Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van Goyen (Jan) (suite)

Après 1640, le peintre capte la grandeur de la nature de son pays, avec ses plans d’eaux, ses dunes et ses prairies, dans de vastes panoramas parsemés de villages, sous des ciels immenses. Le ciel prend toujours plus d’importance, à la fois comme élément pictural et comme moyen d’expression : le paysage s’enrichit par lui-même d’une dimension spirituelle, sans qu’il soit besoin de recourir à quelque ruine antique à la manière italienne. La palette, subtile, se réduit aux nuances de gris et de vert, de brun et de jaune unifiées par l’atmosphère. L’espace est profond et silencieux, empreint d’un lyrisme qui tient surtout à la répartition raffinée des ombres et des lumières. Mais il y a partout des personnages. De petites figures s’entassent amicalement dans les chariots paysans, dans les bateaux de pêche, s’accostent dans la rue, patinent dans un paysage d’hiver ou vont à cheval à travers la campagne.

Après 1650, la tonalité de Van Goyen devient plus profonde, sous l’influence de Rembrandt*, et il peint surtout de larges vues de villes au bord des fleuves : Arnhem, Rhenen, Nimègue, Utrecht, avec leurs clochers, leurs tours et leurs remparts. La série de Dordrecht est particulièrement célèbre (Rijksmuseum, Amsterdam). L’ultime chef-d’œuvre est la Mer de Haarlem (1656, Francfort), où l’eau et l’espace, d’une présence palpable, semblent suspendus dans une sérénité absolue.

L’art de Van Goyen a largement influencé les paysagistes contemporains, tels Pieter de Molijn (1595-1661) et Salomon Van Ruysdael, et ceux de la génération suivante, notamment Nicolaes Berchem (1620-1683), malgré son italianisme, et Albert Cuyp (1620-1691).

A. Z.

 H. Van de Waal, Jan Van Goyen (Amsterdam, 1941). / H. U. Beck, Ein Skizzenbuch von Jan Van Goyen (La Haye, 1966) ; Van Goyen. Ein Œuvreverzeichnis (Amsterdam, 1972-73, 2 vol.).

Vanini (Giulio Cesare ou Lucilio)

Philosophe italien (Taurisano 1585 - Toulouse 1619).


Victime des dévots, Vanini, brûlé vif après avoir eu la langue arrachée, meurt fidèle à ses convictions d’athée et de philosophe libertin, et, selon les termes de son persécuteur, le père Garasse, en enragé. Envoyé à Rome par son père pour y étudier la philosophie et la théologie, il avait poursuivi ses études à Naples et à Padoue, s’initiant à la médecine, à la physique, à l’astronomie et au droit. Ordonné prêtre, il parcourt l’Italie, l’Allemagne, la France, puis gagne l’Angleterre ; il y abjure la foi catholique, mais devient suspect à l’Église anglicane et est emprisonné. Retourné au catholicisme, il rentre en Italie en 1614, d’où son scepticisme l’oblige à fuir. Il se fixe alors à Lyon pour écrire l’Amphytheatrum aeternae Providentiae (1615). Chassé de son couvent pour la liberté de ses mœurs, il se réfugie à Paris, devient le protégé du maréchal François de Bassompierre, à qui il dédie ses quatre livres de dialogues : De admirandis naturae reginae deaeque mortalium arcanis. Cependant, la Sorbonne condamne l’ouvrage au feu ; Vanini fuit à Toulouse ; il y exerce la médecine et donne, parmi de petits cercles d’amis, des conférences philosophiques. Dénoncé, il est condamné à l’issue d’un procès qui ressemble à un règlement de comptes.

Poussant à l’extrême les théories de Jérôme Cardan (Gerolamo Cardano, 1501-1576) et de Pietro Pomponazzi (1462-1525), Vanini, sous couvert d’expliquer les mystères de la nature, s’en prend aux miracles, oppose l’ironie et le scepticisme à la foi et conclut que la véritable religion est « la loi naturelle au cœur de chaque homme ».

Son panthéisme, qui préfigure celui de Spinoza*, nie l’immortalité de l’âme et la création du monde.

Déterministe, Vanini croit en l’hérédité et cherche dans la physiologie les origines de la pensée, de l’imagination, des rêves. Pourtant, il estime que « la science de la médecine si réelle comparée aux autres est encore pleine d’incertitudes et d’erreurs » et se range « à l’avis d’Agrippa dans le livre qu’il a écrit sur la vanité des sciences ».

Ne voyant dans la morale qu’un fatras d’ambiguïtés, il professe la tolérance et un épicurisme qui semble avoir été la règle de conduite de toute sa vie. (« Oubliez les maux passés, ne vous inquiétez pas de ceux qui peuvent arriver, et surtout débarrassez-vous des maux présents. »)

Sa méthode consiste à opposer la diversité des opinions en fortifiant celles qui attaquent la religion et en abandonnant les autres à leur faiblesse, ainsi qu’à intégrer dans ses textes des extraits d’autres philosophes, en les modifiant dans le sens d’une violence accrue.

R. V.

Van Leeuwenhoeck (Antonie)

Opticien et naturaliste néerlandais (Delft 1632 - id. 1723).


« L’Homme, milieu entre rien et tout » a dit Pascal. La connaissance de la nature a toujours progressé dans les deux directions : vers le « tout » des dimensions planétaires et stellaires, vers le « rien » de l’atome ou de la molécule. Mais il est pour les biologistes un niveau privilégié de la connaissance, celui des dimensions cellulaires, celui des grandeurs de l’ordre du centième de millimètre. Un monde nouveau s’est soudainement ouvert à l’analyse lorsque le microscope a atteint un grossissement de 300 diamètres environ. Ce petit progrès technique décisif, on le doit à Antonie Van Leeuwenhoeck.

Les activités professionnelles de Van Leeuwenhoeck ne semblent pas avoir tenu une grande place dans sa vie : fils de vannier, étudiant en pratique commerciale à Amsterdam, tôt rentré à Delft, qu’il ne quittera plus, il y sera drapier, huissier des échevins de la ville en 1660, géomètre en 1669, jaugeur de vin en 1679.

Il consacre ses facultés d’autodidacte et la plus grande partie de son existence à mettre au point les microscopes. C’est, dit-on, en maniant une petite loupe de drapier qu’il prend le goût de regarder au travers de verres grossissants. Il taille avec habileté les lentilles de ses microscopes simples qui lui permettront de découvrir de « curieuses merveilles ». Il monte l’objet sur une pointe, et le centre à l’aide d’une vis, puis fait la mise au point et regarde par un orifice oculaire, obtenant ainsi de forts grossissements. Conscient des possibilités extraordinaires offertes par le microscope, qu’il s’acharne à perfectionner, il fabrique des lentilles toujours plus grossissantes.