Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Versailles (suite)

À Trianon, Gabriel avait édifié en 1750 l’élégant « pavillon français », en croix de Saint-André. Louis XV lui demanda en 1762 d’élever pour Mme de Pompadour un petit château, dont la réalisation s’acheva cinq ans plus tard : c’est le Petit Trianon, de plan carré et sans toit apparent, incomparable par la pureté du dessin de ses quatre façades différentes, la perfection de ses ornements sculptés et de ses moulures. On y reconnaît le premier triomphe du « retour à l’antique ».


Le règne de Louis XVI*

À défaut de transformations capitales dans le château, les appartements furent en partie modernisés. L’élégante bibliothèque du Roi, aux boiseries exécutées sur les dessins de Gabriel, prit la place de la chambre de Mme Adélaïde. Déjà remaniée pour Marie Leszczyńska, la chambre de la Reine reçut une magnifique tenture de soierie, tissée à Lyon sur les cartons de Philippe de La Salle. L’architecte Richard Mique (1728-1794) aménagea pour Marie-Antoinette un petit appartement d’un goût exquis.

Les jardins furent replantés, les murailles de verdure faisant place à une végétation plus libre. Le bosquet des Bains d’Apollon fut transformé selon un goût préromantique d’après les dessins d’Hubert Robert* ; on en disposa les statues dans le creux d’un rocher artificiel.

En 1774, Louis XVI offrit le Petit Trianon à Marie-Antoinette, qui s’y attacha, en fit moderniser la décoration intérieure et l’ameublement. Mique y aménagea avec le comte de Caraman un jardin à l’anglaise, où il disposa des « fabriques » d’un style néo-grec très pur : le Belvédère, à pans coupés, le Temple de l’Amour, en rotonde. Mais il devait sacrifier à la mode pseudo-rustique en entourant le lac, de 1783 à 1786, des constructions du Hameau, notamment la Maison de la reine, la Ferme, le Moulin à eau, la Laiterie, attenante à la « tour de Marlborough ».


Le domaine de la Révolution à nos jours

La Révolution vida le château, mais en épargna à peu près les bâtiments et la décoration fixe. Napoléon n’apporta rien de notable (réaménagement du Grand Trianon), Louis XVIII et Charles X non plus. Sous la monarchie de Juillet, en revanche, l’organisation du musée entraîna d’importantes modifications. Un vaste programme de restauration devait être entrepris en 1925 grâce à la générosité de John D. Rockefeller ; continués à partir de 1951, les travaux ne sont pas terminés. Il faut signaler surtout la résurrection de l’Opéra, qui avait été défiguré au xixe s., et de fructueux efforts de remeublement.

B. de M.

Le musée national de Versailles

Un musée historique occupe une grande partie du château. Créé à l’initiative de Louis-Philippe dans un dessein de réconciliation nationale, il fut dédié par lui « à toutes les gloires de la France » et inauguré en 1837. Ses collections, qui n’ont cessé, depuis lors, de s’enrichir, comprennent essentiellement des portraits, peints ou sculptés, et des tableaux représentant les principaux événements, civils ou militaires, de notre histoire. Le musée a sauvé le château en lui donnant une affectation, mais son aménagement a entraîné des destructions regrettables. Les collections du xviie s. sont présentées dans l’aile du Nord, privée de sa décoration d’origine ; celles du xviiie s. et de la Révolution, dans le rez-de-chaussée du corps central, où des lambris anciens leur servent, au contraire, de cadre ; celles du Consulat et de l’Empire, dans l’attique à gauche de la cour et au rez-de-chaussée de l’aile du Midi. Vidés de leurs appartements, les deux étages supérieurs de cette aile forment, depuis la création du musée, ce qui en est sans doute la partie la plus caractéristique, la plus conforme, en tout cas, aux intentions et au goût de son fondateur : l’immense galerie des Batailles, aménagée par Pierre Fontaine* et Frédéric Nepveu (1777-1861) dans le style néo-classique. Parmi beaucoup d’ouvrages académiques, comme ceux d’Horace Vernet* et d’Ary Scheffer, on remarque la Bataille de Taillebourg de Delacroix*, qui fait exception par son accent romantique.

B. de M.

 P. de Nolhac, Versailles (Morancé, 1910 ; 4 vol.). / P. Francastel, la Sculpture de Versailles (Morancé, 1930). / C. Mauricheau-Beaupré, Versailles. Le château, le parc, les Trianons (les Documents d’art, Monaco, 1948). / B. Champigneulle, Versailles dans l’art et l’histoire (Larousse, 1955). / G. Van der Kemp et J. Levron, Versailles, Trianons (Arthaud, 1957). / P. Verlet, Versailles (Fayard, 1961). / B. Teyssèdre, l’Art français au siècle de Louis XIV (Libr. générale fr., 1967). / A. Marie, Naissance de Versailles. Le château, les jardins (Vincent et Fréal, 1968 ; 2 vol.). / P. Morel, Versailles. Les Trianons (Arthaud, 1971). / L. Benoist, Histoire de Versailles (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1973).


Les sculpteurs de Versailles

La sculpture française du xviie s. est avant tout celle de Versailles. Louis XIV eut au service de ses desseins de nombreux sculpteurs, presque tous membres de l’Académie* royale. On ne peut leur dénier de fortes qualités personnelles ; c’est le cas pour les deux plus célèbres : François Girardon (Troyes 1628 - Paris 1715), auteur de la statue équestre du roi qui s’élevait au centre de la place Louis-le-Grand (Vendôme) à Paris, et Antoine Coysevox (Lyon 1640 - Paris 1720), à qui l’on doit le tombeau de Mazarin à l’Institut de France, mais c’est aussi le cas pour beaucoup d’autres, comme les frères Gaspard et Balthazar Marsy (nés à Cambrai v. 1625 et en 1628, morts à Paris en 1681 et en 1674), Jean-Baptiste Tubi ou Tuby (Rome v. 1635 - Paris 1700), Étienne Le Hongre (Paris v. 1628 - id. 1690), Pierre Le Gros (Chartres v. 1629 - Paris 1714), etc.

Leur mérite individuel compte cependant moins que leur appartenance à une équipe homogène, que leur soumission à une volonté créatrice, celle du souverain, interprétée par Le Nôtre, Le Vau, Hardouin-Mansart et par Le Brun, qui a souvent fourni à ces sculpteurs des projets dessinés. Alors que la peinture versaillaise a pu céder à des sollicitations baroques, les sculpteurs ont cultivé des vertus qui relèvent plutôt de l’idéal classique : excellence du métier, sans étalage de virtuosité ; discipline de l’inspiration par l’étude de la « nature » et celle de l’antique, l’une compensant l’autre ; aisance dans le maniement de l’allégorie ; sens de la retenue et de la mesure, n’excluant pas le frémissement de la vie. On comprend qu’un tel climat n’ait pas été favorable au génie baroque d’un Puget*, dont les ouvrages quittèrent Versailles peu après y avoir été placés.