Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

café-concert (suite)

Parisiana, construit sur l’emplacement de la Splendide Taverne en 1894, connaît pendant un certain temps une vogue comparable à celle de l’Eldo’ ou de la Scala. Son directeur, Debasta, avait inauguré la formule « entrée libre », les spectateurs ne payant que les consommations. Un autre café-concert dut son titre au nom de son directeur Boffali, dont les étudiants, qui fréquentaient en majorité ce café-concert, firent Bœuf-à-l’huile.


Les cafés-concerts en province

En province, dans les grandes villes, s’ouvrirent quelques cafés-concerts capables de rivaliser avec ceux de la capitale, les villes de garnison se contentant de simples beuglants.

Marseille eut l’Alcazar, fondé en 1880 (qui adopta d’emblée la formule music-hall), et le Palais de cristal ; Bordeaux, le Casino des Quinconces (l’été) et les Bouffes (l’hiver) ; Toulouse et Lyon, des Casinos ; Saint-Étienne, l’Eden.


Les genres au café-concert

Des emplois bien définis furent créés au caf’ conc’ :
— les troupiers, genre créé par Ouvrard, repris par Polin, Dufleuve, Vilbert et Bach, auxquels venait se joindre Jane Bloch ;
— les gommeux, genre créé par Libert et Armand Ben pour les hommes, par Mistinguett, Jane Mealy et Alice de Tender pour les femmes ;
— les valselentiers, avec Mercadier, Dickson, Renard, Marius Richard, Dona, Lejal, Bérard, Georgel, Mmes Bonnaire, Anna Thibaud, Juana, Judic, Paulette Darty, Duparc, Suzanne Lagier, Carmen Vildez, etc., cette nombreuse cohorte poussant aussi la romance sentimentale ;
— les gambilleurs, ou épileptiques, genre créé par Paulus, repris par Kam-Hill, Moricey, Sinoèl, Mmes Duclerc et Polaire (avant Gilbert Bécaud et les chanteurs de rock) ;
— les patriotiques, bataillon en tête duquel venaient Mmes Amiati et Chretienno ;
— les pochards, genre créé par Bourgès, illustré ensuite par Revel et Mathias ;
— les chanteurs réalistes, avec pour tête de file Eugénie Buffet et Mévisto, le genre sublime étant personnifié par Rosa Bordas ;
— enfin les scieurs, ou chanteurs de scies, avec Libert, Rivoire, Duhem, Mansuelle, Sulbac, Joseph Kelm, et surtout Dranem.

Quelques « grands » passaient d’un genre à l’autre avec facilité, en particulier Thérésa, Mayol ou Paulus.


Le répertoire du café-concert

S’adressant à un public populaire, ce répertoire ne fut jamais très compliqué et ne fit pas toujours preuve d’un goût très sûr : chansonnettes anodines à sous-entendus grivois (les Cinq Ministères, chantés par Anna Thibaud ; Le pied qui remue, par Joseph Kelm) ; scies déchaînant un rire facile (l’Amant d’Amanda, par Libert ; Tha-ma-ra-boum-di-hé, par Polaire ; les Petits Pois, par Dranem ; et surtout le célèbre En voulez-vous des z’homards, chanté par tout Paris et édité à 400 000 exemplaires). Les valses langoureuses et les romances sentimentales constituèrent le fond le plus stable du caf’ conc’ : La neige c’est si fragile, par Judic ; Quand l’amour meurt, par Dickson ; les Écrevisses, par Mme Duparc. Bruant ayant mis à la mode la chanson naturaliste, ce genre envahit le café-concert. Félicia Mallet créa À Saint-Lazare, repris ensuite par Eugénie Buffet, qui se spécialisa dans les gigolettes.

Après 1870, on voit éclore une floraison de chansons revanchardes : le Maître d’école alsacien, les Cuirassiers de Reichshoffen, Alsace-Lorraine, chantés par Amiati, qui faisait aussi applaudir le Clairon (Déroulède-E. André), tandis que Chrétienno lui répondait avec la Paysanne lorraine. Le répertoire patriotique atteint son apogée avec le boulangisme : Paulus lance, le 14 juillet 1886, En revenant de la revue, et, à sa suite, tous les chanteurs mettent dans leur tour de chant au moins une chanson à la gloire du général Boulanger. Les chansons patriotiques cédèrent légèrement du terrain devant une vague pacifiste au début du xxe s. (l’Appel aux nations, la Paix des peuples), mais reprirent de plus belle aux approches de 1914. Fragson, en particulier, fait applaudir C’est un aviateur, Un gamin de Paris, En avant les p’tits gars. Il chante aussi Dans mon aéroplane, car l’actualité et les grandes inventions étaient aussi commentées au caf’ conc’, mais, au contraire des cabarets, dans un style laudatif.

Le music-hall prend alors la relève du café-concert en employant les mêmes artistes, qui chantent un répertoire identique.


Quelques vedettes du café-concert


Yvette Guilbert

(Paris 1867 - Aix-en-Provence 1944). Elle débute comme comédienne, puis, en 1889, elle chante à l’Eldorado au milieu de l’indifférence générale. C’est alors qu’elle se crée la silhouette qui contribuera à sa célébrité : cheveux roux, gants noirs, robe de satin vert. Elle chante alors dans les principaux cafés-concerts et fait des tournées en Angleterre et en Amérique. Ses deux principales créations restent la Pocharde (rimée par elle et mise en musique par Byrec) et le Fiacre (Xanrof). Après 1900, elle entame une carrière bien différente et se consacre à la renaissance des chansons traditionnelles. Elle sait les choisir avec goût, les présente avec esprit, dans une diction irréprochable.


Félix Mayol

(Toulon 1872 - id. 1941). Il débute au casino de Toulon en 1892, où il reste trois ans, puis à Paris au Grand Concert parisien. Ce sera le commencement d’une carrière qui, des principaux concerts et music-halls, l’entraînera dans des tournées en Europe et au Moyen-Orient. Dans ses Mémoires, Mayol dit avoir créé 495 chansons. Leur liste constitue une véritable anthologie du répertoire du café-concert au début du xxe s., depuis la Paimpolaise (Botrel), qui fut son premier succès, jusqu’à Avec le sourire (Myra-Heintz) en passant par Une noce à la cascade, la Cabane bambou, Le printemps chante (Marinier), Embrasse-moi Ninette (Christiné), la Mattchiche (arrangée par Borel-Clerc), Cousine (Lucien Boyer), et la populaire chanson Viens Poupoule, adaptée par Christiné d’une scie allemande, Komm Karoline (A. Spann).

Tout en chantant ces refrains populaires, Mayol interprète des chansons satiriques d’auteurs montmartrois (Dominique Bonnaud, Vincent Hyspa, Numa Blès) ainsi que la Chanson d’un gâs qui a mal tourné, de Gaston Couté.