Larousse agricole 2002Éd. 2002
C

culture tropicale (suite)

Les sols intertropicaux peu évolués s'avèrent très intéressants en arboriculture car ils ont parfois une couche humifère de grande qualité. La culture de l'hévéa, du caféier, du théier, du cacaoyer ou d'arbres fruitiers est particulièrement recommandée pour la préservation des sols en voie de latéritisation.

À côté de ces sols à sesquioxydes, il existe bien d'autres sols tropicaux : des sols complètement privés d'humus (sols désertiques ou alluviaux), des sols à humus plus évolué (argiles noires tropicales fertiles), des sols bruns tropicaux, des sols volcaniques (andosols).

Tous ces sols évoluent très vite, souvent en se dégradant, du fait des conditions naturelles agressives et de certaines interventions humaines qui accélèrent les phénomènes climatiques.

Systèmes de culture.

Mis à part les sols alluviaux ou volcaniques, les sols tropicaux sont particulièrement pauvres et fragiles. Même sous couvert forestier, les matières organiques sont rapidement détruites sous l'action de l'humidité et de la chaleur, si bien que la couche humifère demeure très mince. Cet humus est très recherché par les cultivateurs qui ont toujours eu l'habitude de cultiver après défrichement les terres forestières limitrophes des villages (défriche-brûlis). Or, mis en culture, ces terrains perdent vite, du fait des lessivages provoqués par les pluies violentes, les éléments fertilisants qu'ils contiennent. Le cultivateur, ne pouvant restituer les exportations minérales et l'humus ainsi perdus, abandonne les lieux au bout de 2 ou 3 ans et met en valeur de nouvelles terres. Ce perpétuel besoin de terres est la cause majeure de la destruction des forêts tropicales primaires, d'autant que l'agriculteur prépare sa terre par le feu qui, très souvent, se propage bien au-delà des surfaces culturales nécessaires.

Dans ce système traditionnel d'agriculture dite « sur brûlis », les cultures s'échelonnent non pas tellement en fonction des conditions de sol et de milieu, mais plutôt selon les besoins nutritifs des populations. Ainsi, les successions culturales les plus répandues débutent en Afrique par l'arachide, le sésame, le maïs ou l'igname, se poursuivent ensuite parfois par l'installation de cacaoyers, puis se terminent en général par des rotations mil-sorgho ou mil-manioc. La durée totale de ces rotations culturales tend de plus en plus à se raccourcir ; elle est de 3 à 8 ans et est suivie d'une jachère de 2 à 10 ans. En Asie, la culture du riz est souvent la culture exclusive entre deux jachères, mais on lui associe parfois du coton, de l'igname, du pois et même du maïs.

La colonisation, puis l'insertion des pays tropicaux dans le système économique mondial ont contribué à perturber ce mode traditionnel de culture, qui subsiste cependant de façon plus ou moins marginale et pour certaines cultures appropriées (caféier, igname, hévéa, cacaoyer, etc.). Cette tendance à la modernisation des systèmes d'exploitation a abouti dans la plupart des pays tropicaux à la mise en œuvre de techniques agricoles de plus en plus sophistiquées au service d'une agriculture tournée vers des monocultures très intégrées dans un processus de production calqué sur le modèle des pays industrialisés. Les techniques d'amélioration et d'intensification des cultures tropicales ont surtout porté sur la recherche de variétés à haut rendement, la mécanisation des moyens de culture (avec, à l'appui, la réorganisation foncière), l'introduction de techniques de fertilisation, l'emploi de produits phytosanitaires, l'amélioration des sols, la lutte contre l'érosion et le ruissellement des eaux.

Économie.

L'avènement d'une agriculture moderne a permis non seulement de faire « décoller » sur le plan économique certains pays en voie de développement, mais surtout de faire face à la montée en flèche de leur démographie. En revanche, l'introduction massive de nouvelles techniques culturales ainsi que l'amélioration du matériel végétal ont parfois bouleversé les données écologiques et sociologiques du monde rural tropical. L'exemple de la révolution verte est, à cet égard, très significatif : l'introduction de variétés de riz et de blé très productives, mais nécessitant une technicité élevée (fertilisants, produits phytosanitaires, etc.), a certes donné des productions sans précédent, mais elle a accentué la dépendance des agriculteurs à l'égard des pays et firmes maîtrisant ces techniques et produisant variétés, engrais et produits de traitement. De plus, la monoculture généralisée du riz ou de blé à haut rendement, avec irrigation et épandages massifs de fertilisants et de produits phytosanitaires, a perturbé le précaire équilibre écologique des milieux.

Ces questions de développement agricole touchent en fait la quasi-totalité des pays tropicaux, quel que soit le modèle de développement qu'ils se sont fixé. Car, sans parler de la nécessité de nourrir leur propre population (des cultures comme celles du riz, du manioc, de l'igname, etc., sont destinées principalement à l'autoconsommation), les pays tropicaux tirent l'essentiel de leurs revenus des ressources agricoles. Pour l'Afrique, par exemple, 80 % des recettes d'exportation proviennent de la vente de produits agricoles. D'où l'importance, pour ces pays, d'une organisation commune nécessaire pour s'intégrer avec plus de poids dans le réseau dense des relations commerciales internationales. Face aux pays industrialisés, qui détiennent la technologie et la puissance industrielles, les pays intertropicaux, encore sur la voie du développement économique, ont su, dans la plupart des cas, faire taire leurs divergences politiques et organiser une commercialisation cohérente de leurs productions agricoles. De longues négociations ont permis l'obtention, produit par produit, de la constitution de stocks régulateurs mondiaux et ainsi une réduction de la dépendance des pays producteurs à l'égard des aléas climatiques et des brusques variations des cours mondiaux. Pour des denrées comme le café, le cacao, le thé ou le coton, des accords internationaux sont périodiquement négociés pour la fixation du niveau mondial des productions et des stocks, pour l'abaissement des barrières douanières, pour la lutte contre la spéculation et pour la garantie d'un certain niveau de revenus dans les pays producteurs. Mais d'immenses difficultés restent encore à surmonter sur les plans écologique, technique et humain pour le développement harmonieux du secteur agricole tropical.

Roger-Estrade