Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bande dessinée (suite)

Neuvième art

C’est le souci d’affirmer la bande dessinée comme un art graphique qui inspire en 1962 la fondation du Centre d’études des littératures d’expression graphique par un groupe d’écrivains, d’artistes et de cinéastes. L’appui qu’il a reçu d’historiens de l’art (Marcel Brion, Jean Adhémar), de cinéastes (Federico Fellini, Alain Resnais), de sociologues (Edgar Morin, Evelyne Sullerot) ou de poètes (Raymond Queneau) a provoqué d’utiles études concernant les rapports de la bande dessinée avec le cinéma, celle-là ayant, selon Resnais, précédé celui-ci dans l’invention du gros plan, de l’image cinémascopique et du mouvement. La structure du gag dans les bandes dessinées et le dessin animé, l’expression graphique des sons, le rôle de la langue parlée, la dissolution du temps, les liens avec le pop’art, la caricature, les écoles picturales, les références du Tarzan de Burne Hogarth à Michel-Ange ont donné lieu à de nombreux travaux et publications. Ces recherches ont contribué à laver la bande dessinée du discrédit qu’ont fait peser sur elle les campagnes nées de la loi du 16 juillet 1949. Elles lui ont permis de trouver enfin le public adulte qui, dès l’origine, aurait dû être le sien et lui ont ouvert en 1971 les portes de l’Université.

F. L.

 R. Benayoun, le Ballon dans la bande dessinée, Vroom, Tchac, Zowie (Balland, 1968). / J. Marny, le Monde étonnant des bandes dessinées (Le Centurion, 1968). / J. Sadoul, l’Enfer des bulles (Pauvert, 1968). / G. Blanchard, la Bande dessinée (Gérard, Verviers, 1969). / P. Fresnault-Deruelle, Dessins et bulles. La bande dessinée comme moyen d’expression (Bordas, 1972). / F. Lacassin, Pour un 9e art, la bande dessinée (U. G. E., coll. « 10-18 », 1972). / C. D. Carbonell (sous la dir. de), le Message politique et social de la bande dessinée (Privat, Toulouse, 1975). / M. Pierre, la Bande dessinée (Larousse, 1976).

Jalons historiques

1500 av. J.-C.

Livre des morts égyptien, premiers récits en images.

v. 1370

Le « bois Protat », premier phylactère.

1827

Genève : les Amours de Monsieur Vieux Bois, par Toepffer, première bande dessinée proprement dite, publiée seulement en 1837.

1830-1870

Développement de l’imagerie d’Épinal.

1865

Max und Moritz, par Wilhelm Busch, première bande dessinée allemande.

1889

La Famille Fenouillard, par Christophe, première bande française.

1896

New York : The Yellow Kid, par R. F. Outcault, première bande américaine à utiliser le ballon, puis la couleur.

1907

Mr. Augustus Mutt, par Bud Fisher, première bande dessinée quotidienne du monde.

1909

Little Nemo in Slumberland, première adaptation d’une bande dessinée au dessin animé.

1916

William Randolph Hearst fonde le King Features Syndicate, qui distribuera les bandes de ses journaux dans le monde entier.

1921

Felix the Cat, par Pat Sullivan et Otto Messmer, première adaptation d’un personnage de dessin animé à la bande dessinée.

1925

Zig et Puce, par Alain Saint-Ogan, première bande dessinée française à utiliser la technique du ballon.

1928

Plane Crazy, dessin animé de U. B. Iwerks, produit par Disney ; premier Mickey Mouse.

1929

Tarzan, premier roman adapté à la bande dessinée.

1934

Le Professeur Nimbus, par André Daix, première bande dessinée quotidienne française.

1936

Burne Hogarth, « le Michel-Ange des comics », va dessiner Tarzan jusqu’en 1950.

1949

La loi du 26 juillet organise la censure des bandes dessinées en France.

1953-1960

En France, campagnes contre la bande dessinée ; interdiction de Tarzan. Sabordage de plusieurs journaux : Tarzan (200 000 ex.), Donald (300 000 ex.).

1956

Dans son film Toute la mémoire du monde, Alain Resnais montre, parmi les « trésors » de la Bibliothèque nationale, des bandes dessinées.

1962

Paris : création du Centre d’études des littératures d’expression graphique, destiné à promouvoir et à défendre la bande dessinée.

1965

Bordighera (Italie) : premier congrès international et première exposition internationale des bandes dessinées.

1967

Paris : exposition rétrospective de bandes dessinées au musée des Arts décoratifs.

1971

Paris (Institut d’art et d’archéologie) : début d’un cours hebdomadaire sur « l’Histoire et l’esthétique de la bande dessinée ».

Bandeira (Manuel)

Poète brésilien (Recife 1886 - Rio de Janeiro 1968).


Manuel Carneiro de Souza Bandeira est issu d’une famille aisée du nord-est du Brésil. Entre 1896 et 1902, il est élève au Colégio Pedro II à Rio de Janeiro. Il entre ensuite à la faculté d’architecture de São Paulo, mais son état de santé l’oblige à de nombreux séjours en sanatorium, notamment en Suisse, où il fait la connaissance de Paul Eluard. En 1913, il écrit ses premiers vers. Lorsqu’il rentre au Brésil, il rejoint les jeunes écrivains brésiliens, qui déclenchent, par la Semaine d’art moderne, le mouvement de renouveau artistique national.

En 1940, il est élu membre de l’Académie brésilienne des lettres, dont il devient l’un des plus actifs animateurs.

Toute sa vie, il exercera des fonctions liées à l’enseignement (professeur de littérature, puis inspecteur de l’instruction publique), mais il ne cessera de collaborer à la rédaction de plusieurs journaux en tant que chroniqueur et critique littéraire, musical et cinématographique.

Ses deux premiers livres, A Cinza das Horas (1917) et Carnaval (1919), préfigurent le modernisme brésilien par leur langage simple et l’emploi du vers libre. Les poèmes sont imprégnés d’un sentiment d’angoisse et de frustration qui se révèle dans la vision de la nature et dans l’expression du lyrisme amoureux.

Ritmo Dissoluto (1924) et Libertinagem (1930), qui marquent l’adhésion de Bandeira au modernisme, sont l’œuvre d’un poète qui épouse les désirs, les espoirs et les indignations de son temps. Son humour toujours manifeste n’est cependant pas toujours corrosif ; Bandeira est à mi-chemin entre le vieux sentimentalisme poétique et le réalisme presque féroce de certains modernistes. Sa sympathie pour les misérables (enfants pauvres, suicidés anonymes, petits fonctionnaires, prostituées) s’exprime par la transfiguration poétique des scènes de leur vie quotidienne. Sa manière d’user des thèmes habituels du modernisme (redécouverte du paysage brésilien, revalorisation de l’art colonial, du folklore noir et indien) se caractérise par la subtilité, la légèreté de la touche, de l’allusion. Dans Estrêla da Manhã (1936), Bandeira excelle à donner une expressivité nouvelle aux lieux communs, aux clichés de la sensibilité, en modifiant leur angle d’approche ou leur contexte. À partir de Lira dos Cinquent’Anos (1940), dans Belo-Belo (1948) et dans Opus 10 (1952), il utilise de nouveau les formes fixes du poème (surtout le sonnet), mais en les imprégnant de l’esprit moderniste. Le thème de la mort, si chargé d’angoisse dans ses poèmes de jeunesse, apparaît ici sous forme de méditation sur le départ de ses amis et de testament lucide.