Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bouleau (suite)

B. nana est un arbuste qui a une aire de répartition continue dans le nord de l’Europe (Scandinavie, Écosse) ainsi que dans les régions boréales et arctiques de l’Asie et de l’Amérique du Nord. Il possède en Europe un petit nombre de stations isolées, stations « reliques » (certains auteurs disent « relictes ») ; en France, il ne vit que dans deux tourbières : l’une dans le Jura et l’autre dans le Massif central.


Utilisation

L’utilisation de l’écorce de Bouleau fut assez active autrefois, surtout dans le Nord canadien. L’écorce non seulement permettait la confection de canots très légers, faciles à transporter sur les traîneaux, de harnais et de vêtements, mais aussi servait de support à des textes : sur des rouleaux de grande taille (près de 2 m de long sur 1 m de large) sont transcrits les rituels de cérémonies religieuses initiatiques des Amérindiens.

Le bois du Bouleau, bois tendre dont la densité est inférieure à 0,7, sert en ébénisterie, en saboterie et pour la fabrication de cercles de tonneaux et des bobines à fil. Il est utilisé aussi pour le chauffage. B. papyracea (cette espèce forme dans ces régions la limite nord des feuillus) est un bois employé en Amérique du Nord comme source de pâte à papier pour les papiers très légers et aussi comme bois de charpente. Le goudron de Bouleau, quelquefois prescrit dans le traitement des affections cutanées, fournit une huile utilisée dans la préparation des cuirs de Russie. Sa présence pourrait expliquer la longue conservation de ce bois dans l’eau. Enfin, on obtient un vin pétillant à partir de la fermentation de la sève du Bouleau, qui s’écoule par des trous pratiqués dans le bois ; un arbre pourrait en donner plus de 200 litres par an.

J.-M. T. et F. T.

Boulevard (théâtre du)

Théâtre de divertissement, qui tire son nom des Grands Boulevards parisiens. De la place de la République à l’église de la Madeleine, ceux-ci dessinent une voie triomphale, concurrente roturière, bon enfant des Champs-Élysées, avec ses cafés, ses cinémas, ses music-halls et ses théâtres.



De la baraque de Nicolet au boulevard du Crime

Le Boulevard a pour origine le Nouveau Cours, que Louis XIV fit aménager entre 1670 et 1705 sur l’emplacement de l’enceinte de Charles V, devenue désuète. Avec ses quatre ou cinq rangées d’arbres, son allée centrale, ses deux contre-allées sablées, ses soixante mètres de largeur, il devint vite un des lieux de promenade favoris des Parisiens. Le « boulevart », ancien front bastionné élevé en 1636 pour doubler l’enceinte de Charles V dans sa partie la plus vulnérable, finit par donner son nom à l’ensemble. Bientôt le boulevard du Temple, le plus vivant, vit pâtissiers et cabaretiers installer leurs tréteaux pour le délassement des promeneurs.

En 1760, dans le but de l’animer davantage encore, on autorisa les bateleurs de la foire Saint-Laurent à y présenter leurs attractions. Dès lors, le Boulevard devint le haut lieu du spectacle parisien. Bouffons, acrobates, faiseurs de tours s’y exhibèrent dans des baraques.

Un danseur de corde de la foire Saint-Laurent, Jean-Baptiste Nicolet, fut le premier à y installer, en 1760, son théâtre de toile à l’angle sud du boulevard Voltaire pour y présenter des marionnettes et des animaux savants. En 1764, il reçut l’autorisation de construire un théâtre de bois, la « Salle des grands danseurs du roi », où il resta jusqu’à sa mort (1789). Peu satisfaits de son succès, l’Opéra, la Comédie-Française et les Italiens se liguèrent pour lui faire interdire l’usage de la parole. Nicolet se procura alors un singe savant, Turcot, qui fit courir tout Paris. Reconstruit après un incendie, le « Théâtre des grands danseurs du roi » obtint en 1772 la permission de jouer des pièces à grand spectacle écrites par Talconnet, qu’on appelait « le Molière du boulevard ».

Un rival de Nicolet, Nicolas Audinot, avait fondé en 1769 son théâtre des « Comédiens de bois », où les marionnettes furent remplacées d’abord par des enfants, puis par des adultes. En 1789, le théâtre d’Audinot devint l’Ambigu-Comique. La Foire était morte, mais il y avait six théâtres sur le Boulevard. Un genre y prenait corps, le vaudeville, comédie à couplets de caractère souvent grivois. Le genre « poissard » était à la mode.

La liberté des spectacles, proclamée par la Constituante en 1791, fit se multiplier les salles nouvelles, au point que, par le décret du 8 juin 1806, Napoléon en fit fermer vingt-deux, établissant une distinction entre les grands théâtres (Théâtre-Français, Opéra, Opéra-Comique) et les théâtres secondaires, presque tous situés sur les Boulevards : le Vaudeville (1792), la Porte-Saint-Martin (rouvert en 1814), les Variétés-Étrangères et les Variétés (1807). De nouveaux théâtres s’ouvrirent par la suite, comme le Gymnase en 1820. Ils se concentrèrent sur le boulevard du Temple, bientôt surnommé « boulevard du Crime » à cause des meurtres en série qui se perpétraient sur la scène. Bobèche et Galimafré, Mme Saqui et bien d’autres y faisaient triompher des spectacles qui portaient en germe la comédie de boulevard, le cirque et le music-hall. Ainsi, le Boulevard fut un extraordinaire creuset où se forgeait le spectacle moderne. En 1816 s’ouvrait le théâtre des Funambules, où le grand mime Gaspard Deburau fit revivre le personnage de Pierrot. À la mort de Nicolet, sa veuve avait repris son théâtre, devenu le théâtre de la Gaîté. Entre 1790 et 1830 on y joua les mélodrames de Ducange et Pixerécourt. Incendié en 1827, l’Ambigu-Comique était reconstruit sur le boulevard Saint-Martin.

Le boulevard du Crime a disparu en 1862 dans l’entreprise d’urbanisme qui a donné à Paris la place de la République. Des anciens théâtres du Boulevard, seuls subsistent dans leur fonction d’origine la Porte-Saint-Martin, le Gymnase et les Variétés, auxquels il faut ajouter le théâtre du Palais-Royal, construit en 1783.

Le « premier boulevard » avait un caractère populaire. Daumier et un film de Marcel Carné ont immortalisé les « enfants du paradis », qui, du haut du poulailler, conspuaient le traître et encourageaient le héros vertueux des mélodrames. Le mélodrame a eu son Racine (Caignez) et son Corneille (Pixerécourt). Celui-ci disait : « J’écris pour ceux qui ne savent pas lire. » Encore éblouis par leurs souvenirs d’enfance, les romantiques (Gautier, Hugo) ont attesté que le mélo des Boulevards avait joué un rôle au moins aussi grand que Schiller et Shakespeare dans la genèse du drame romantique. C’est à l’école du mélodrame que de grands acteurs, tels Frederick Lemaître, Marie Dorval, Mélingue, Bocage, ont réagi contre les routines du Conservatoire et de la Comédie-Française. Reprenant à son compte certaines innovations techniques des attractions du Boulevard, les panoramas de l’Américain Fulton, les dioramas de Daguerre, le mélodrame a fait progresser l’art des éclairages, de la machinerie et de la mise en scène. Pixerécourt a lancé l’idée que les divers éléments du spectacle devaient être contrôlés par un personnage unique, le metteur en scène.