Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berlin (suite)

Berlin et Potsdam, villes d’art


Berlin

À la mort de Frédéric le Grand, en 1786, le nombre des Berlinois atteint 147 000 : la ville prend désormais figure de capitale, avec des édifices considérables construits surtout à la fin du xviiie s. et au début du xixe, notamment le long de l’avenue Unter den Linden, qui va de la porte de Brandebourg à l’île de la Sprée, où s’élevait le château royal des xviie et xviiie s. Le rythme de croissance, déjà rapide, s’accélère au temps de la prépondérance prussienne dans la Confédération de l’Allemagne du Nord, puis lorsque Berlin devient capitale de l’Empire allemand.

Depuis 1945, et plus encore depuis 1961, année où Berlin-Est s’est isolée par la construction d’un mur continu, on se trouve en présence de deux villes dont chacune doit posséder au complet tous ses organes.

• Berlin-Ouest, privée de l’axe historique d’Unter den Linden, s’est déplacée vers l’ouest, et son « point chaud » est le Kurfürstendamm qui aboutit à la Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche (il n’en reste que la tour, accolée aujourd’hui à une église nouvelle). De là, un autre axe de circulation conduit, par l’intermédiaire de la place Ernst-Reuter, ruisselante de lumière, au château de Charlottenburg (fin du xviie-xviiie s.). Celui-ci a reçu le magnifique monument équestre du Grand Électeur, par Andreas Schlüter, autrefois au voisinage du château royal. C’est au château de Charlottenburg et au musée de Dahlem, faubourg épargné par les bombardements, qu’ont été rassemblés les plus insignes trésors d’art qui sont échus à Berlin-Ouest, principalement les peintures qui faisaient le fond du musée de l’empereur Frédéric le Grand (parmi lesquelles l’Enseigne de Gersaint de Watteau) ainsi qu’une partie du musée égyptien et du musée ethnographique. Quelques tableaux de l’ancienne Galerie nationale (peintures des xixe et xxe s.) reçoivent l’hospitalité d’un édifice neuf à claire-voie, dû à Mies van der Rohe* (1968).

À partir de 1955 s’est élevé, à proximité du Tiergarten, tout un quartier appelé « Hansaviertel », auquel ont collaboré les architectes les plus renommés dans le monde ; il comprend des blocs d’habitation élevés, deux églises et des équipements sociaux. Non loin se trouve le palais des Congrès, dû à l’Américain Hugh Stubbins. Un autre édifice moderne, au sud du Tiergarten, est la Philharmonie (1956-1963) de Hans Scharoun*, qui, extérieurement, évoque la forme d’une tente.

• Berlin-Est a bénéficié de l’axe historique d’Unter den Linden, dont plusieurs édifices ont été restaurés (porte de Brandebourg de Carl Gotthard Langhans, Opéra de G. W. von Knobelsdorff, Corps de garde de Karl Friedrich Schinkel*, Arsenal) et qui a reçu plusieurs constructions nouvelles (ambassades d’U. R. S. S. et de Yougoslavie). Après franchissement d’un bras de la Sprée, l’avenue se termine par la place Marx-Engels, ancien « Lustgarten » sur lequel donnait l’une des façades du château royal : la destruction de ce dernier, commencée par les bombardements, a été achevée par les Russes, qui y voyaient le symbole du triomphalisme prussien. Sur l’île de la Sprée subsistent la cathédrale en rotonde, restaurée, et divers musées, dont le Musée ancien, avec sa noble façade de Schinkel, et le Pergamonmuseum, qui a retrouvé ses collections, à commencer par le célèbre autel de Pergame et la porte de Milet.

Mais c’est vers l’est que la République démocratique allemande a aménagé, au-delà de l’Alexanderplatz transformée, l’avenue monumentale à la gloire du régime : la Karl-Marx-Allee, réalisée en deux étapes de 1953 à 1968. Elle offre à son début un forum avec un vaste hôtel, un restaurant, un cinéma à l’architecture massive. Elle s’étend ensuite jusqu’à la porte de Francfort. On ne saurait dénier à cette vaste entreprise une dignité qui n’exclut pas quelque ennui et contraste avec les recherches de la zone occidentale.


Potsdam

Le choix que fit le Grand Électeur, à titre de résidence satellite, de Potsdam, petite localité à 20 km au sud-ouest de Berlin, également sur la Havel mais dans une situation plus riante, fut une bonne fortune pour cette ville (aujourd’hui peuplée de 110 000 habitants), que les Hohenzollern et surtout Frédéric le Grand enrichirent de châteaux et de palais. Berceau de l’armée prussienne, Potsdam présentait avant la Seconde Guerre mondiale le curieux aspect d’une ville militaire fort digne, bâtie surtout au début du xixe s., pourvue d’une garnison disproportionnée et volontiers habitée par des officiers à la retraite.

La guerre l’a mutilée, détruisant la « Résidence », ou « Stadtschloss » (élevée dès 1675), son très beau portail de la Fortune, ouvrage de l’architecte Jean de Bodt, et les appartements du Grand Frédéric, dont la décoration et le mobilier d’argent étaient fort raffinés. Détruite également l’église de la Garnison (1730-1735), où Napoléon vint méditer près du sarcophage du Grand Frédéric. Mais les édifices dus à ce prince ont été épargnés et, dans l’ensemble, pieusement restaurés, singulièrement l’illustre Sans-Souci.

Sans-Souci est, à proprement parler, un parc qui se déploie de part et d’autre d’une très longue allée dont le milieu est occupé par un bassin circulaire bordé de statues dues à des sculpteurs français ou d’inspiration française. Cette allée est dominée par le petit château dépourvu d’étage, « ma vigne de Sans-Souci », comme disait le Grand Frédéric qui y reçut Voltaire. Il contient un certain nombre de salles, dont les décorations, dues à Johann August Nahl et aux frères Johann Michael et Johann Christian Hoppenhaupt, sont de purs chefs-d’œuvre. La façade dirigée vers l’allée est d’un baroque fort mouvementé, avec des Atlantes qui supportent la corniche, tandis que l’autre façade, sur la campagne, offre une colonnade incurvée où se reconnaît le goût épuré de Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff, qui fut, non sans interventions de son prince, l’architecte de Sans-Souci. Frédéric II ne se contenta point de l’atticisme de cette « vigne » : à l’extrémité de la grande allée, il fit élever, de 1763 à 1769, le Nouveau Palais, énorme bâtisse sans grand raffinement, accompagnée d’importants communs. Il faut encore compter les fabriques habituelles, tel un pavillon chinois.