Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Beneš (Edvard)

Homme politique tchécoslovaque (Kožlany 1884 - Sezimovo-Ústí 1948).


Après des études à l’université Charles à Prague, Edvard Beneš se rend en France. En 1908, il devient docteur en droit de l’université de Dijon, avec une thèse sur le Problème autrichien et la question tchèque. Il y écrit : « On a parlé souvent de la dislocation de l’Autriche. Je n’en crois rien. Les liens historiques et économiques qui rattachent les nations autrichiennes les unes aux autres sont trop puissants pour que cette dislocation puisse se produire. »

À la veille de la Première Guerre mondiale, Beneš est privatdocent de sociologie à l’université Charles et l’un des collaborateurs de Masaryk. Le conflit transforme complètement ses conceptions de l’avenir de l’Autriche. À la fin de 1915, il rejoint Masaryk en Suisse. Puis, tandis que Masaryk s’installe à Londres, Beneš devient, avec le Slovaque Štefánik (1880-1919), le représentant officiel à Paris du Comité tchèque à l’étranger. Lorsque se crée en janvier 1916 le Conseil national tchécoslovaque, il en est nommé secrétaire général. Dans un violent pamphlet, Détruisez l’Autriche-Hongrie ! (1916), il réclame le démembrement de la double monarchie.

Avec l’appui des historiens français Ernest Denis et Louis Eisenmann, il utilise habilement l’échec des tentatives de paix en 1917 pour présenter aux Alliés le dossier tchécoslovaque. Le 14 octobre 1918, il devient ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement provisoire qui se constitue à Paris, puis dirige la délégation tchécoslovaque à la conférence de la Paix.

De 1918 à 1935, il conserve la direction de la diplomatie tchécoslovaque. Bien que président du Conseil en 1921-1922 et membre influent du parti socialiste national, il ne réussit pas à s’imposer complètement dans la vie politique intérieure de la Tchécoslovaquie, et ses adversaires politiques (K. Kramář [1860-1937], J. Stříbrný [1880-1955]) réclament à plusieurs reprises sa démission.

Par contre Beneš s’impose à l’extérieur. Pour les amis et les ennemis de son pays, il représente seul la Tchécoslovaquie. Avec le Roumain Titulescu, il fait entendre à la Société des Nations la voix des petits États européens nés du traité de Versailles. En 1924, il est à l’origine du protocole de Genève qui impose, en cas de conflit, l’arbitrage obligatoire. Pour faire échec au révisionnisme, il compte avant tout sur l’aide de la France. Il écrit : « Sera-ce le traditionnel rationalisme, le traditionnel intellectualisme français qui prendra le dessus, ou bien le monde passera-t-il définitivement dans le domaine de l’instinct, de la sensualité, de la passion et de la révolte sentimentale ?... À mon sens, le traditionnel rationalisme occidental gagnera la partie contre l’instinctivisme oriental. »

Dès 1920, Beneš a constitué la Petite-Entente avec la Roumanie et la Yougoslavie pour faire échouer les tentatives révisionnistes de ses voisins, l’Autriche, la Hongrie. Après 1933, lorsque monte la menace allemande, il sait négocier avec l’Union soviétique une alliance militaire.

Lorsque Masaryk se retire, le prestige international de Beneš lui vaut d’être élu président de la République le 18 décembre 1935. Mais le système qu’il a contribué à fonder se révèle inefficace au moment de la crise de Munich, lorsque les démocraties occidentales se montrent incapables de résister à l’Allemagne nazie en septembre 1938. Ce n’est pas seulement son pays qui s’effondre, mais aussi toute la conception du monde de Beneš. Il donne sa démission dès le 5 octobre 1938 ; il redevient un simple citoyen, et, émigrant aux États-Unis, enseigne quelques mois à l’université de Chicago (1939). Sa carrière politique semble terminée.

La Seconde Guerre mondiale le remet au premier plan. Il sait s’imposer devant des concurrents comme le Slovaque Milan Hodža et l’ancien ambassadeur à Paris Osuský. Dès 1939, Edvard Beneš est chef du Comité national tchécoslovaque, et, en juillet 1940, chef du gouvernement provisoire installé à Londres. Il fait reconnaître à ses alliés occidentaux la nécessité de rétablir la Tchécoslovaquie dans ses frontières de 1919. Il se rend à Moscou pour y signer, le 12 décembre 1943, un traité d’amitié et d’assistance mutuelle qui lui promet le respect des frontières de la Tchécoslovaquie, la non-ingérence de l’U. R. S. S. dans les affaires intérieures tchécoslovaques, et confirme l’appui des communistes tchécoslovaques à son gouvernement. Chef incontesté de la Résistance, il regagne en avril 1945 son pays et installe en Slovaquie orientale, à Košice, son premier gouvernement sur le territoire libéré.

De 1945 à 1947, sa politique de collaboration étroite avec les communistes, l’équilibre apparent entre l’Union soviétique et l’Occident paraissent assurer à son pays le calme intérieur. La Tchécoslovaquie semble un îlot préservé de la démocratie au milieu de l’Europe de l’Est. Mais Beneš, affaibli par deux attaques cardiaques, se montre incapable de réagir lors du coup d’État communiste de février 1948. Jouant jusqu’au bout les règles d’un jeu parlementaire brusquement dépassé, il reste en position d’arbitre. Il démissionne dès le 7 juin, et meurt le 3 septembre 1948.

B. M.

➙ Tchécoslovaquie.

 J. Křen, En émigration (en tchèque, Prague, 1963). / « The Problem of Political Leadership » (1939-40) dans History of Socialism (Prague, 1968).

Bengale

Région de l’Asie indienne, sur le golfe du Bengale.


Le Bengale est partagé entre le Bangladesh, qui est l’ancien Pākistān oriental, et l’Union indienne.


Unité et division du Bengale

Le delta commun du Gange et du Brahmapoutre constitue une région anciennement peuplée, une de ces plaines se prêtant bien à l’action des riziculteurs, qui ont joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’Asie du Sud. Elle possède une vieille unité, qui vient en particulier de l’homogénéité du peuplement bengali, et de l’ancienne et brillante culture qu’a produite cette population. Dans une certaine mesure, cette unité a été renforcée pendant la période coloniale, qui a commencé ici très tôt. En effet, la région a été organisée autour de l’agglomération portuaire de Calcutta, et comme en fonction d’elle. Les Anglais ont pratiqué au Bengale une politique agraire qui a abouti à constituer une classe de propriétaires absentéistes, les « zamīndār », qui n’a pas connu une telle importance dans d’autres régions de l’Inde. Enfin, la réaction contre la domination étrangère a été au Bengale particulièrement précoce et énergique.

Il est donc surprenant, a priori, que la province soit actuellement divisée entre deux États.