Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

poterie (suite)

Le terme de poterie a longtemps recouvert une large fraction des arts céramiques, incluant les faïences* et les porcelaines*. Ces dernières sont considérées aujourd’hui comme autonomes après avoir acquis leurs techniques spécifiques. La poterie, allégée également des briques* et des tuiles, qui ont bénéficié pour leur part d’une mécanisation très poussée, désigne plus étroitement aujourd’hui une industrie un peu archaïque, fréquemment artisanale, mais encore créatrice de formes originales. Les fabrications de masse, de qualité médiocre mais suffisante pour l’usage qui en est fait (pots à fleurs, conduits de drainage, carreaux communs), sont, cependant, partiellement mécanisées.


Fabrication

Les poteries sont faites à partir d’argiles sableuses ou dégraissées par addition de sable. Les grosses inclusions de calcaire ou de pyrite, fréquentes dans les argiles impures, font rejeter celles-ci : les inclusions de calcaire donnent à la cuisson de la chaux CaO, qui, par hydratation ultérieure, foisonnerait ; les inclusions de pyrite provoquent des coulures de taches noires ou dès trous. À l’argile est ajoutée de la craie ou de l’argile cuite et broyée (chamotte). La proportion de chamotte est normalement de 50 p. 100 pour la préparation d’une pâte molle destinée au travail à la main ; elle est plus importante quand la pâte est destinée à être pressée. La pâte, obtenue à partir des techniques habituelles de préparation (broyage, malaxage), est façonnée soit par moulage (carreaux), soit par filage (drains), ou enfin par tournassage avec ou sans calibre. Le tour de potier classique est encore utilisé. Les gros pots industriels, qui ont une forte épaisseur, subissent, après montage à la main, une homogénéisation de l’humidité dans la masse par diffusion capillaire, qui parfait le pourrissage intervenu sur la pâte. Suit le séchage, commencé d’abord en atmosphère humide maintenue à 35 °C, puis en atmosphère sèche à 50 °C. La cuisson est faite, pour toutes les pièces de poterie, dans des fours généralement intermittents. Elle commence vers 500 °C, ce qui correspond au départ de l’eau de constitution, et s’achève entre 950 et 1 050 °C.

Les terres cuites ordinaires sont poreuses, ce qui peut être utile pour les pots à fleurs, les conduits de drainage, mais serait inadmissible pour des récipients destinés à recevoir des liquides. D’ailleurs, certaines argiles et certains modes de travail conduisent à une porosité importante (de 30 à 40 p. 100) et à une certaine dimension de pores qui rendent gélives les pièces façonnées. De telles argiles, que seule l’expérience permet de reconnaître, sont à rejeter.

Pour la plupart des usages, la poterie doit être imperméabilisée. Elle reçoit pour cela un revêtement d’émail, une glaçure ou un vernis. Si l’on veut conserver la couleur même de la poterie, qui peut aller du rouge au jaune clair suivant la pureté des terres et l’allure oxydante ou réductrice du four de cuisson, on utilise une glaçure transparente à base de plomb (minium Pb3O4, alquifoux ou galène impure PbS). Pour des raisons sanitaires, l’utilisation d’émaux frittés se généralise.

La décoration se fait par dépôt d’engobes, terres qui, à la cuisson, prennent une autre couleur que celle du support. Le vernis peut être coloré avec les oxydes habituels : l’oxyde de cobalt pour les bleus, l’oxyde de cuivre pour les verts, l’antimoniate de plomb pour les jaunes, le bioxyde de manganèse pour les violets et les oxydes de fer pour les brun-rouge.

I. P.


L’art et l’archéologie

Modeler la terre, en fixer la forme par la cuisson pour obtenir un vase, une statuette ou un élément de construction est un art à la fois très ancien et universel. Depuis les premières sociétés sédentaires jusqu’à nos jours, la poterie a partout répondu au besoin général de transport, de cuisson (voire de consommation) des matières non cohérentes, surtout alimentaires ; elle représente donc, avec le tissage et avant les métaux, une des premières activités industrielles. Fragile, mais imputrescible, la terre cuite témoigne, mieux que tout autre vestige, des civilisations disparues et permet d’en distinguer l’évolution. Aussi est-elle — le plus souvent sous la forme fragmentaire du tesson — un excellent « fossile » pour déterminer l’âge des couches archéologiques (v. archéologie et archéomagnétisme).

Objet somptuaire et rituel autant que populaire, elle est précieuse pour l’historien par son décor, quand elle présente des figures modelées (vases « plastiques », en forme d’animal ou de personnage) ou reproduit des peintures, dont elle reste le seul témoignage : tout l’art pictural de la Grèce* et sa mythologie subsistent au flanc de ses poteries. Comme une architecture, un vase peut se passer d’ornements ; le danger réside plutôt dans une décoration excessive ou indépendante du support. Ici comme ailleurs (en tapisserie par exemple), le progrès technique peut même s’exercer aux dépens de l’art ; les paysages sur faïence ou porcelaine en font foi. Ce sujet ne saurait détourner de l’objectif essentiel : savoir comment les potiers ont pu répondre à des besoins divers tout en s’exprimant dans un langage personnel.


Diversité technique

Un vase est un corps creux « de révolution » obtenu au tour grâce à la plasticité de l’argile, ce qui est le cas général ; mais il peut aussi bien avoir été façonné entre les doigts, un peu à la façon des huttes de terre, en superposant des rouleaux de pâte molle (colombins) ou en employant une matière peu ou pas plastique. Séchée à l’ombre, la pâte perd son eau interstitielle et subit un retrait tout en restant fragile et instable ; il faut, par une cuisson appropriée, lui ôter son eau de constitution et créer un équilibre moléculaire définitif. Vers 850-900 °C, l’argile donne la terre cuite, qui est poreuse ; mais une terre plus réfractaire « grésante », permet d’atteindre 1 200 à 1 300 °C et, par une vitrification partielle, d’obtenir un grès imperméable. À 1 400 °C, enfin, l’emploi d’une argile très pure, le kaolin, donne la porcelaine, complètement vitrifiée et translucide. Dans ce dernier cas, la pâte est très peu plastique et nécessite des agglutinants organiques ; le tournage en est délicat, et on lui préfère parfois le coulage dans des moules. À la limite, la matière peut être siliceuse, donc non plastique ; une sorte de frittage a permis aux anciens Égyptiens, pour des pseudo-faïences bleues à décor brun-noir, puis aux pays islamisés d’en faire un large emploi.