Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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toundra (suite)

Il faut enfin noter que la croissance des espèces dans ces régions froides est très lente (moins de 1 cm par an, parfois 1 mm seulement, pour un Saule rampant) ; il en résulte un nanisme très accentué. D’autre part, la durée très courte de la période estivale ne permet pas toujours une montée à fleurs normale, et il arrive que des boutons floraux ébauchés une certaine année ne parviennent à se développer complètement que l’année suivante (Cochlearia).


Peuplement animal

Les animaux dans ces régions ont surtout à lutter pour leur nourriture et à rechercher la protection contre le froid, car la production primaire, celle du tapis végétal, est faible. Les animaux à sang chaud (homéothermes) sédentaires sont bien défendus par une fourrure épaisse et une couche graisseuse importante (Renne, Bœuf musqué) ; d’autre part, on constate sur ces espèces une réduction très nette des organes à grosse déperdition de chaleur : oreilles, cou, membres, queue ; cela se voit très bien dans le genre Canis (sensu lato) entre le C. lagopus polaire et le Renard d’Europe (C. vulpes), et encore plus avec le C. zerda des régions désertiques. Une autre remarque à faire aussi est la taille des sujets, fréquemment importante pour les animaux des régions polaires par rapport à celle des espèces systématiquement voisines des régions plus chaudes, le rapport surface/volume étant d’autant plus petit que l’animal est plus gros, et donc la déperdition de chaleur plus faible. Les gros animaux (Renne, Caribou, Bœuf musqué), ainsi que beaucoup d’Oiseaux, émigrent pour éviter le plus possible les froids de la grande nuit polaire et trouver les ressources alimentaires nécessaires. Les petites espèces qui hivernent (petits Rongeurs et Carnassiers) le font dans des cavités, précaires à cause de la structure du sol, en partie gelé, qui ne permet pas le creusement de terriers solides ; ces animaux doivent en outre se contenter de régimes alimentaires variés. Il faut aussi signaler la fréquence de la coloration blanche chez de nombreuses espèces : soit toujours blanche au cours de l’année (Ours, certains Oiseaux...), soit présentant une hétérochromie saisonnière plus ou moins importante comme le Lièvre polaire, l’Hermine, le Renard..., coloration qui serait en relation avec les basses températures du milieu. Les Reptiles à température variable, sans régulation thermique (poïkilothermes), sont peu nombreux. Les Lézards ne dépassent pas le cap Nord et Sakhaline ; il en est de même des Vipères, dont la limite septentrionale est le 67e degré de lat. N. Après avoir passé la période froide à l’état de vie ralentie, les Insectes sont assez nombreux pendant les deux mois où la température est suffisamment clémente pour leur éclosion ; Moustiques et Mouches pullulent tout particulièrement. Par suite de la brièveté de la saison favorable, leur cycle de développement s’effectue pour beaucoup d’espèces sur plusieurs années.


Régions antarctiques

Dans les régions antarctiques, dès la Tasmanie (45e degré de lat. S.), les îles du Prince-Édouard, les Kerguelen (entre le 45e et le 50e degré), le sud de la Patagonie, la Géorgie du Sud, les Falkland, entre le 50e et le 55e degré, on rencontre des formations analogues à la toundra arctique. Mais la limite sud de ces formations est relativement élevée, puisque pratiquement elle s’arrête au 61e degré de lat. S. : Aira antarctica et Colobanthum crassifolium sont les deux seules Phanérogames du continent antarctique, presque entièrement recouvert par les glaces.

Dans ce domaine antarctique, ce sont surtout les très faibles températures de la saison clémente (janv.-févr.) qui sont un obstacle au développement de la végétation, bien plus que celles des mois d’hiver (juill.), relativement peu rigoureuses, car le climat de ces îles est adouci par l’influence océanique des mers où sont perdues ces îles désolées.

Comme espèces végétales, on peut citer Azorella et en particulier A. selago, qui forme de grosses masses hémisphériques, ainsi qu’Acæna ascendens, présent dans un certain nombre d’îles. Quelques genres sont communs aux régions antarctiques et arctiques : Poa, avec, dans les régions antarctiques, P. flagellata (le Tussock), Aira, et en particulier A. antarctica, qui accomplit son cycle annuel en quelques semaines quand le thermomètre est au-dessus de zéro (il ne dépasse pas 5 °C). On trouve encore comme genres les Renoncules, les Myosotis, les Pinguicules. Enfin, quelques espèces sont même communes aux deux régions, comme Cardamine hirsuta, Samolus Valerandi, Deschampsia cæspitosa. Le Chou des Kerguelen (Pringlea antiscorbutica), autrefois très répandu, n’est plus maintenant localisé que dans quelques îlots inaccessibles aux Lapins introduits dans la grande île, et qui en pullulant ont détruit une partie de la végétation, où une trentaine d’espèces sont indigènes.


Toundra d’altitude

Dans les hautes montagnes, les microclimats créent des conditions qui rappellent celles des régions arctiques et antarctiques. Elles en diffèrent cependant par la pression réduite d’oxygène, par un rayonnement solaire intense et beaucoup moins oblique, voire parfois vertical, par des variations de températures très importantes au cours de l’année et aussi lors d’une même journée, en particulier en été, et enfin par une variation de la durée d’illumination très différente : ici, le rythme journalier est parfaitement respecté.

Comme dans les toundras des régions nordiques, les sols sont peu évolués (rankers sous dépendance climatique) ; on trouve donc un horizon humique (matière organique et petits fragments de la roche mère) supérieur non lessivé, établi directement sur la roche mère ; les sols subissent d’autre part une forte érosion hydrique, thermique et même éolienne.

Le tapis végétal de ces hauts sommets est composé d’une mosaïque de groupements liés aux microstations ; naturellement, on n’y rencontre pas d’arbres : quelques arbrisseaux nains (Saules), fréquents dans l’étage immédiatement inférieur, y sont encore présents, mais surtout des plantes vivaces en coussins (Chaméphytes), qui résistent bien aux conditions rigoureuses (Silene, Erytrichium, Gentianes...) ; les plantes annuelles sont très rares. Nombre de ces espèces sont communes aux régions polaires ; il n’en est pas de même pour les animaux de l’étage alpin. Certains homéothermes passent l’hiver dans des terriers et entrent en hibernation, d’autres descendent dans les zones boisées inférieures, au climat hivernal moins rigoureux.