Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

abcès (suite)

Abcès chaud

Pour que se constitue un abcès au sein d’un tissu, il est nécessaire que celui-ci soit irrité par la pénétration de germes pathogènes ou d’une substance irritante (abcès de fixation après injection d’essence de térébenthine). La piqûre septique est la cause la plus fréquente, mais le germe peut pénétrer par voie lymphatique ou sanguine et se développer à distance de la porte d’entrée. En règle générale, les germes responsables de la formation d’un abcès sont le staphylocoque et le streptocoque, mais la liste n’est pas limitative, et tous les germes peuvent être rencontrés.


Physiopathologie

La pullulation des micro-organismes entraîne l’émission de toxines. Celles-ci, agissant directement sur les tissus, les détruisent par cytolyse (dissolution des cellules). Les moyens de défense de l’organisme sont la lutte antimicrobienne et l’isolement du foyer infectieux.

La lutte antimicrobienne est menée par les leucocytes sortis des vaisseaux par diapédèse, et par les cellules du tissu conjonctif reprenant un aspect embryonnaire. Les uns et les autres phagocytent les germes et les digèrent par leurs ferments. Les débris cellulaires et tissulaires, les corps microbiens sont réduits par autolyse (dissolution de ces éléments par leurs propres enzymes) en substances plus simples (acides aminés, acide lactique). L’exsudation séreuse due à l’hyperhémie s’ajoute à ces phénomènes, et ainsi est formé le pus, contenu de l’abcès.

L’isolement du foyer infectieux est réalisé par l’établissement d’une barrière infranchissable aux germes, due à la prolifération du tissu conjonctif de voisinage et à l’apparition de fibres collagènes de soutien. Ainsi est formée la coque de l’abcès.

Cette double réaction défensive peut faire avorter l’abcès, qui ne dépasse pas alors le stade congestif, ou de phlegmon. Dans le cas contraire, le pus se forme, mais s’il est d’abord pathogène, il devient progressivement de moins en moins virulent, et il n’est pas rare, en incisant un abcès ancien, de trouver un pus sans germe, stérile à la culture.


Anatomie pathologique

1o Au stade de congestion, les tissus sont œdématiés, les petits vaisseaux dilatés et sièges d’exsudation séreuse. Ils donnent issue aux leucocytes par diapédèse.

2o Au stade de suppuration, l’abcès se compose de deux éléments : la coque et le pus. La coque est d’une certaine épaisseur, gris blanchâtre ; c’est un feutrage fibrino-conjonctif. Le pus est un liquide crémeux bien lié et d’odeur fade. Il est fétide lorsque le germe est anaérobie. Il contient des leucocytes plus ou moins altérés, des cellules embryonnaires conjonctives, des débris cellulaires.


Symptômes

Autour du point d’inoculation ou en profondeur par rapport à celui-ci apparaît la douleur spontanée, cependant que la peau rougit et s’épaissit.

Dans un premier stade congestif, les signes locaux sont ceux de l’inflammation : rougeur, chaleur, tumeur, douleur. Des signes généraux les accompagnent : fièvre, petits frissons répétés, insomnie, état saburral. Une adénopathie (un ganglion) peut apparaître dans le territoire lymphatique correspondant.

La suppuration amène des modifications locales : augmentation de volume avec ramollissement central, modification de la douleur spontanée, qui devient pulsatile. Si l’abcès est superficiel, apparaît la fluctuation qui indique la présence du pus. Ce signe manque en cas d’abcès profond.

L’hémogramme montrerait une augmentation du nombre des globules blancs (leucocytose) et surtout des polynucléaires.


Évolution

Incisé et correctement drainé, l’abcès chaud évolue rapidement vers la guérison ; la suppuration se tarit, la poche se comble, l’incision se referme.

Dans certains cas, l’infection s’étend localement (phlegmon diffus) : il faut pour cela un germe très virulent ou un état général précaire (diabète).

Certaines formes d’évolution subaiguë n’aboutissent que lentement et mal à la suppuration. La tuméfaction peut être très dure (phlegmon ligneux).

Le diagnostic est en général évident, mais la confusion a pu être faite avec un anévrisme, et l’on conçoit la gravité du geste chirurgical.

Le traitement chirurgical est généralement aisé : il faut inciser largement, évacuer le pus, drainer la cavité. Ce geste a été codifié par Chassaignac.


Autres formes d’abcès chaud

Le phlegmon diffus est caractérisé par la diffusion de l’infection, sans tendance à la limitation, avec nécrose tissulaire. Il s’accompagne d’un état général grave et peut avoir une évolution mortelle. Il est la conséquence de plaies contuses négligées ou d’une inoculation directe très septique : piqûre anatomique lors d’une autopsie par exemple. Il est heureusement devenu plus rare et moins grave depuis la découverte de l’antibiothérapie par sir Alexander Fleming. Chassaignac distinguait le phlegmon diffus sus-aponévrotique superficiel et le phlegmon diffus profond, ce dernier encore plus grave.

Cliniquement, le gonflement est étendu, le membre très douloureux, la rougeur diffuse, la peau marbrée, avec parfois des teintes feuille morte de nécrose. L’état général est gravement atteint. Avant les antibiotiques, les larges incisions et débridements ne parvenaient pas toujours à empêcher l’évolution mortelle. Lorsque la guérison survenait, c’était au prix de séquelles : rétractions musculaires et tendineuses, cicatrices rétractiles, névrites persistantes.

Certaines affections peuvent être la cause d’abcès d’un type spécial : telle est l’amibiase*, qui peut donner des abcès du foie, du poumon, et dont la caractéristique, outre la localisation, est l’aspect du pus, couleur chocolat.


Abcès froid

On désigne sous ce nom les abcès dus au bacille de Koch, que l’on observe au cours de la tuberculose* osseuse et ostéo-articulaire, et certains abcès dus à des champignons microscopiques responsables des mycoses*.