Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bach (suite)

L’enfant avait déjà une personnalité très affirmée, comme on peut le voir par les pièces mécaniques de Köthen ; les investigations récentes tendent à démontrer que la fantaisie chromatique et fugue BWV 903 serait en réalité une composition de Friedemann arrangée par son père. Nous lui devons en tous les cas la mise au point de la forme sonate et du concerto pour piano moderne. Mais il a surtout élaboré un style polyphonique expressif allant, par-delà Mozart (qui l’a connu et imité) et Schumann, vers les tendances postromantiques de la musique ; telle de ses pages contient une anticipation saisissante de Beethoven et de Debussy.

Parmi ses compositions, il faut citer une vingtaine de cantates, 1 messe, 1 motet, 9 symphonies, 1 suite pour orchestre, 12 compositions de musique de chambre et un très grand nombre de compositions pour clavier (orgue, clavecin et piano) : 12 sonates, 11 fantaisies, 11 fugues, 7 chorals, 5 menuets, 42 polonaises et une quinzaine de pièces diverses dont une suite en sol mineur ; 7 de ses concertos pour clavier sont parvenus jusqu’à nous.


Carl Philipp Emanuel Bach

(Weimar 1714 - Hambourg 1788). Formé par son père, il évolue rapidement vers un style plus homophone et sensible qui se manifeste dès ses œuvres de 1734. En 1738, il entre dans l’orchestre du prince héritier de Prusse, qu’il suit de Ruppin à Potsdam lorsqu’il devient Frédéric II ; il y porte le titre de « claveciniste de la Cour ». Après de vaines candidatures à Brunswick et Zittau, Philipp Emanuel obtient le poste de director musices de Hambourg, où il succède ainsi à son parrain G. Ph. Telemann. Il y déploie une activité intense non seulement comme compositeur, mais aussi comme animateur, faisant connaître les chefs-d’œuvre de Händel, de Haydn, de Jommelli et de son père, pourtant passé de mode.

Dans son abondante production, largement répandue de son vivant, les oratorios pèsent moins lourd que certaines mélodies annonçant le lied romantique. Ses dernières symphonies révèlent un tempérament haydénien. Dans la musique de chambre, il évolue vers les formes et le langage du classicisme viennois. Son imposante production pour clavier a exercé une influence en profondeur sur Haydn et Beethoven ; il faut en connaître les sonates prussiennes et wurtembourgeoises, et plus encore les six recueils de sonates, rondos et fantaisies destinées « aux amateurs » (1779-1787). Son Essai sur la véritable manière de toucher le clavier (1753-1762) pèse plus dans la balance de la postérité que la cinquantaine de concertos, essentiellement galants ; avec les traités parallèles de Johann Joachim Quantz et Leopold Mozart, il résume l’esthétique musicale du xviiie s. La partie la plus originale de son œuvre est celle où il se laisse aller à des improvisations sensibles, comparables aux Rêveries d’un promeneur solitaire de J.-J. Rousseau.


Johann Christoph Friedrich Bach

(Leipzig 1732 - Bückeburg 1795). Formé par son père et étudiant comme ses frères aînés le droit à Leipzig, il est le seul des enfants du Cantor à avoir trouvé immédiatement sa voie : à 18 ans, il entre au service de la cour de Schaumburg-Lippe et y demeure jusqu’à sa mort. Il y possède l’un des meilleurs orchestres d’Allemagne et jouit de l’amitié du poète Herder. Il fait un seul voyage en 1778 pour aller voir son jeune frère à Londres. Musicien classique, J. Chr. Fr. Bach annonce l’époque Biedermeier et le règne de cette bourgeoisie cultivée qui sera l’âme de l’Allemagne romantique. C’est le Schubert de la famille Bach, un compositeur dont la musique est familière et populaire au meilleur sens du terme.

Il faut citer l’oratorio intitulé l’Enfance du Christ (1773), les cantates Cassandra, Ino et Die Amerikanerin, et ses cantiques spirituels. Ses 14 symphonies dominent la moyenne du temps, et la dernière, en si bémol (1794), est un chef-d’œuvre se situant entre Haydn et Schubert. Ses nombreux concertos appartiennent au classicisme ; le concerto grosso pour piano et orchestre (1792) se situe au niveau des chefs-d’œuvre mozartiens. Toute sa musique a un charme pénétrant et une perfection formelle très surprenants en cette ère de transition.


Johann Christian Bach

(Leipzig 1735 - Londres 1782). Formé par un professeur choisi parmi les élèves de J.-S. Bach et par ses deux demi-frères aînés, il passe quelques années à Berlin avant de partir pour l’Italie (1756), où il travaille avec le P. Martini, se convertit au catholicisme et devient organiste en second de la cathédrale de Milan. Après le succès de ses premiers opéras en Italie, il va en Angleterre (1762), où il organise une des premières sociétés de concerts par abonnement avec Karl Friedrich Abel, autre élève de son père. Plusieurs de ses opéras ont été écrits pour Mannheim, ce qui lui permit de connaître la capitale musicale du Palatinat et la « forteresse progressiste » des compositions nouvelles de l’époque.

Malgré l’admiration de Mozart, qui le considérait comme le « grand Bach », le dernier fils du Cantor demeure méconnu parce qu’on ignore ses grandes compositions pour l’église, tel le Requiem pour soli, double chœur et orchestre (1757), et des symphonies comme celle en sol mineur, op. 6, no 6 (qui présage le monde de résignation douloureuse de Pamina dans la Flûte enchantée, mais aussi le monde de Beethoven), ou celle en , op. 18, no 4, par exemple, chef-d’œuvre de perfection classique. Sa sonate en ut mineur pour piano montre l’évolution préromantique de Mozart à Beethoven ; son imposante quantité de musique de chambre compte parmi les pages les plus caractéristiques de la « musique heureuse » du xviiie s. à son apogée. Un des aspects les plus importants et les plus originaux, sa musique lyrique très abondante, est curieusement délaissé. On y rencontre pourtant des arias, notamment avec instruments concertants, susceptibles d’être comparées aux plus belles pages lyriques de Mozart. Des contemporains nous certifient que ses improvisations ne pouvaient se comparer, par leur force et leur originalité, qu’à celles de Mozart lui-même. D’ailleurs, plusieurs de ses concertos pour clavier (ceux en ut mineur, fa mineur et sol mineur par exemple) peuvent également se situer à côté de ceux du maître de Salzbourg.

C. de N.