Larousse agricole 2002Éd. 2002
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digestibilité (suite)

La digestibilité des aliments représente le principal déterminant du flux de nutriments utilisés pour le métabolisme et par conséquent conditionne fortement la valeur énergétique des aliments. Elle varie d'une espèce à l'autre selon le type de constituants et augmente avec l'âge de l'animal en fonction du développement de son tractus digestif. Elle dépend essentiellement de la composition chimique des aliments mais aussi de leur forme de présentation ou d'éventuels traitements technologiques appliqués. Par ailleurs, l'équilibre entre les différents composants de la ration (énergie/azote, excès de constituants pariétaux, présence de vitamines ou de minéraux...) peut modifier la digestibilité des aliments.

Schmidely

digestion

Ensemble des phénomènes assurant dans l'appareil digestif la transformation des aliments en substances simples (nutriments), capables de passer dans le sang ou la lymphe et nécessaires à l'organisme animal.

La digestion met en jeu des phénomènes physiques, tels que le broyage, l'humidification, le mélange et le transit des aliments, et des phénomènes chimiques, dus à des sécrétions digestives ou à l'action de la population microbienne qui se développe dans le tube digestif. Cette population microbienne joue un rôle fondamental dans la digestion chez beaucoup d'herbivores : elle permet en effet à l'animal d'utiliser la cellulose des végétaux et peut transformer des formes azotées simples (azote non protidique, urée, ammoniac) en protéines susceptibles d'être postérieurement dégradées en acides aminés qui assureront la nutrition azotée de l'animal hôte et, en outre, la synthèse de certaines vitamines, notamment celles du groupe B.

Bien que suivant le même schéma général, la digestion chez les mammifères diffère selon les espèces, par suite des particularités anatomiques de leurs appareils digestifs.

Chez le ruminant.

La digestion chez cet herbivore présente des particularités qui ont des conséquences importantes sur l'élevage. En effet, au cours de la digestion d'un ruminant, les aliments subissent d'abord une dégradation microbienne dans le rumen (digestion des glucides, remaniement des matières azotées), avant de subir la digestion chimique propre à tous les animaux.

Dans la cavité buccale, il se produit deux sortes de phénomènes : ceux qui sont liés à l'ingestion des aliments et ceux qui sont liés à la rumination de ceux-ci.

Lors de l'ingestion, les aliments sont insalivés au cours d'une brève mastication. La salive, bien que peu abondante, assure la neutralisation du contenu de la panse et apporte de l'azote aux microbes du rumen.

Les aliments sont ensuite déversés dans la panse, où ils sont mélangés avec les fragments d'autres aliments en cours de digestion. Au bout d'un temps relativement court (environ 30 minutes), ils sont régurgités (rumination ou mérycisme) dans la cavité buccale en deux temps : une phase d'aspiration dans l'œsophage, suivie d'une phase d'expulsion de l'œsophage vers la bouche. Les mouvements de rumination sont coordonnés avec le brassage régulier du rumen. Le retour des aliments dans la bouche entraîne une mastication lente et provoque une production abondante de salive, qui peut dépasser 150 litres par jour chez la vache et 15 litres chez le mouton. Les aliments sont ensuite renvoyés dans l'ensemble rumen-réseau.

Dans les conditions normales, l'animal rumine de 6 à 8 heures par jour. La rumination est un phénomène réflexe susceptible d'être interrompu volontairement par l'animal (en cas de frayeur en particulier) et qui est due à l'excitation de la zone cardiale et de la gouttière œsophagienne par les particules alimentaires grossières.

Les différentes poches stomacales du ruminant et en particulier l'ensemble rumen-réseau sont soumises à des mouvements de brassage. Lors des contractions du réseau, les particules fines d'aliments sont acheminées à travers l'orifice réseau-feuillet vers le feuillet, alors que les particules grossières, projetées vers la partie cardiale du rumen, assurent le déclenchement de la rumination. Une bonne rumination est indispensable pour que les fourrages soient utilisés d'une façon satisfaisante et pour que l'élimination des gaz de fermentation soit assurée.

Dans le rumen, les aliments subissent une dégradation importante sous l'action de nombreuses espèces de bactéries et, d'une façon moins déterminante, de protozoaires.

Les glucides sont transformés en acides gras volatils : acides acétique, propionique et butyrique ; l'acide propionique possède une bonne valeur énergétique et est particulièrement efficace pour l'engraissement; l'acide acétique, outre son utilisation comme source d'énergie, est un élément de base de la synthèse par la mamelle d'une partie des acides gras du lait ; l'acide butyrique, enfin, se transforme, lors de son passage à travers la paroi du rumen, en corps cétoniques (il peut, s'il est produit en grande quantité dans la panse, entraîner chez l'animal l'apparition de troubles, comme l'acétonémie). Les régimes riches en glucides membranaires (fourrages grossiers) favorisent la production d'acide acétique, tandis que ceux qui sont riches en glucides de réserve (céréales, racines) augmentent la production d'acide propionique.

Les fermentations produisent des gaz (gaz carbonique, méthane, etc.), qui sont éliminés par la bouche lors de la rumination. Si la rumination est ralentie et surtout si elle est supprimée, il y a accumulation de gaz dans la panse et gonflement de l'animal (météorisation). Limité par la paroi abdominale, le rumen, qui appuie sur le diaphragme, fait alors pression sur les poumons, ce qui peut entraîner la mort du sujet par asphyxie.

Une partie des protides est dégradée dans le rumen par les micro-organismes en ammoniac, qui peut soit passer dans le sang et être éliminé en grande partie dans l'urine, soit servir de matière première pour la synthèse de protéines bactériennes, qui, entraînées avec le bol alimentaire, lors du transit, sont dégradées dans la caillette et dans l'intestin en acides aminés au même titre que les résidus alimentaires. C'est grâce à ces phénomènes que les ruminants peuvent utiliser tout au moins partiellement des formes azotées simples, comme l'urée.