Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bergson (Henri)

Philosophe français (Paris 1859 - id. 1941).


Il naît dans une famille juive ; son père, compositeur, venait de Varsovie, et sa mère de Londres. L’influence de Jules Lachelier l’orientera vers la philosophie. Il entre à l’École normale supérieure en 1878 (la même année que Jaurès), puis enseigne successivement à Angers, à Clermont-Ferrand et à Paris. Il édite et préface en 1884 des morceaux choisis de Lucrèce. En 1889, il soutient ses deux thèses : Essai sur les données immédiates de la conscience et, en latin, la Théorie aristotélicienne du lieu. Sa candidature à la Sorbonne avait déjà été repoussée plusieurs fois quand, en 1896 (année où paraît Matière et mémoire), il accède comme suppléant (titulaire en 1900) à la chaire de philosophie grecque et latine du Collège de France, qu’il inaugure avec un cours sur Plotin. Le Rire paraît en 1900, et l’Évolution créatrice en 1907, occasion de controverses qui aboutiront à la mise à l’index par l’Église de son œuvre, mais aussi à un curieux succès mondain qui attirera le Tout-Paris à ses cours. Bergson est élu à l’Académie française en 1914 et divers gouvernements lui confieront des missions diplomatiques pendant et après la guerre. Sous le titre de l’Énergie spirituelle, il publie en 1919 un recueil d’articles (la Pensée et le mouvant [1934] en sera un autre). Mais 1925 voit les premières attaques du douloureux rhumatisme dans les périodes de rémission duquel il rédige les Deux Sources de la morale et de la religion (1932). Prix Nobel de littérature pour 1927, il meurt à Paris en janvier 1941, proche du catholicisme, mais, devant l’antisémitisme montant, refusant de rompre avec le judaïsme. Son testament interdit toute publication posthume.

Nul doute que la philosophie bergsonienne ne porte la marque de l’époque et du milieu qui l’ont vu naître. Étrangère aux problèmes sociaux et économiques, elle appartient à la société bourgeoise cultivée qui l’accueillit et, par le goût des qualités exquises, de l’évanescent, de l’indicible, des forces vitales et par la nostalgie de l’instinct, elle évoque le symbolisme et l’impressionnisme.

Toute philosophie, dit Bergson, « se ramasse en un point unique », son intuition initiale et centrale. Ce cœur de la pensée bergsonienne est la durée, dont il introduit le thème dès son premier livre. Par durée, il faut entendre la succession des états de conscience, leur continuel changement (« Un moi qui ne change pas ne dure pas », dit-il). Elle est constituée par une succession de moments qualitatifs hétérogènes qui s’oppose à la juxtaposition de quantités variables mais homogènes, caractéristiques de l’espace. Du fait que le quantitatif seul se mesure, la science ne pourra pas atteindre les états de conscience : d’où la critique de la psychophysiologie sur laquelle s’ouvre l’Essai sur les données immédiates... La qualité, donc tout fait psychique, rebelle à la mesure, n’est ainsi accessible qu’à l’intuition, érigée par Bergson en véritable méthode philosophique.

La thèse centrale de Matière et mémoire est résumée par Bergson lui-même dans l’« image du cône ». C’est sur le plan de l’action, de la matière, du présent que le corps agit grâce aux souvenirs accumulés, qui constituent sa mémoire, son expérience. Mais, à mesure que la conscience, se désintéressant de l’action, quittera ce plan, elle s’élèvera d’une simple répétition mécanique du passé dans l’acte habituel à une véritable représentation de celui-ci dans les divers degrés du souvenir. Ainsi, le souvenir, né de l’inattention à la vie, manifeste-t-il l’infinie contractibilité de la durée, puisqu’un souvenir quasi instantané peut pourtant ressusciter de vastes portions du passé. Inversement, la matière, du fait de sa rigidité, ne peut que répéter le passé, et cette répétition occupera le même temps que l’original.

L’Évolution créatrice montre comment la durée règne dans l’univers lui-même. Rejetant mécanisme et finalisme en biologie, Bergson se rattache à une sorte de néo-lamarckisme. Puissance de métamorphose, la vie est entraînée par l’élan vital dans des séries divergentes de transformations, qui, après que la durée s’est scindée en matière et vie, l’orientent elle-même vers la vie végétale et la vie animale, l’animal vers l’instinct et vers l’intelligence, celle-ci enfin vers l’action technique et vers la compréhension intuitive. C’est ce mouvement de différenciation que les Deux Sources... poursuivent sur le terrain de la vie sociale.

D. H.

 A. Thibaudet, Trente Ans de vie française, t. III : le Bergsonisme (Gallimard, 1924). / V. Jankélévitch, Henri Bergson (Alcan, 1931 ; nouv. éd., P. U. F., 1959). / G. Politzer, le Bergsonisme, une mystification philosophique (Éditions sociales, 1947 ; nouv. éd., la Fin d’une parade philosophique : le bergsonisme, J. J. Pauvert, 1968). / F. Meyer, la Pensée de Bergson (Bordas, 1948). / Études bergsoniennes (P. U. F., 1948-1968 ; 8 vol. parus). / G. Deleuze, le Bergsonisme (P. U. F., 1966).

béribéri

Maladie encore répandue dans les pays d’Afrique et surtout d’Asie et qui est due à une carence en vitamine B.


La forme paralytique atrophique, dite « sèche », d’évolution lente, se traduit d’abord par une fonte musculaire au niveau des membres inférieurs, puis par une paralysie avec hypoesthésie (diminution de la sensibilité), voire même anesthésie. La forme hydropique, dite « humide », d’évolution beaucoup plus rapide, encore souvent mortelle, se traduit par un important œdème des membres inférieurs masquant l’atrophie des muscles et s’associant à des troubles de l’état général, qui réunissent dyspnée (essoufflement), tachycardie (palpitations), vomissements et diarrhée ; des convulsions précèdent de peu la mort. Cette distinction schématique laisse en fait une place à des formes intermédiaires et doit être tempérée en raison de l’existence de signes de début communs, à savoir asthénie, faiblesse des membres inférieurs, dyspnée d’effort, palpitations et troubles digestifs. Les signes cardiaques se confirment radiologiquement par l’existence d’un cœur parfois énorme, témoin du relâchement du muscle cardiaque (asystolie).

Par ailleurs, chez le nourrisson carencé par un lait maternel déficient en vitamines, le béribéri présente presque toujours une évolution aiguë.