Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vitrail (suite)

L’art des peintres verriers flamands se répand dans toute l’Europe occidentale : on trouve ceux-ci à l’œuvre jusqu’en Espagne (Séville) et au Portugal (Batalha) ; en Angleterre, où ils sont en grand nombre dès la fin du xve s., ces artistes contribuent en particulier à la vitrerie de King’s College à Cambridge (1515-1547, cartons de Dirck Vellert). Peu après, la Réforme interrompt la production du vitrail figuré anglais.

En Allemagne, où la production du xvie s. est relativement peu abondante, l’influence flamande se fait sentir à Cologne, où travaille Barthel Bruyn, et dans la région rhénane. Dürer* donne, notamment pour Sankt Sebaldus de Nuremberg, des cartons de vitraux encore tout imprégnés d’esprit gothique. Cette atmosphère se retrouve dans les vitraux que dessinent Holbein* l’Ancien à Augsbourg et Baldung Grien* à Fribourg-en-Brisgau. C’est seulement avec le peintre verrier Valentin Bousch, à Metz (v. 1525), que la Renaissance italienne s’introduit dans le vitrail germanique, touchant essentiellement le décor.

En France, au sein de la production abondante et variée de la première moitié du xvie s., apparaissent deux personnalités marquantes. Arnoult de Nimègue est un peintre verrier flamand venu vers 1500 de Tournai à Rouen, où il travaille jusqu’en 1513, date de son installation à Anvers ; il emprunte à la première Renaissance le décor somptueux de ses verrières aux couleurs rutilantes, dont les personnages sont modelés à la sanguine (Saint-Godard de Rouen, Conches, Saint-Lô). Engrand Leprince*, artiste de génie, est le plus célèbre représentant d’une dynastie de peintres verriers de Beauvais ; virtuose du jaune d’argent, il intègre les fantaisies décoratives italiennes dans des compositions d’une liberté inouïe, comme à Saint-Étienne et à la cathédrale de Beauvais, à Montmorency et à Saint-Vincent de Rouen.

Par ailleurs, la tradition gothique s’est maintenue dans les nombreuses verrières champenoises et bretonnes influencées par les gravures venues de Flandre et d’Allemagne, et aussi dans l’imposant ensemble de Brou (v. 1530), où des peintres verriers locaux traduisirent des cartons peints à Bruxelles.

Au contraire, l’italianisme diffusé par l’école de Fontainebleau* marque tout un courant de l’art du vitrail avec les œuvres d’artistes en contact avec le chantier de Fontainebleau (verrières de J. Chastellain à Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris et de N. Beaurain à la Sainte-Chapelle de Vincennes) et d’autres qui s’y rattachent moins directement (Écouen, Conches, Gisors et même Bayonne).

La seconde moitié du siècle prolonge ces différentes tendances sans donner de véritables chefs-d’œuvre : le vitrail coloré s’efface progressivement au profit de vitreries blanches.


L’époque classique

La recherche d’une lumière franche qui accompagna le développement de l’architecture classique condamnait le vitrail coloré. Celui-ci fut remplacé en France par un vitrail incolore simplement agrémenté d’une bordure peinte à l’émail, avec parfois un motif central clair, comme à la chapelle du château de Versailles. Toutefois, pour compléter des ensembles, on fit encore quelques vitraux colorés dans la première moitié du xviie s.

Malheureusement, l’exigence de clarté fut étendue aux édifices gothiques et entraîna la destruction de nombreux vitraux médiévaux, dont la vitrerie de Notre-Dame de Paris (à l’exception des trois roses).


Les xixe et xxe siècles

Un regain d’intérêt pour le vitrail se manifesta d’abord en Angleterre, vers le milieu du xviiie s. (W. Peckitt à York), puis en France, sous l’influence du romantisme. Les grandes restaurations du début du xixe s. (Sainte-Chapelle de Paris) provoquèrent les expériences menées à la manufacture de Sèvres vers 1820 par le verrier Bontemps et les peintres verriers Didron, Lusson, etc., qui permirent de rétablir la technique ancienne dans tous ses détails.

En matière de création, la France, malgré les essais d’Ingres et de Delacroix pour la chapelle royale de Dreux, s’en tint le plus souvent au pastiche, alors qu’en Angleterre les préraphaélites*, comme Rossetti, Burne-Jones et W. Morris, firent de la peinture sur verre un domaine privilégié de leurs recherches formelles. Leur exemple a été suivi par de nombreux peintres modernes qui ont tenté de transposer leur art dans le vitrail, tels Rouault*, Bazaine* (Paris, Saint-Séverin), Bissière* (cathédrale de Metz), Jacques Villon (Metz) et surtout Chagall* (Metz, Zurich, Jérusalem, Reims).

En marge du vitrail traditionnel s’est créée une technique voisine, où des dalles de verre sont enchâssées dans du ciment. Des peintres, tel F. Léger* (église d’Audincourt), ont donné un certain éclat à cette technique et, en l’utilisant dans de grands ensembles d’architecture civile, ont rendu au vitrail son rôle de mur de lumière.

F. P.

 M. Aubert, le Vitrail en France (Larousse, 1947). / H. Wentzel, Meisterwerke der deutschen Glasmalerei (Berlin, 1951 ; 2e éd., 1954). / G. Marchini, le Vetrate italiane (Milan, 1955 ; trad. fr. le Vitrail italien, Arts et métiers graphiques, 1958). / L. Grodecki, Vitraux de France du xie au xvie siècle (Caisse nat. des monuments hist. 1957). / M. Aubert, A. Chastel, L. Grodecki, J.-J. Gruber, J. Lafond et coll., le Vitrail français, des origines à nos jours (Éd. des Deux-Mondes, 1958). / J. Baker, English Stained Glass (Londres, 1960 ; trad. fr. l’Art du vitrail en Angleterre, Arthaud, 1962). / J. Lafond, le Vitrail (Fayard, 1966). / E. Frodl-Kraft, Die Glasmalerei. Entwicklung, Technik, Eigenart (Vienne et Munich, 1970).
Dans le cadre du Corpus vitrearum Medii Aevi, réalisation internationale, sont parus : (Allemagne) H. Wentzel, Die Glasmalereien in Schwaben von 1200-1350 (Berlin, 1958). / (Autriche) E. Frodl-Kraft, Die mittelalterlichen Glasgemälde in Wien (Vienne, Graz et Cologne, 1962) ; Die mittelalterlichen Glasgemälde in Niederösterreich, t. I : Albrechtsberg bis Klosterneuburg (Vienne, Graz et Cologne, 1972). / (Belgique) J. Helbig, les Vitraux médiévaux conservés en Belgique, 1200-1500 (Bruxelles, 1961) ; les vitraux de la première moitié du xvie siècle conservés en Belgique. Province d’Anvers et Flandres (Bruxelles, 1968). / (Espagne) V. Nieto Alcaide, Las Vidrieras de la catedral de Sevilla (Madrid, 1969) ; Las Vidrieras de la catedral de Toledo (Madrid, 1974). / (France) M. Aubert, L. Grodecki, J. Lafond et J. Verrier, les Vitraux de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle de Paris (Caisse nat. des monuments historiques, 1959) ; J. Lafond, F. Perrot et P. Popesco, les Vitraux de l’église Saint-Ouen de Rouen (Caisse nat. des monuments historiques et C. N. R. S., 1970). / (Grande-Bretagne) H. Wayment, The Windows of King’s College Chapel, Cambridge (Londres, 1972). / (Italie) G. Marchini, Le Vetrate dell’Umbria (Rome, 1974). / (Pays Scandinaves) A. Anderson, S. Christie, C. A. Nordman et A. Rousse, Die Glasmalereien des Mittelalters in Skandinavien (Stockholm, 1964). / (Suisse) E. J. Beer, Die Glasmalereien der Schweiz vom 12. bis zum Beginn des 14. Jahrhunderts (Bâle, 1956) ; Die Glasmalereien der Schweiz aus dem 14 und 15. Jahrhundert (Bâle, 1965).