère

Un texte composé est formé par un ensemble de lettres, de chiffres, de signes ou de symboles. Les catalogues des fondeurs étalent la diversité de ces signes, qui peut paraître surprenante au profane. Ils montrent aussi la diversité des dimensions et des proportions pour un même dessin de base, sur lequel est créée une même famille de caractères. Le dessin du caractère, qui s’imprime sur le papier, s’appelle l’œil. Si on regarde la face où se trouve l’œil, sa hauteur, qui sera la hauteur de la ligne composée, est la force de corps ou le corps. Sa largeur, ou épaisseur de la lettre, est la chasse ; celle-ci dépend du dessin de l’œil et varie presque d’une lettre à l’autre ; la lettre m est ainsi plus large que la lettre n, elle-même plus large que la lettre t.

Dans une même famille de caractères, c’est-à-dire dans un ensemble de caractères présentant le même dessin de base, on trouve le plus souvent toute une série, plus ou moins complète, de corps, depuis le plus petit, utilisé pour les notes et les renvois, jusqu’aux gros, servant pour les titres. La force de corps s’exprime en unités de mesure typographique, en points Didot, valant 0,375 9 mm. Un caractère en corps 6 a 2,26 mm de haut, et un caractère en corps 36, 13,53 mm. Souvent aussi on trouve une variété de chasses, ou largeurs (caractères condensés, étroits, larges, serrés, allongés), et une série de graisses, c’est-à-dire d’épaisseur des traits (maigre, demi-gras, gras, noir). L’assortiment standard de caractères d’un corps, d’une chasse et d’une graisse déterminés, pour l’impression courante, comprend en moyenne de 140 à 150 signes : bas de casse (minuscules), capitales (majuscules), petites capitales (petites majuscules), chiffres, ponctuation, lettres doubles, lettres accentuées, lettres supérieures et signes divers.


Classification des caractères

Les noms qui leur sont donnés évoquent l’origine (dessinateur, graveur, fondeur), le style ou la tendance. Le dessin des caractères est constitué par des lignes et des courbes d’épaisseur plus ou moins uniforme, par des pleins et des déliés plus ou moins accentués, accompagnés ou non à leurs extrémités de traits ou de pleins appelés empattements. Ces caractéristiques avaient conduit F. Thibaudeau à faire en 1920 une classification en cinq familles :
— les elzévirs, à empattements triangulaires ;
— les didots, à empattements filiformes ;
— les antiques, sans empattements ;
— les égyptiennes, à empattements rectangulaires ;
— les écritures, fantaisistes et gothiques.

La classification préconisée par Maximilien Vox (1894-1974) en 1954 est plus nuancée, plus artistique, plus délicate à interpréter aussi. Elle a rencontré l’approbation des Pays-Bas, de l’Italie (Aldo Novarese) et a été adoptée par les normalisations allemande et anglaise. Elle comprend les neuf groupes suivants :
— manuaires, dont la forme s’inspire des lettres dessinées au Moyen Âge, avant l’imprimerie ;
— humanes, dérivant des lettres romaines rénovées à la Renaissance ;
— garaldes, style des créations classiques italiennes et françaises ;
— réales, imitant les caractères utilisés au xviiie s. ;
— didones, rappelant les types du début du xixe s. ;
— mécanes, dont les formes géométriques évoquent la mécanique ;
— linéales, caractères bâtons sans empattements ;
— incises, inspirées des inscriptions latines ;
— scriptes, imitant l’écriture ou la calligraphie.

À ces types de caractères sont venus s’ajouter :
— les caractères brisés ou à fracture, gothiques ;
— les caractères étrangers.


Dessin, gravure, fonderie de caractères

Après avoir fabriqué eux-mêmes leurs caractères, les imprimeurs confièrent rapidement la gravure des poinçons et la frappe des matrices à des orfèvres ou à des graveurs en monnaie ; aussi, peu à peu, la fabrication des caractères en métal, ou caractères fondeurs, est-elle devenue une spécialité. Quatre étapes sont nécessaires : le dessin, la gravure des poinçons, la confection des matrices, la fonte des caractères. Dans la composition photographique, le dessin est reproduit photographiquement pour obtenir le négatif matrice.