Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bavière (suite)

• La Bavière dans la Confédération* germanique. La défaite impériale détermine certaines liquidations : l’alliance française est répudiée (8 oct. 1813), l’absolutisme restauré, une partie des conquêtes (alpestres) abandonnée, moyennant une compensation de valeur douteuse (le Palatinat limité à la rive gauche du Rhin). Mais le roi revient facilement au libéralisme : la Constitution de 1818 accorde même ce que celle de 1808 avait seulement promis — une représentation au moyen de deux assemblées (un Sénat nommé, une Chambre élue par cinq « curies »). Libéralisme limité certes — le mode d’élection garantit la prépondérance des propriétaires ruraux au Landtag et le concordat de 1817, l’influence de l’Église catholique dans la société —, mais libéralisme réel : « Il n’y a aucun pays en Europe, affirme Feuerbach, où la parole et l’écrit soient plus libres... »

Né à Strasbourg, mais conservant un mauvais souvenir de la Révolution, impressionné par Sailer, subjugué par Rome (où il achète une villa), le roi Louis Ier (1825-1848) ne poursuit pas l’œuvre de Maximilien-Joseph. Après l’agitation de 1830, il impose un régime autoritaire de la presse, restaure systématiquement ordres religieux (Bénédictins et Capucins) et abbayes (Metten), installe le ministère Karl von Abel (1837), fait surveiller l’université de Landshut, transférée à Munich depuis 1826. Mais Louis Ier est aussi le plus grand bâtisseur et le plus grand mécène de l’Allemagne : « Je veux faire de Munich une ville qui fasse tellement honneur à l’Allemagne que personne ne puisse penser connaître l’Allemagne s’il n’a pas vu Munich. » Léo von Klenze construit la Pinacothèque, la Glyptothèque, la place du Roi, les Propylées ; Friedrich von Gärtner trace la Ludwigstrasse ; Ludwig von Schwanthaler décore cette ville-chantier où surgit encore, en 1846, la nouvelle Pinacothèque. Munich, ville d’art de style néo-classique, contribue à faire de la Bavière, écrit Philippe Le Bas, « pour l’Allemagne catholique ce qu’est la Prusse pour l’Allemagne protestante » : un pôle d’attraction. L’académie patronne le monumental dictionnaire de Johann Andreas Schmeller (1827-1837).

Louis Ier ne peut ignorer les réalités économiques : il fait entrer la Bavière dans le Zollverein (1833), la dote des premiers chemins de fer (dès 1835-1843). Mais il blesse le sentiment bavarois par sa liaison avec Lola Montez, « danseuse espagnole », qui, à peine arrivée à Munich, devient comtesse Landsfeld, défait le ministère (févr. 1847) et provoque une agitation persistante. Les nouvelles de Paris, un an plus tard, favorisent l’émeute. Louis Ier abdique le 20 mars 1848 et prend la route de Rome.

L’esprit libéral et démocratique souffle alors sur le Landtag, qui modernise la Chambre et supprime les derniers vestiges de la féodalité. Mais il se dissipe rapidement : l’historien Heinrieh von Sybel trouvera l’atmosphère irrespirable en 1861. Sur le plan national, Maximilien II (1848-1864), fils de Louis Ier, lutte pour le fédéralisme, protecteur du passé bavarois, contre l’idée unitaire, destructrice et innovatrice : d’ailleurs, au parlement de Francfort, 17 seulement des 71 députés bavarois se sont prononcés pour cette seconde formule en 1849. Désormais, et surtout à partir de 1850 (Olmütz) [v. Confédération germanique], Ludwig von der Pfordten dirige, tantôt depuis Munich, tantôt depuis Francfort, une politique de bascule entre la Prusse et l’Autriche, en recherchant l’entente avec le Wurtemberg et la Saxe.

Le règne de Louis II (1864-1886) devait être traversé d’orages et de tragédies. Sur lui pèsent, dès la première heure, deux influences écrasantes : celle de Wagner et celle de Bismarck. Ami personnel du roi, Wagner exerce sur ce dernier une emprise singulière, dès Tristan et Isolde (1865), inspirant la construction de châteaux fantastiques (Neuschwanstein, Linderhof, Herrenchiemsee) et entretenant le rêve anachronique du souverain. Bismarck, lui, déclenche, dès 1864, la grande confrontation en Allemagne : la Bavière ne peut s’abstenir. En dépit de l’attitude de Wagner, Louis II se range en 1866 aux côtés de l’Autriche, c’est-à-dire du vaincu.

• La Bavière dans l’interlude : 1866-1870. Après la dissolution de la Confédération, la Bavière est théoriquement indépendante. Mais elle doit accepter une certaine subordination à l’égard de la Prusse : traité d’alliance défensive et renvoi de Pfordten dès 1866, rentrée dans le Zollverein en 1867. Elle s’accommode mal de cette situation, comme le prouvent les élections de novembre 1869 en faveur d’un « parti patriote bavarois » particulariste et fédéraliste, qui se perpétuera tout en changeant d’appellation. En mars 1870, le ministère du comte Otto von Bray-Steinburg semble disposé à reconquérir la réalité de l’indépendance. En juillet suivant, le Landtag, conformément à ses obligations, vote la guerre à la France, mais seulement par 101 voix contre 47.

• La Bavière dans le IIe Reich. Pendant la guerre, les frictions n’ont pas manqué entre Bavarois et Prussiens, et les premiers ont exigé, dès l’ouverture de négociations sur le statut futur de l’Allemagne (nov. 1870), la reconnaissance de « droits spéciaux » (Sonderrechte). Effectivement, la Constitution fédérale de 1871 donne une certaine indépendance (armée, postes, représentation à l’extérieur), que l’État de Bavière peut préserver grâce à sa position dans le Conseil fédéral.

Puis d’autres difficultés surgissent : embarras financiers, folie du roi (1884) et sa mort tragique (1886).

La régence de Luitpold (1886-1912) fait contraste : elle est réparatrice. Héritier du parti patriote, le Zentrum contracte des liens étroits et durables avec les organisations paysannes. L’autorité du ministère s’affirme, et la prééminence du souverain s’affaiblit. La vie politique s’anime. L’industrialisation et l’urbanisation progressent. Georg von Vollmar (1850-1922) expose un socialisme qui nie les antagonismes de classe (discours de Munich, 1891). Les festivals de Bayreuth, devenus une institution depuis la mort de Wagner (1883), les créations de Richard Strauss à Munich, les tableaux de F. von Lenbach, les trouvailles de la « nouvelle école » littéraire donnent à la Bavière une dimension allemande et même européenne.